Ce jour, espérant que vous bénéficiez de quelques jours de bon repos, j’aimerais vous parler de la louange. C’est une prière qui élève notre âme vers Dieu notre Père, car elle nous décentre de nous-même pour nous faire contempler sa présence et le bénir pour ses actions et ses bienfaits. Elle peut être formulée intérieurement par des paroles de bénédictions et d’action de grâce, par des psaumes et de libres paroles de louanges. C’est ce que fit la Vierge Marie avec son Magnificat en puisant dans sa mémoire le trésor des prières de son peuple, guidée en cela par le Saint Esprit, soutenue par la joie de sa cousine Élisabeth et le tressaillement intérieur de l’enfant qu’elle portait en son sein, Jésus.
Ne sommes-nous pas au cœur de l’été ? La pluie est régulièrement au rendez-vous mais le soleil pointe son nez assez souvent. Tout dépend donc de la manière dont nous regardons la météo et de la joie qui nous habite chaque matin. Parcourant la Bourgogne il y a quelques jours, je fus dans l’admiration de voir la nature, les plantes et les arbustes, une densité verte et luxuriante merveilleuse, des couleurs vertes diverses et infinies. Nous étions, lorsque nous marchions par les chemins, comme enveloppés d’un cocon de vie. Le soleil se jouait des nuages, les traversant de ses faisceaux de lumière pour éclairer les villages, les pâtures et les forêts.
Saint François d’Assise est l’archétype du saint contemplatif de la nature. Il est vrai que pour qui connaît la ville d’Assise, il est facile de s’émerveiller devant la nature et les paysages ravissants qu’offre cette belle région italienne appelée l’Ombrie. J’espère qu’un pèlerinage diocésain s’organisera bientôt là-bas. Je garde notamment le souvenir d’une retraite spirituelle que j’y vécus fin décembre, certes dans un froid glacial mais avec un ciel bleu éclatant de soleil, la ville entourée de ses murailles médiévales flottant en permanence sur une mer de nuages bas qui nous cachaient la vallée et la basilique Sainte Marie des anges, tout en laissant apparaître les montagnes au-dessus de nous. Un goût de paradis entre la terre et le ciel. Saint François et ses frères aimaient louer Dieu devant cette nature. Je vous donne quelques morceaux du cantique des créatures, à reprendre lors de promenades champêtres :
« Très haut tout-puissant, bon Seigneur,
à toi sont les louanges, la gloire, l’honneur et toute bénédiction.
À toi seul, Très-haut, ils conviennent
Et nul homme n’est digne de te mentionner.
Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement, monsieur frère Soleil,
lequel est le jour et par lui tu nous illumines.
Et il est beau et rayonnant avec grande splendeur,
de toi, Très-Haut, il porte la signification.
Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur Lune et les étoiles,
dans le ciel tu les as formées claires, précieuses et belles.
Loué sois-tu, mon Seigneur, par frère Vent
et par l’air et le nuage et le ciel serein et tout temps,
par lesquels, à tes créatures tu donnes soutien.
Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur Eau,
laquelle est très utile et humble et précieuse et chaste.
Loué sois-tu, mon Seigneur, par frère feu
par lequel tu illumines dans la nuit,
et il est beau et joyeux et robuste et fort.
Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur notre mère Terre,
laquelle nous soutient et nous gouverne
et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe.
(…)
Louez et bénissez mon Seigneur,
et rendez-lui grâce et servez-le avec grande humilité. »
Il est possible que vous qui lisez ces lignes êtes en train de vivre quelque épreuve douloureuse, ou qu’un ami subisse une maladie grave. La pandémie atteint certains plus profondément que d’autres comme Paul qui me parla de ses deux mois dans le coma dû au Covid. Alors puis-je encore louer Dieu quand ma vie est si éprouvée ? Quelle motivation vais-je trouver si de ma bouche, c’est un cri de douleur ou de colère qui s’échappe ? Comment chanter le Seigneur lorsque je fais l’expérience difficile de son apparente absence ?
La louange est dû au Seigneur pour l’œuvre de vie qu’il opère en nous. Même dans la douleur, nous pouvons essayer de prier et oser louer le Seigneur. Chacun de nous a reçu la vie de Dieu : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré. » (Je 1,5) Certes, tous les hommes naissent égaux dit la loi, mais nous savons bien que cette égalité n’est que celle de la vie, non celle des conditions : certains vivent dans une réelle aisance matérielle, tandis que d’autres n’ont pas même de quoi se nourrir. Pourtant c’est souvent parmi les peuples en grande précarité, mangeant peu et ne possédant rien que l’on rencontre les plus beaux sourires d’enfant. Une personne me disait que sa jeunesse avait été de celles-là mais qu’elle avait appris à être heureuse car elle avait reçu l’essentiel : la vie ! Avant même notre naissance, le Seigneur nous a consacrés pour lui, cela veut dire que notre vie est sacrée dès son origine, et personne ne peut nous ôter cette dignité de fils et de fille de Dieu. Les pauvres se tournent plus naturellement vers le Seigneur, tandis que les riches s’en détournent attirés par la richesse et la facilité matérielle. Mais ce n’est qu’illusion.
Aussi, même si les conditions de nos vies sont dures, même si nous croisons souvent la souffrance, la voie de la louange devient un chemin de paix et de joie dans l’adversité. Oser entrer dans cette prière en reprenant les mots des psaumes qui n’écartent pas l’expérience de la peine, nous permet de regarder le Seigneur avec foi « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. » (Ps 22,4) Oui, « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. » (Ps 33,2) Même le chapelet, qui est particulièrement la prière des malades bienheureux d’égrainer les mystères du rosaire, peut être dit comme une louange pour l’œuvre de salut que Jésus opère pour nous par sa venue, sa passion, sa mort et sa résurrection. Notre vie douloureuse s’associe alors à son sacrifice pour le bien de l’humanité, en vue de la vie éternelle. Liée à la sienne, notre souffrance trouve là un sens profond. Les sœurs missionnaires de la charité vont servir les pauvres au rythme des dizaines priées avec la Vierge Marie. Ce fut dans ma jeunesse de la foi une belle découverte.
Que ce mois d’août soit l’espace d’une plus profonde et joyeuse union au Christ vivant. Entrez dans les églises que vous découvrirez, en espérant les trouver ouvertes, pour y prier et confier la mission de notre diocèse au Seigneur, en vue d’une rentrée vraiment missionnaire. La France a tant besoin de redécouvrir le Christ, inspirateur de toute justice et donateur de vie ! Face aux violences qui se multiplient, n’est-il pas le seul à pouvoir apaiser les cœurs blessés et permettre que nous nous reconnaissions tous frères et sœurs en vérité pour nous aimer et bâtir un avenir serein à nos enfants ?
Prions encore avec la Vierge Marie, retrouvons la prière du père de Grandmaison :
« Sainte Marie, Mère de Dieu,
gardez-moi un cœur d’enfant, pur et transparent comme une source.
Obtenez-moi un cœur simple qui ne savoure pas les tristesses.
Un cœur magnifique à se donner, tendre à la compassion.
Un cœur fidèle et généreux, qui n’oublie aucun bien et ne tienne rancune d’aucun mal.
Faites-moi un cœur doux et humble, aimant sans demander de retour, joyeux de s’effacer dans un autre cœur devant votre divin Fils.
Un cœur grand et indomptable qu’aucune ingratitude ne ferme, qu’aucune indifférence ne lasse.
Un cœur tourmenté de la gloire de Jésus Christ, blessé de son amour
et dont la plaie ne guérisse qu’au ciel.
Amen »