Comment ne pas nous réjouir de l’ordination diaconale de Clément qui eut lieu dimanche 4 juillet ? Quelle joie lors de cette belle messe animée par la maîtrise de Chartres ! Mais qu’est-ce qu’un diacre ? Dans le livre des actes des apôtres, sept hommes sont choisis par les apôtres pour le service des tables, ce qui signifie l’entraide envers les pauvres, particulièrement les veuves grecques qui sont seules et loin de chez elles. Aujourd’hui le service à rendre en tant que diacre ne peut pas se confondre avec la suractivité du monde. Ce ministère invite au silence et à l’intériorité, il se fait présence auprès des personnes en difficulté. Dans une société dite « liquide » lorsque les relations humaines sont plutôt clivées, notre vocation chrétienne est celle de la prophétie. Demeurer en silence et dans le recueillement à l’écoute de Dieu, ou encore aider autrui chaque jour, quand les jeunes sont attachés à leur casque pour visionner Tic-Toc ou Snapchat, c’est un acte prophétique. Annoncer Jésus messie crucifié dont la puissance se manifeste dans l’abaissement appelée la kénose du Christ, peut paraître vain dans le vide des déserts humains. Mais la parole semée au gré des rencontres s’enracine à notre insu et de manière improbable dans des cœurs assoiffés de vérité et de sens. Ce silence est une parole. Ce silence dispose à l’écoute. Ainsi la Parole de vie fait son chemin pour un nouveau printemps de la foi.
À l’instar du diacre saint Étienne, le chrétien devient le porte-parole d’une bonne nouvelle audacieuse et en même temps délicate car la sagesse que nous annonçons n’est pas celle du monde ni la nôtre. Elle est l’annonce d’un visage discret, celui de Dieu fait homme, qui ouvre son cœur particulièrement aux pauvres et aux humbles, à ceux qui veulent le rencontrer et qui le cherchent en vérité. Comme le prophète Ézéchiel, nous sommes consacrés pour aller dire à ceux qui accepteront d’écouter : « ainsi parle le Seigneur ! ». Car ce n’est pas notre parole que nous proclamons : nous annonçons le Christ qui parle par l’évangile, le même hier et aujourd’hui. Sous la conduite de l’Esprit Saint, nous le prions de se manifester dans la vie de nos contemporains. Cela demande un travail de méditation afin que l’évangile devienne notre nourriture familière au quotidien. Cela est ardu. Peu à peu, si nous faisons cet effort avec constance, la Parole devient comme une sève qui coule en nous, elle éclaire notre pensée et irrigue nos actes. Elle se fait lumière dans notre discernement et notre témoignage. Alors le disciple apporte ce message sur les agoras du monde, là où beaucoup vivent sans jamais venir boire à la source d’eau vive, le cœur aimant de Jésus-Christ. Ces jours-là, l’envoyé se sent faible. « Ma grâce te suffit » dit le Seigneur à saint Paul. On connaît l’ardeur de Paul à annoncer la bonne nouvelle. On voit son courage dans l’adversité. La grâce ne manque pas : la présence aimante de Dieu infuse délicatement dans nos propres vies, dans celles de tous ceux que nous rencontrons. Le service du diacre comme celui du baptisé est l’expression de notre amour offert, il exprime la valeur de toute personne vers qui nous sommes tournés. Comme la Vierge Marie, la frêle jeune fille de Nazareth, la grâce est là pour se mettre au service de nos frères, en toute hâte, dans le recueillement et le silence, dans l’humilité et la joie.
Ceci fait expérimenter la joie de l’évangile, comme ces disciples de Jésus envoyés deux par deux annoncer le Royaume et qui revinrent le soir tout joyeux. Le pape reprend le précepte de Jésus adressé à chacun de nous « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,19-20) C’est une Église « en sortie » que le saint Père appelle de ses vœux, en « sortant de son propre confort et ayant le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile. » (Evangelii Gaudium n°20) Une question fondamentale est de savoir si chacun de nous a fait l’expérience de la joie de la mission, en allant à l’instar des disciples rencontrer des personnes inconnues juste pour leur parler de Jésus. Cela requiert une certaine audace, mais pourquoi ne pas s’y essayer ? Quel risque prend le missionnaire qui ose ainsi se livrer sans sécurité et partager sa foi ? Certes le rejet est possible mais ce n’est pas un risque grave, juste le sentiment de ne pas être entendu. Mais quelle joie quand un échange s’engage, une prière est faite ensemble, quand une personne remercie d’un moment d’une rare intensité. Jésus ne restait pas longtemps au même endroit. Il repartait vite vers d’autres villages, il se laissait approcher par chacun, il rencontrait et délivrait des personnes rejetées comme ces hommes enchaînés dans un cimetière considérés comme fous. L’Évangile est rempli de ces récits merveilleux qui peuvent se vivre aujourd’hui. Il est entendu que toute démarche missionnaire est féconde lorsque l’Esprit Saint est invoqué et qu’il dispose le cœur du missionnaire à aimer les personnes rencontrées, sans jugement sur leurs choix, sans préjugés d’aucune sorte. Le missionnaire apprend à s’effacer dans l’échange car il n’est en rien la référence mais le simple témoin d’un don immérité et reçu qui a changé sa propre vie. Ce changement heureux pousse le disciple dans cet élan d’amour qui communique la parole de vie, comme les apôtres qui disaient que rien ne pouvait les faire taire quand il s’agit de témoigner de Jésus vivant.
Le saint Père est un fin connaisseur de la vie des diocèses. Il fut un pasteur sur le terrain, parmi les gens. Il appelle à une nouvelle conversion pastorale. C’est pourquoi le programme que chaque paroisse de notre diocèse portera en septembre prochain ne peut pas être le même que celui des années passées. La pandémie est passée par là. Les personnes ont vu évoluer leur rythme de vie. Les cœurs sont pour beaucoup prêts à accueillir Jésus. Parler du Christ ouvre un chemin nouveau. Dans nos écoles catholiques, envisager une véritable pastorale n’est plus réservé au petit nombre des croyants ou aux professeurs convaincus. Le confinement a révélé un besoin de vie spirituelle. Aussi, le pape invite « chacun à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés. » (Evangelii Gaudium n°33) Nous faisons parfois le constat que certaines paroisses peuvent sembler fermées sur elles-mêmes, tels des clubs réservés à leurs propres membres. Comme il importe de décloisonner nos actions pour nous renouveler, particulièrement en donnant une place de choix à ceux qui sont à la marge. Citons le pape qui nous dit « je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. » (Evangelii Gaudium n°49) L’Église est une mère pour tous ses enfants venus de tous les horizons de la vie, souvent blessés ou pauvres, là est sa richesse. Dans cet accueil missionnaire, là est la source de la joie. Pourquoi ne pas en parler entre nous au sein de nos fraternités paroissiales ? Je vous y encourage vivement. Bon chemin et belle créativité missionnaire.
Prions toujours avec foi et je vous propose une fois de plus de prier avec le père de Grandmaison :
« Sainte Marie, Mère de Dieu,
gardez-moi un cœur d’enfant, pur et transparent comme une source.
Obtenez-moi un cœur simple qui ne savoure pas les tristesses.
Un cœur magnifique à se donner, tendre à la compassion.
Un cœur fidèle et généreux, qui n’oublie aucun bien et ne tienne rancune d’aucun mal.
Faites-moi un cœur doux et humble, aimant sans demander de retour, joyeux de s’effacer dans un autre cœur devant votre divin Fils.
Un cœur grand et indomptable qu’aucune ingratitude ne ferme, qu’aucune indifférence ne lasse.
Un cœur tourmenté de la gloire de Jésus Christ, blessé de son amour
et dont la plaie ne guérisse qu’au ciel.