Il a suffi d’un sondage dans la presse pour que beaucoup évoquent l’effondrement du catholicisme en France. Certes, moins de français se disent catholiques. C’est regrettable puisque beaucoup sont baptisés et donc renient leur baptême, rejettent la foi qu’ils ont reçue, méconnaissent le Christ qui les sauve du péché qui entache nos vies. Jésus nous a pourtant prévenus : « qui m’aura renié devant les hommes, je le renierai devant mon Père ». Rejeter le don de Dieu n’est pas sans conséquences pour notre avenir éternel.
Heureusement, en ce moment particulier de la vie de l’Église, des témoignages abondent et je suis ému de lire les lettres des confirmands. Vous êtes nombreux à souhaiter suivre le chemin du Christ. Une jeune femme au regard lumineux me déclarait il y a quelques jours : « mon unique but c’est la vie éternelle, aussi je pose mes choix en conséquence ». Si le chiffre des catholiques rapporté par un sondage nous attriste, il ne nous étonne pas. Nous connaissons cette réalité dans nos campagnes. Où sont les catholiques qui ont façonné nos villages par leur foi, bâtissant de si belles églises ? On peut se dire beauceron ou percheron, mais quel lien avec l’histoire si notre âme est privée de Dieu ? Ce n’est pas un sondage qui change grand-chose à la réalité sociale. Nous voyons que les entrées au séminaire sont faibles et que là où manquent les prêtres, la vie ecclésiale a bien du mal à croître faute de communautés vivantes. Bientôt il sera difficile de trouver des prêtres pour devenir évêque puisque les candidats manqueront ! Pourtant je veux faire confiance au Seigneur Jésus-Christ et à sa parole de vie : « heureux les pauvres de cœur, le Royaume de Dieu est à eux. » (Mt 5,3)
En France, la vie actuelle de l’Église émet d’autres signaux positifs. Le scoutisme, tous mouvements confondus, se porte bien et augmente ses effectifs sans pour autant minimiser ses racines catholiques. Les « congrès-mission » inventés par Annuncio à Paris se multiplient aussi en province et sont devenus des laboratoires vivants de ce qui se fait en terme missionnaire. Les sessions d’été sont nombreuses et rassembleront un grand nombre de chrétiens et de recommençants ; nommons celles de la Communauté de l’Emmanuel non seulement à Paray-le-Monial mais aussi dans toute la France, celles du Chemin Neuf, des foyers de charité, de Taizé, de la communion Priscille et Aquila. Les monastères accueilleront beaucoup de fidèles pour quelques jours de retraite, les processions autour de la figure des saints et autres pèlerinages ont repris vigueur dans tout le pays. Beaucoup de gens marchent sur les chemins de saint Jacques, du Mont saint Michel, vers Rocamadour ou la Sainte Baume. Des projets nouveaux émergent à la suite du « M » de Marie, merveilleux pèlerinage à travers notre pays. La basilique de Montmartre reçoit plus de dix millions de visiteurs chaque année et son équipe propose des parcours missionnaires sous l’impulsion de son dynamique recteur. 40 000 jeunes français partiront aux JMJ à Lisbonne, dont possiblement cent quatre vingt avec notre diocèse de Chartres.
Tout ceci touche plus qu’un petit reste. Oui, il y a du bonheur à partager notre foi et à la vivre ensemble quand nous savons nous réunir autour du Christ, de sa parole de vie et d’un bon repas.
À Chartres, un adulte vient demander le baptême chaque semaine. Nous avons des équipes magnifiques en Eure & Loir. Baptiste et Marie-Pierre vont dorénavant prendre la responsabilité de la diaconie du diocèse de Chartres dont la mission est de mettre en relation les acteurs de la solidarité, encourager la formation des bénévoles, offrir de l’aide aux créateurs de projets. Nos nombreux bénévoles du service évangélique des malades apportent un merveilleux soutien à beaucoup d’établissements. Olivier Lecanu sera ordonné diacre en vue du sacerdoce fin juin à Chartres. Cinq hommes, Éric, Benjamin, Bertrand, Frédéric et Christophe ont été admis en ce début juin en vue du diaconat permanent et seront ordonnés diacres, si Dieu le veut, en octobre prochain. Environ quatre cents jeunes et adultes sont confirmés en 2023. La mission couples et Familles rassemble de plus en plus de couples-missionnaires qui se forment en vue d’être capables d’accueillir et d’enseigner, notamment aux fiancés. Je ne peux citer toutes les réalités catholiques dans lesquelles vous êtes peut-être impliqués. Plus qu’avant, dans tous les groupes et équipes, on parle de la prière, de méditer la Parole de Dieu, d’aller à la rencontre du Christ. Là est notre trésor et notre vocation baptismale, vivre en présence de Dieu et le servir dans nos frères et sœurs.
Certes de nombreux catholiques ont mis en sourdine leur foi, dans les villes comme dans nos campagnes, participant occasionnellement à une célébration. La jeune génération en Eure & Loir en est un exemple, elle ne demande plus le baptême pour ses enfants, en quête d’argent et de confort, atteinte de cette léthargie spirituelle contemporaine qui relativise tout ce qui comptait auparavant, la foi chrétienne, l’honneur, l’engagement. Nous aurons à réfléchir à cet abandon pour voir comment rassembler les braises du feu afin que la vie dans l’Esprit ne soit pas une idée abstraite mais une réalité vivante qui rayonne. Nous avons vécu ces dernières semaines des deuils qui touchent fortement nos établissements scolaires : Enzo, Gabin, Selena, trois adolescents et Bertrand Mertz, professeur de philosophie. Nous voyons combien le besoin d’écoute et d’une parole d’espérance est important, pour les chrétiens comme pour les autres jeunes qui n’ont pas la foi. Nous avons besoin, plus que jamais, de chrétiens qui témoignent. Nous avons besoin de moissonneurs. La moisson approche en Beauce et dans le Perche, les champs sont magnifiques. On y récoltera les céréales avec ces machines agricoles énormes, expression du toujours plus et plus gros. Pour la moisson du Seigneur, nous avons juste notre cœur pour aimer et nos petits bras pour servir. Cependant, ensemble nous formons un corps capable de rejoindre les gens seuls ou blessés par le deuil. J’ai vu comment les commerçants de Courville et de saint Georges sur Eure que je visitais avec le père Maurice étaient accueillants et heureux de nous voir venir vers eux.
Nos prêtres soutenus par nos diacres se donnent volontiers pour la mission et ont besoin de vous, les laïcs qui apportez vos talents. On me dit parfois « je ne me sens pas légitime pour animer ». N’attendons pas de nous « sentir » légitimes. C’est notre baptême qui fait de chacun un prêtre pour prier, un prophète pour proclamer la Parole et un roi pour servir. Notre légitimité a sa racine et sa source dans le fait que, par notre baptême, Dieu nous a sauvés et fait de nous ses fils et ses filles. Alors que faire ? Susciter un temps de prière dans l’église du village, inviter chez soi des amis et prier ensemble, rassembler des familles un dimanche pour un petit pèlerinage, aller visiter des personnes malades, prendre contact avec une personne nouvellement installée sur la paroisse, relever ses manches et nettoyer l’église. Oui vous êtes légitimes, aussi groupez-vous avec d’autres chrétiens et mettez-vous en route. Faites ceci en lien avec vos prêtres qui accueilleront votre bonne volonté, invitez d’autres fidèles. De ceci jaillira une Église vivante qui parlera de fruits et de joies, loin de la presse qui ne pointe que l’effondrement et les échecs.
Relevez la tête et voyez comme les champs sont prêts pour la moisson. Nous chantons la Gloire du Seigneur car il est le maître de la vie et c’est lui qui conduit notre Église.
Prions le Père du Ciel maintenant bien volontiers ensemble pour être emplis de la joie divine.
« L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge.
Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux.
Que les cieux rendent grâce pour ta merveille, Seigneur, et l’assemblée des saints, pour ta fidélité. » (Ps 88,1-2.6)
Notre Père…
