Nous sommes en mai et c’est le mois de Marie. Le rosaire fait référence aux roses qui fleurissent abondamment quand la nature déborde de beauté et de parfums les plus délicats. En priant le rosaire, nous sommes comme des enfants bénis qui offrent à leur maman du Ciel leurs humbles prières, cette succession de Pater et d’Ave Maria. Depuis la fête de Pâques, nous approfondissons les mystères glorieux et nous voici arrivés au mystère de l’Assomption de la Vierge Marie. Ce dogme est fêté le 15 août et nous bénéficions en France d’un jour férié.
C’est le 1er novembre 1950 que le pape Pie XII proclame par la constitution apostolique Munificentissimus Deus le dogme de l’Assomption de Marie. Le texte dit ceci : « Par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par Notre propre autorité, Nous prononçons, déclarons, et définissons comme un dogme divinement révélé que l’Immaculée Mère de Dieu, la Vierge Marie, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire céleste. » Quelques années plus tard le Concile Vatican II expliquait : « la Vierge immaculée, préservée de toute tache de la faute originelle, au terme de sa vie terrestre, fut élevée à la gloire du ciel en son âme et en son corps et elle fut exaltée par le Seigneur comme Reine de l’univers afin de ressembler plus parfaitement à son Fils, Seigneur des seigneurs et vainqueur du péché et de la mort. » (Constitution dogmatique Lumen Gentium sur l’Église, § 59)
La fin de la vie terrestre de la Vierge n’est pas décrite dans la Bible. Ni saint Luc dans les Actes des apôtres, ni aucune lettre biblique tardive n’en fait mention, pas même l’Apocalypse de saint Jean rédigée possiblement vers l’an 80. Pourquoi un tel silence scripturaire ? Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses difficilement vérifiables. La priorité chez saint Paul est d’annoncer le kerygme aux communautés nouvelles, c’est-à-dire la mort et la résurrection de Jésus-Christ en vue du salut des hommes, puis c’est d’encourager chaque converti à vivre selon l’évangile à l’écoute du Saint Esprit, non selon les coutumes romaines voire juives quand elles n’ont plus lieu d’être. La fin de la vie de Marie n’est donc pas décrite par la Bible, mais par des récits plus tardifs, populaires, non canoniques et cependant de valeur puisqu’ils rassemblent des histoires que l’on se racontait volontiers pour soutenir la foi des chrétiens. On les appelle écrits apocryphes, ce qui veut dire cachés ou réservés aux personnes initiées à la foi.
Nous connaissons par l’évangile de Luc comment Dieu a associé Marie, jeune femme fiancée et vierge, à son projet de salut pour toute l’humanité. Sa vie est normale et pauvre, elle demeure fidèle à la Torah et aux pratiques religieuses juives. Son cœur est parfaitement accordé à la volonté de Dieu qu’elle exprime dans sa réponse à l’ange Gabriel « que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1, 38). Marie écoute la parole et la met en pratique. Sa vie de jeune fille est bâtie sur le roc de l’obéissance à Dieu. Après la naissance de Jésus, durant trente années, elle est au service de son fils unique Jésus, elle l’éduque et simultanément elle se laisse éduquer par lui. Ensemble, car elle sera veuve rapidement, ils prient et se préparent à l’heure de la mission du messie. Durant ces longues années, elle est associée au projet de Dieu, elle ne cherche rien pour elle-même, elle éduque son fils, et accepte quelques années plus tard la précarité du veuvage. Ensemble, fils et mère se préparent à la mission qui les attend. Durant la vie publique de Jésus, elle est présente mais discrète. Les évangélistes la nomment parfois lors de certaines rencontres, comme à Cana. Elle vit la passion totalement unie de cœur à son fils meurtri, jusqu’à l’accompagner jusqu’au tombeau où son corps est déposé. Elle le retrouve ressuscité puis demeure avec les apôtres, particulièrement saint Jean, jusqu’à la fin de sa vie terrestre. Ici aussi, on peut comprendre que décrire la vie de cette femme maintenant âgée n’était pas la priorité des apôtres de Jésus.
Entre les IVe et VIIe siècles, avec les conciles qui définissent toujours mieux les éléments fondamentaux de notre foi surtout quant à la personne de Jésus, personne divine avec deux natures, humaine et divine, Marie reçoit la place glorieuse qu’elle mérite. L’Église, voulant affirmer la divinité de son fils, la nomme théotokos ce qui veut dire « Mère de Dieu », celle qui « porte Dieu », au Concile d’Éphèse en l’année 431. Désormais elle est de plus en plus reconnue comme associée à l’œuvre de son fils. Comme Jésus, qui est élevé au Ciel lors de l’Ascension, le corps de Marie ne pouvait connaître la corruption de la mort. Dieu ne pouvait pas laisser ici-bas son corps maternel, véritable tabernacle qui l’avait porté neuf mois. Durant ces siècles où l’Empire romain devient chrétien, où le monachisme connaît un essor extraordinaire tant en Occident sous l’influence de saint Benoît, qu’en Orient où l’on met par écrit dans beaucoup de langues les textes bibliques comme les récits apocryphes, où la liturgie s’enrichit, plusieurs récits présentent la dormition de la Vierge ou encore son transitus. Le point commun est que les anges viennent chercher son âme et aussi son corps. Marie est élevée corps et âme comme première des sauvés. Ce corps qui fut le berceau du Verbe divin pour que Jésus naisse comme homme ne pouvait pas tomber dans la corruption et disparaître car la pureté sans péché de Marie la préservait de la mort charnelle.
Si le dogme de l’Assomption est proclamé au XXe siècle, il arrive au bout d’une longue maturation de la foi au cours de nombreux siècles. Nous retenons que l’Église ne se prononce pas sur la mort de Marie, mais parle du terme de sa vie. La question demeure ouverte, puisqu’on parle du transitus, soit la transition de la vie terrestre à la vie céleste. Si l’on dit que la Vierge était une femme humaine, on serait tenté d’affirmer sa mort comme pour tout humain, mais si l’on comprend le mystère de l’Incarnation et comment Jésus l’a associée à la Rédemption, on peut saisir que les convenances en faveur d’un départ gracieux vers le Ciel comme pour l’Ascension de Jésus existent. Mais ceci nous place une fois de plus devant le mystère de la vie sauvée par Dieu pour celle qui est configurée au Christ, son fils. L’affirmation importante de dogme est la glorification de Marie au terme de sa vie terrestre.
Comment l’Assomption de la Vierge éclaire notre vie de foi ? Marie est la mère spirituelle des vivants. Son départ au Ciel, auprès de Dieu le Père, précède le nôtre. Elle est celle qui intercède pour nous qui sommes ses enfants. Nous lui fûmes confiés à la Croix (Cf. Jn19, 25-27) afin de nous attirer vers son Fils pour que nous recevions le Salut et la vie éternelle. Le mystère de sa maternité trouve ici son sens, elle nous accompagne chacun en nous connaissant et en agissant avec son amour maternel, un amour parfait car son âme n’a pas connu le péché, un amour concret puisqu’elle a connu la vie des hommes, un amour actif et elle ne cesse de nous inspirer par ses mots prononcés à Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Depuis deux mille ans, Marie agit par de nombreuses apparitions, nous demandant de nous convertir. Elle vit dans la Gloire de Dieu et elle désire nous éviter les affres de l’enfer. Rien dans son rôle maternel ne peut faire de l’ombre à la gloire de Jésus-Christ, l’unique sauveur : Marie est au service absolu du projet de salut. Marie fait le pont entre Dieu et les hommes, elle est mère des apôtres et nos papes ne s’y trompent pas quand ils lui confient l’Église dont ils reçoivent l’écrasante charge, tel saint Jean-Paul II qui choisit comme devise Totus tuus, tout à toi Marie ! Marie qui a enfanté Jésus par son corps maternel continue ainsi à enfanter le corps de Jésus, l’Église dont lui est la tête, pour la joie de tous les membres, ses fidèles. Un jour, en passant par notre mort, nous la verrons parmi les saintes et les saints du Ciel, quel bonheur ! Quelle source d’Espérance pour vivre au mieux aujourd’hui notre vie ecclésiale et annoncer ce merveilleux destin à ceux que nous rencontrons dans nos missions.
Prions la Vierge Marie en ces jours et attachons-nous au chapelet qui nous permet ces belles méditations.
Je vous salue, Marie…