En ce mois d’août, nous subissons de manière exceptionnelle la canicule qui fait partir en fumée tant de forêts françaises. Il y a quinze jours, la chaleur ne nous a pas empêchés de marcher sur les chemins de randonnée en Beauce. Organisé par la « Mission conjugale et familiale du diocèse », notre groupe de cinquante personnes a parcouru en six jours plus de 70 kilomètres par les chemins agricoles et les sentiers balisés depuis Chartres jusque Marboué. Cette distance semble modeste pour des randonneurs aguerris, mais avec vingt-cinq enfants de moins de treize ans, ce fut un bel exploit. Il fallait monter nos tentes chaque soir, généralement sur un stade de football, préparer des repas et animer les veillées. Les anges ont veillé sur nous : notre marche s’est déroulée sans encombre. La joie était présente avec quelques fatigues, des veillées drôles et priantes, des messes où chacun prenait sa place dans les belles églises des petits villages traversés. Merci aux accueillants et aux municipalités qui nous ont ouvert leur porte. Nous sommes rentrés heureux, le teint hâlé par le soleil qui a brillé tout au long du chemin, renouvelés dans la foi, plus autonomes pour les enfants. Une expérience fraternelle de marche, éclairée par l’évangile, qui nous a rappelé combien nous sommes faits pour le Ciel. Nous avons vécu un beau pèlerinage au cœur de notre département, le long de l’Eure ou du Loir : pourquoi aller plus loin quand on peut vivre de si belles vacances à deux pas de chez soi ? Surtout, nous avons fait l’expérience de nous accueillir mutuellement, en laissant le Christ vivant opérer notre communion, recherchant le bien de chacun, nous adaptant au rythme des petits, aux mamans qui allaitent, aux parents qui prennent soin de leurs enfants.
La semaine passée, avec l’hospitalité chartraine et les pèlerins du diocèse, nous sommes partis à Lourdes avec cent trente malades amenés pour leur joie afin de vivre en ce lieu béni un renouveau de notre intimité avec Jésus, où la Vierge Marie nous attendait. Marie nous conduit à Jésus, le bien suprême que nous désirons. Si Jésus ne nous fait pas vivre pleinement, nous sommes des croyants à plaindre. Saint Paul affirme : « Il y a le Christ : il est tout, et en tous. » (Col 3, 11) La foi chrétienne s’attache au Christ vivant au milieu de nous comme il nous l’a dit, et c’est en sa présence que nous invoquons le Saint Esprit pour recevoir ses dons et œuvrer dans le monde. Or le monde est troublé : guerre en Ukraine, tensions politiques au Brésil, guerre froide américano-chinoise autour de l’île de Taïwan, incendies terrifiants en France, violences nombreuses contre l’autorité, etc. Face à cela, notre joie se trouve dans le Salut opéré par Jésus qui pardonne et élève l’âme, nous donne l’espérance, nous encourage à bâtir une nouvelle civilisation de l’amour. Dans mon dernier message, je vous parlais de « rechercher les choses d’en-haut » (Col 3, 2), en commentant saint Paul. Il faut continuer sans cesse cette recherche. Il ne s’agit pas de sortir du monde réel, ni d’ignorer les enjeux de paix et le besoin de démocratie pour lesquels certains parmi vous sont engagés, mais de se tenir en présence du Saint Esprit qui nous apporte la lumière et nous permet de voir loin devant en se sachant accompagné par Dieu. De Lourdes, nous revenons transformés, le cœur en joie avec le désir de continuer ces soins auprès des malades, dans nos familles comme dans les lieux où les personnes âgées vivent. Nos aumôneries espèrent des cœurs et des talents nouveaux pour la rentrée en septembre, serez-vous de ceux et celles qui les rejoindront ? L’histoire des hommes est écrite par les personnes qui œuvrent avec sagesse et persévérance pour le bien commun. À tous ceux qui ont du temps, les retraités surtout, je dis de ne pas s’endormir, de ne pas s’enfermer dans l’égoïsme, de ne pas rester dans le canapé, mais de se donner pour les autres, spécialement pour l’éducation des jeunes. Recherchez les choses d’en haut pour voir mieux les besoins d’ici-bas et apporter votre expérience au sein de l’Église et de ses associations.
Maintenant allons un peu en avant dans la lettre aux Colossiens. Voyons comment l’apôtre des nations, Paul, peut nous conduire.
« Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même. Par-dessus tout cela, ayez l’amour, qui est le lien le plus parfait. Et que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés, vous qui formez un seul corps. Vivez dans l’action de grâce. » (Col 3, 12-15)
Une question apparaît quant au choix de Dieu. Nous avons été choisis par Dieu, est-ce alors une élection propre en faveur de quelques méritants ? En réalité, le choix de Dieu est pour tous, et chacun, par son baptême, entre dans la vie divine. Le choix de Dieu est de nous saisir tous dans sa Gloire, de pardonner nos péchés et de nous conduire à la vie éternelle. Le choix de Dieu est de nous sortir d’une vie fermée sur elle-même pour nous faire goûter en vérité à cet amour dont nous rêvons et qu’il est difficile d’atteindre. Dieu nous sanctifie, fait de nous des saints capables de faire sa volonté qui se résume à L’aimer, à aimer son prochain et à s’aimer soi-même. Aussi, si nous faisons l’expérience de la présence de Jésus, en priant et lui demandant de se manifester à nous, si nous méditons sur ses paroles dans l’évangile, la grâce que l’Esprit envoie accompagnera notre profond désir de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. On pourrait trouver ici une forme d’invective morale, mais en réalité, pour celui ou celle qui aime, comme la Vierge Marie, nous sommes portés vers ces biens au bénéfice des autres. Nous comprenons instinctivement que là est le sens de la vie, que là est notre intérêt, que là nous réalisons ce pour quoi nous existons. Quant à se supporter mutuellement, effectivement nous avons l’expérience de nos propres agacements mais nous découvrons en même temps que supporter les autres c’est aussi les accompagner et les aider en les entraînant vers le bien. J’ai ainsi vu la patience des parents face aux jeunes enfants fatigués et en pleurs, pour les apaiser et les conduire au choix du bien.
Paul insiste ensuite sur l’exigence du pardon. Jésus enseigne dans la prière au Père : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Ce pardon est difficile pourtant indispensable pour que de la blessure jaillisse un amour renouvelé et une communion retrouvée. Pardonner n’est pas une option puisque notre modèle est le Christ qui pardonne ceux qui le condamnent à mort de manière terrifiante. Le pardon venant de Dieu, il leva les yeux vers le Père éternel pour dire « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23, 34)
Jésus est le modèle que nous cherchons à imiter. En pardonnant, nous aimons. Car l’amour est au-dessus de tout, « le lien le plus parfait ». L’amour est une offrande de soi, sans retenue ni modération, qui ne repousse pas l’autre mais l’inclut dans sa vie. La famille est la première école pour apprendre à aimer et bienheureux ceux qui ont reçu de leurs parents les premières paroles d’amour et de pardon. Bienheureux ceux qui ont rencontré à l’adolescence des personnes éducatrices, aimables et autoritaires qui les ont élevés vers le bien et l’amour. Heureusement, quelle que soit notre histoire personnelle, nous trouvons dans la vie et les mots de Jésus une merveilleuse communication d’amour ; allons-y puiser des forces et l’espérance. Interrogeons-nous : ai-je aimé aujourd’hui ? C’est la question que chacun peut se poser en se couchant lors d’une ultime prière. Ai-je aimé ? Car ce qui portera du fruit, ce qui restera, c’est bien l’amour manifesté à notre fratrie, au sein de notre famille, à notre conjoint, auprès d’amis ou de collègues.
Finalement dans ce passage de l’épître aux Colossiens, l’apôtre Paul insiste sur l’action de grâce : « vivez dans l’action de grâce. » Comme il est précieux de ne pas baisser la tête mais d’élever son regard vers les réalités d’en-haut pour rencontrer la présence de Jésus afin de lui confier tout ce qui remplit notre quotidien. Il y a généralement quelques rencontres qui sont des motifs suffisants pour rendre grâce. Qu’il en soit ainsi dans votre vie durant ces semaines d’été. L’action de grâce chasse la tristesse et le repli. Avançons avec confiance vers la face du Seigneur pour lui redire toute notre foi. Offrons aux autres notre tendresse et notre compassion, emplis de bonté, dans une belle attitude d’humilité, de douceur et de patience.
Prions en ces jours pour la rentrée qui approche, pour les enfants et les jeunes qui retrouvent le chemin de leur salle de classe. Prions pour les enseignants qui les accueilleront dans ce dur et beau métier de la transmission des savoirs.
Seigneur, c’est Toi ma force, ma patience,
ma lumière et mon conseil. C’est Toi qui ouvres le cœur
de ceux que Tu confies à mes soins.
Ne m’abandonne pas à moi-même un seul moment.
Donne-moi, pour ma propre conduite
et pour celle des enfants et des jeunes
que je rencontre aujourd’hui,
l’esprit de sagesse et d’intelligence,
l’esprit de conseil et de force,
l’esprit de discernement
et de foi, mue par un zèle ardent
pour la croissance de ces jeunes.
Toi le Maître intérieur, plus présent à nous-mêmes que nous-mêmes,
le Vivant pour les siècles des siècles.
Amen.
(Anonyme)