Au cours de notre carême, nous soutenons divers projets d’entraide au sein de nos paroisses. Pour mener cette guerre atroce en Ukraine, l’armée russe utilise des bombes puissantes. Nous comptons certes sur la diplomatie pour mettre un terme à ce conflit insensé, mais il apparaît clairement que la puissance du mal est telle que c’est vers la prière et le jeûne que l’Église demande que nous nous engagions pour obtenir la paix. Maintenons ferme l’espérance. Saint Paul dit que « si notre maison terrestre vient à être détruite, nous avons un édifice qui est l’œuvre de Dieu, une maison éternelle qui n’est pas faite de mains d’hommes, dans les cieux » (2 Co 5, 1) Comme l’Église tout entière, le diocèse de Chartres prend soin des personnes en situation de fragilité. Notre vocation comme chrétiens ne peut pas être minimisée. La vie est concrète. À travers le réseau de la diaconie catholique de notre diocèse, nous avons recensé plus de cent cinquante places pour héberger des ukrainiens, hommes, femmes ou enfants, contraints de fuir leur pays. Nos écoles sont sollicitées par la Préfecture pour scolariser des enfants. Je remercie ceux et celles qui ouvrent leur porte et qui accompagnent cet accueil en donnant du temps. Malheureusement, cette guerre n’est pas finie. Une plaie s’est ouverte. Elle saigne. Certains pensent qu’il faut réarmer nos pays. Mais quand le monde produit un tel nombre d’armes, la tentation est grande de les utiliser un jour, si possible loin de chez soi, chez les autres qui souffrent en silence dans l’indifférence totale de nos médias et parfois de nous-mêmes, comme en Syrie, au Kivu, dans le Sahel. L’homme est bien peu de chose au sein de la création. Il né, il passe et il disparait. Pourquoi nos vies ne sont-elles pas illuminées par la gratitude et la bienveillance ? Pourquoi vouloir posséder des biens nombreux, des voitures si grandes, des équipements numériques toujours plus performants ? L’Église dans sa doctrine sociale enseigne la voie de la sobriété et du service. Elle propose de voir dans la fragilité – nous sommes tous fragiles au fond de nous-mêmes – des ressources de valeur, des richesses de cœur, la force de la communion. L’avenir de la planète, des hommes qui la peuplent, trouvera un chemin lorsque tous s’associeront pour mettre en commun leurs talents dans un même désir que chaque personne, particulièrement les plus pauvres, soit accompagnée, aimée et soutenue. N’avons-nous pas une responsabilité particulière nous qui avons reçu du Christ une force pour vivre le quotidien dans la lumière du Saint Esprit et une espérance que le Ciel est ouvert pour être reçu un jour à venir dans le sein de Dieu ?
Saint-Claude la Colombière, jésuite qui fut le père spirituel de sainte Marguerite-Marie Allacoque, visitandine de Paray-le-Monial, disait : « Comment est-ce que Jésus Christ nous a aimés ? Il nous a aimé solidement, il nous a aimés pour notre salut, pour l’éternité. Ce n’est pas un amour qui se borne à de belles marques de tendresse ou qui le porte à nous procurer des biens fragiles et temporels. Tout son amour tend à nous rendre heureux éternellement. » Quelle force de se savoir enveloppé d’amour ! Méditons en silence quelques instants face à ce mystère. « Oui, Seigneur, je me soumets à ton amour bienveillant, je me réjouis de ce jour qui vient parce que je vais le vivre en ta présence, dans mes joies comme dans mes peines, dans ces moments paisibles comme dans mes combats. Tu es avec moi et ta grâce ne me manquera pas. Viens au secours de nos frères et sœurs victimes de violences, en Ukraine, dans certaines familles. Protège quiconque subit des abus. Ouvre un chemin de vie et de paix, amen ! »
J’ai beaucoup de joie à rencontrer des enfants et des adolescents dans nos établissements catholiques. Je vois l’engagement des équipes pédagogiques. Elles sont généreuses mais fatiguées par la lutte contre la Covid. Remercions-les car tant de jeunes espèrent leur soutien. Notre pays possède un système éducatif formidable, pourtant certains jeunes peinent à acquérir les compétences de base, comme l’écriture et la lecture. Comment avoir une belle estime de soi lorsque l’on n’a pas la capacité de s’exprimer, de dire ses sentiments ou ses désirs ? Cette situation mérite un engagement fort de tous. Récemment, je découvrais qu’il y a en France soixante-dix mille familles qui sont qualifiées comme familles d’accueil pour des enfants placés par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Mais le renouvellement ne se fait pas et l’âge moyen des couples accueillants est supérieur à cinquante-cinq ans. Ne faudrait-il pas que des familles catholiques entendent ce besoin comme un appel de Dieu à prendre soin d’un jeune ? Je suis convaincu que vous êtes nombreux à avoir beaucoup d’amour à offrir à des enfants qui en sont privés. Je rencontre certains jeunes dans un foyer de la Fondation d’Auteuil où j’ai plaisir à partager un repas de temps en temps. Ces enfants sont soutenus par des éducateurs formés et attentifs. Pour ces enfants et ces adolescents, le foyer est le lieu d’une expérience de vie commune, l’apprentissage du partage et du soin de l’autre. Mais, la vie aimante d’une famille ne peut pas être remplacée pour un enfant qui recherche l’affection de parents et l’expérience d’une vie simple dans une fratrie. Assurément devenir famille d’accueil est un engagement fort, mais qui a de l’amour pour ses propres enfants sera capable d’en donner par surcroît car le Seigneur ajoutera sa part et comblera chaque cœur.
L’amour du Christ nous presse en effet. Alors que j’écris, me vient ce mot latin « lætare » qui veut dire « réjouissez-vous », mis en relief le quatrième dimanche de carême, celui de la joie. Faire le choix de la joie chaque jour, désirer la partager autour de soi, l’offrir comme un présent aux personnes proches, à celles et ceux qui souffrent, voici ce que l’on peut nommer une belle générosité. L’amour nous presse à rendre autrui heureux. J’imagine la Vierge Marie que nous venons d’honorer par la fête de l’Annonciation (25 mars) cherchant à faire la joie de Joseph, à faire rire Jésus, à accueillir ses voisins autour d’un bol de soupe et quelques légumes. Son cœur est empli de gratitude car elle sait Dieu à ses côtés, elle lui fait confiance pour cette mission incroyable d’être la mère du Messie. Aujourd’hui, trop de personnes souffrent de divers maux et si chacun se laissait instruire par Marie pour manifester la joie de se savoir aimer de Dieu, notre société ne changerait-elle pas ? Nous portons un trésor en nous, alors que nous sommes comme des vases d’argile, si fragiles, dit saint Paul. Ce trésor nous est confié pour être offert. Ne le gardons pas égoïstement. Témoignons librement de la présence de Jésus. Certains voudraient nous faire taire. Déjà les disciples avaient été menacés s’ils ne se taisaient pas. Ils avaient simplement répondu qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes et obéir à la mission reçue. En ces semaines de carême, des paroissiens organisent des tournées dans certains villages, invitent les habitants à divers rendez-vous fraternels et spirituels. D’autres mettent un stand sur le marché pour proposer le parcours Alpha. Ou encore ils font du porte-à-porte pour parler du catéchisme des enfants et ceux-ci y viennent. En communauté, vous allez concevoir ces missions, à l’écoute des appels du Saint Esprit, en osant vous mettre en route, en faisant de nos églises et de nos foyers des lieux de communautés en ces jours qui conduisent à Pâques.
Vivez une nouvelle semaine dans l’émerveillement. Demandons, comme des enfants confiants, au saint Esprit de venir fortifier notre foi, prions et avançons.
Maintenant, nous prions encore ensemble, avec toujours l’intention de la paix en Ukraine et partout où les hommes se font la guerre.
Reprenons la prière de saint Jean Paul II :
« Ô Mère de miséricorde, nous confions à Ton cœur et à Ton amour le peuple entier et l’Église de cette terre. Garde-nous de toute injustice, de toute division, de toute violence et de toute guerre. Garde-nous de la tentation et de l’esclavage du péché et du mal. Sois avec nous ! Aide-nous à vaincre le doute par la foi, l’égoïsme par le service, l’orgueil par la mansuétude, la haine par l’amour. Aide-nous à vivre l’Évangile et la folie de la Croix afin de pouvoir ressusciter avec ton Fils à la vraie vie, avec le Père, dans l’unité de l’Esprit Saint. Ô Mère du Christ, sois notre réconfort et donne force à tous ceux qui souffrent : aux pauvres, à ceux qui sont seuls, aux malades, aux non-aimés, aux abandonnés. Donne la paix à notre terre divisée ; et à tous, la lumière de l’espérance. Ainsi soit-il. »