Dans le livre des Actes des apôtres, on trouve ce sobre commentaire : « Il y avait un lévite originaire de Chypre, Joseph, surnommé Barnabé par les Apôtres, ce qui se traduit par “l’homme du réconfort”. Il vendit un champ qu’il possédait et en apporta l’argent qu’il déposa aux pieds des Apôtres. » (Ac 4,36-37) C’est donc un homme juif appartenant à la tribu de Lévi, celle qui s’est vu confier le soin du culte, qui est touché par le témoignage des apôtres, qui se rapproche de la communauté naissante de Jérusalem, qui constate le courage des disciples arrêtés par les autorités religieuses qui veulent faire taire le nom de Jésus mais ne le peuvent pas, notamment suite à la guérison d’un impotent mendiant à l’entrée du temple. Barnabé comprend que le message du Christ change sa vie et il accepte de se déposséder d’un champ pour le bien de l’Église. Le fait marquant est que l’évangéliste saint Luc qui rédige le texte rapporte ce qu’on dit de cet homme, Joseph surnommé Barnabé, soit « l’homme du réconfort ». Son surnom devient son nom et donne à connaître sa personne, soit un homme généreux et attentif à la détresse d’autrui. N’est-ce pas une merveilleuse expression pour désigner un frère ? Nous nous rappelons d’un autre Joseph, l’époux de la Vierge Marie, dont l’évangile dit qu’il est un homme juste, soit un croyant pleinement désireux de vivre selon la Loi divine, ajusté à la volonté de Dieu. Ici, Barnabé est celui qui apporte un réconfort aux autres. N’est-ce pas une belle vocation que d’être une personne réconfortante pour autrui ? Matthieu rapporte ces mots de Jésus : « tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi » (Mt 7,12). Chacun a besoin un jour d’être réconforté, face à l’épreuve ou le deuil. Le bon samaritain s’est manifesté comme l’homme du réconfort pour un voyageur attaqué et laissé pour mort par des brigands au bord du chemin. Saint Paul, à Damas, après le choc de sa rencontre avec Jésus, trouve refuge auprès d’un certain Barnabé qui l’accueille malgré sa crainte légitime de se laisser approcher par un pharisien venu avec l’autorité des grands prêtres appréhender les disciples de Jésus. Barnabé, à partir de ce jour-là, devient un des protagonistes de la mission auprès de Paul. À Antioche, c’est l’Esprit Saint qui parla à la communauté des frères : « Mettez à part pour moi Barnabé et Saul en vue de l’œuvre à laquelle je les ai appelés. » On leur imposa les mains et ils partirent pour ces voyages maritimes intrépides au vue des conditions météorologiques si aléatoires. Leur prédication convertissait des groupes entiers qui « s’attachaient à la grâce de Dieu » (Cf. Ac 13,43). Ce sont ces hommes simples et courageux, fidèles et croyants, qui ont fondé l’Église en de nombreux lieux du bassin méditerranéen. Serons-nous ces Barnabé pour les blessés de la vie du XXIe siècle ?
Une façon d’apporter du réconfort est de demeurer joyeux. L’appel à la joie est sur les lèvres de saint Paul. Le mot bienheureux ouvre chaque béatitude comme une règle de vie donnée par Jésus. Chanter les louanges du Seigneur transforme ces moments de tristesse et de repli en action de grâce. « Faire de nos ennemis le marchepied du trône de Dieu », dit le psaume 110, consiste à ne pas se laisser dominer par son ennemi qui peut être la tristesse ou toute forme de vague à l’âme mais en prendre conscience pour poser avec détermination un acte à rebours afin d’approcher du cœur de Jésus, ou encore de placer sous sa protection comme un petit enfant va sur les genoux de son père. Celui qui est capable d’emmener ses frères et sœurs vers une telle proximité avec le Seigneur dans des situations d’adversité apportera un grand réconfort. Nous pouvons chercher à demeurer dans la louange par un acte de gratitude consécutif à la grâce reçue de Dieu, c’est-à-dire après avoir reçu une grâce que l’on peut nommer, mais aussi faire le choix de la gratitude par un acte de louange afin d’anticiper l’action du Seigneur et nous préparer à vivre de sa grâce. Si cet acte de gratitude devient fréquent, il nous dispose face aux difficultés, il nous prépare à les affronter, il nous arme pour combattre le désespoir qui terrasse. La grâce est toujours première et efficace. Cependant elle appelle notre contribution et notre détermination. C’est ainsi que des parents éducateurs apprennent à leurs enfants à vaincre les abattements en exerçant leur volonté et en recherchant l’aide de Dieu. Par petites étapes, les enfants deviennent aptes à de plus grandes victoires. Cette capacité à « sourire dans les difficultés » comme le dit la prière des scouts fait tomber les peurs et ouvre à la rencontre des autres différents de soi.
J’aimerais prolonger par quelques considérations sur la synodalité dont le Pape François a beaucoup parlé. Cette notion est parfois mal comprise. Le mot synode désigne en grec l’action de marcher ensemble. Ce synode est un processus d’approfondissement de la notion elle-même du synode, soit un synode sur la synodalité, il est donc important de s’entendre sur le but du synode romain qui continue actuellement. Dans la lumière qu’apporte la Parole de Dieu, les catholiques, parfois avec des frères et sœurs chrétiens d’autres confessions, acceptent une écoute des appels et des motions du Saint-Esprit. Pour savoir comment l’Esprit nous parle, je vous renvoie à mon dernier message intitulé « Esprit Saint, es-tu là ? ». L’Esprit parle par la Parole révélée et transmise par les saintes Écritures dans la Tradition vivante de l’Église. L’Esprit continue à inspirer le Magistère et la vie des saints. La Tradition ne peut pas être ramenée à une tradition, qui ferait abstraction de ce que Dieu communique sans cesse aujourd’hui. Le synode, au contraire, cherche à écouter avec les oreilles intérieures mais aussi extérieures par ces « conversations dans l’Esprit » ce que l’Esprit dit aux églises (Cf. Ap 2,7). Ainsi s’enrichit la connaissance de la foi pour affronter les questions contemporaines en les reliant toujours à l’Évangile donné comme source et boussole sur nos chemins. Pour cela des fidèles chrétiens, au nom de leur baptême, ont été réunis à plusieurs occasions, en des lieux divers, au sein des diocèses catholiques du monde entiers puis à Rome. Ensemble, sous l’autorité spirituelle des pasteurs, ils s’apportent mutuellement leurs richesses spirituelles, leurs expériences ecclésiales, leurs questions face aux attentes souvent graves de leurs contemporains, par exemple sur des sujets comme l’absence de liberté religieuse, l’injustice criante qui touche tant de peuples, la domination inhumaine du pouvoir financier, la volonté belliqueuse de certains dirigeants politiques, le non-respect de la dignité des êtres humains fragiles, etc. Cette voie dialogale est complexe, demande beaucoup d’abnégation et d’humilité dans les échanges. Elle a besoin de temps pour que les personnes se comprennent, se parlent et parviennent à des propositions communes. Pour Monseigneur Aveline, archevêque de Marseille, Il s’agit de « se mettre d’accord sur les points auxquels nous arrivons, sur les questions qui restent ouvertes, qu’il faut que nous travaillions, sur des divergences qu’il faut que nous explorions mieux. » Il est nécessaire que les personnes qui s’inscrivent dans ses rencontres le fassent sans imposer leur réponse personnelle, mais en apprenant à se laisser enrichir par ce que chacun apporte. Ainsi s’élabore peu à peu des sentiers, parfois étroits, pour avancer et pouvoir témoigner du Christ.
Dans notre diocèse de Chartres, après les échanges vécus entre des fidèles il y a presque deux années, nous avions adressé un texte au niveau national. Aujourd’hui, nous persévérons dans le choix d’avancer vers une synodalité locale. Comment faire et quand vivre cette synodalité ? Les rendez-vous en paroisse, les voyages et les pèlerinages sont autant de moments d’échanges et de croissance. Ils permettent de susciter des conversations ouvertes entre frères et sœurs sans avoir peur les uns des autres. Les prêtres n’ont pas à craindre pour leur autorité spirituelle puisqu’elle se trouve éclairée par l’apport des fidèles qui possèdent « le flair du troupeau » pour reprendre la juste expression du Pape François. Les laïcs n’ont pas à craindre de proposer leurs intuitions et leurs vues sur la mission de l’Église, car ils sont au contact des réalités du monde professionnel et familial plus que les pasteurs, ainsi entendent-ils les attentes de nos contemporains. Les anciens parmi les fidèles peuvent se réjouir de voir des jeunes et des recommençants intégrer leur communauté paroissiale avec des talents nouveaux, un langage parfois
déroutant et des apports culturels différents.
C’est parce que notre Église ne peut pas se contenter d’une pastorale de la conservation qu’elle doit croître vers une pastorale de la conversation ouverte à tous.
Comment avancer maintenant ? Comment envisager le futur de la vie de nos communautés, de leur animation, de leurs besoins, de leur immobilier, de leur ressources financières ? Une proposition que nous mettrons en place sera le remplacement des équipes pastorales paroissiales en conseils missionnaires paroissiaux. Cela ne change pas fondamentalement le principe de rencontres régulières et fréquentes pour parler de l’animation des paroisses. Au cœur de ce renouveau, on insistera sur le soin apporté à chaque fidèle. Ainsi, on regardera qui sont ces personnes et quel est leur besoin personnel afin de leur offrir une réponse individuelle et communautaire. En prenant le temps du discernement de ces besoins, en formulant des réponses personnalisées, en proposant une place et un chemin à chacun, les membres de ces conseils missionnaires valoriseront la richesse humaine et fraternelle de leur communauté. Des talents précieux seront ainsi rassemblés pour son animation et son rayonnement missionnaire.
Prions pour notre Église universelle, appelée à cette réforme dans la continuité avec la Tradition, pour les pasteurs, et tous les fidèles laïcs consacrés ou non. Tous nous prions pour la maison commune appelée à rayonner de l’Évangile de la joie.
Seigneur, en ce temps pascal, envoie ton Esprit Saint sur notre Société
Éclaire ceux qui portent le destin des nations vers une paix durable.
Viens au secours des pauvres et des victimes de toutes les formes de violence.
Comble nous de ta joie,
Notre-Père