Pourquoi la fête de la Pentecôte importe-t-elle autant ? Elle nous rappelle que notre vocation chrétienne est la sainteté, c’est-à-dire vivre dans la lumière de Dieu, sous la conduite de l’Esprit Saint, dans l’obéissance à la Parole divine, en participant à l’annonce du Royaume faite aux nations, en vue de nous préparer à la vie éternelle. La sainteté peut être comparée aux ponts suspendus qui, dans certains pays comme le Népal, enjambent de profondes gorges, sur lesquels nous marchons, confiants que ceux qui ont construit de tels ouvrages étaient compétents. Emprunter la voie de la sainteté nécessite une ferme décision et du courage, car il est souvent plus facile de ne pas avancer, de rester tranquillement en arrière et de fuir une vocation si exigeante. Pourtant la sainteté ouvre notre âme à l’union avec Dieu, elle est une plongée dans la connaissance de son Amour, elle transforme notre vie humaine et nous élève auprès de Dieu. Si cette voie nous apparaît impossible, c’est ensemble, avec des frères et des sœurs partageant le même amour pour Jésus-Christ, que nous avancerons sur ce frêle pont vers notre rencontre de Dieu. Certes, nous voyons nos fragilités et nous constatons notre propension à pécher, mais nous espérons que le pardon de Dieu nous est donné si nous le demandons d’un cœur sincère, et nous ne succombons pas aux tentations de désespoir devant un but si beau. Courage, avançons et ne doutons pas que nous puissions atteindre ces verts pâturages où nous reposerons en paix.
Ce jour de la Pentecôte, les apôtres réunis avec la Vierge Marie, des disciples et parmi eux des femmes reçoivent une force telle que leur vie est transformée au point d’oser aller au-devant des pèlerins nombreux à Jérusalem pour leur parler du Nazaréen qui fut crucifié une quarantaine de jours plus tôt et qui est ressuscité. Le premier fruit de l’Esprit est la disparition de leur peur. Ils osent sortir et parler ouvertement. Pierre donne alors la première prédication que Luc nous retranscrit dans les Actes des apôtres. À l’entendre, des milliers de personnes sont touchées et demandent à suivre Jésus : « que devons-nous faire ? » diront près de trois mille personnes sensibles à leur prophétie. La réponse que nous donne la Parole de Dieu est toujours cette invitation forte : « Convertissez-vous au Christ et croyez à l’évangile ! ». La fête de la Pentecôte 2023 est le jour à vivre dans la puissance du saint Esprit. Les fêtes liturgiques sont chaque fois des occasions d’un choix et d’un don. Un choix car chacun peut s’engager à vivre une vie renouvelée dans la grâce de la fête célébrée, et un don, autrement dit une grâce que Dieu offre à ceux et celles qui acquiescent à approfondir leur relation au Christ.
Comment nous préparer davantage à cette fête ? Il nous reste quelques jours. Une lecture enthousiasmante est celle du livre des Actes des apôtres dans lequel saint Luc qui en est l’auteur décrit comment les apôtres et tous les disciples qui s’associent à leur mission se mettent à l’écoute du saint Esprit pour voyager, vivre des rencontres, enseigner et faire des disciples. Les voyages que font Pierre et Paul sont remplis de surprises, de joies mais aussi de peines, voire de violences. Eux ne faiblissent pas, courageusement, ils vont par les routes ou par la mer à la rencontre des juifs comme des païens pour leur révéler le message et le visage d’un Dieu unique qui s’est fait connaître par Jésus de Nazareth, lui-même mort par crucifixion et ressuscité par la volonté de Dieu. Ce message est nouveau, scandale chez les juifs, provocateur et cause de moqueries chez les païens. À Athènes par exemple, haut-lieu de la sagesse grecque, Paul audacieusement explique à des philosophes que le « dieu inconnu » pour qui est dressé un autel est celui qui se révèle par Jésus. Il parle sous l’inspiration du saint Esprit. Sa prédication a souvent été considérée comme un échec. Des auditeurs ricanent. Mais les mots de Paul feront leur chemin dans le cœur et l’intelligence de plusieurs personnes, dont Denys et une femme, Damaris. Ainsi l’apôtre, comme le semeur, sème généreusement la parole avec le risque qu’une part ne se perde, mais avec l’espérance que des fruits jailliront selon la volonté divine. Que sont devenus Denys qu’on surnomme l’aréopagite et Damaris ? Ils sont devenus témoins de la résurrection. Aussi, je vous encourage à lire les Actes des apôtres. Nous sommes nous-mêmes parfois les disciples qui annoncent et parfois les bénéficiaires de l’annonce. En tout cas, nous recevons le saint Esprit lorsque nous nous confions à lui puisque Jésus a promis de l’envoyer : « quand il sera venu, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité » (Jn 16,13).
Fêter la Pentecôte, c’est aussi poser l’acte de foi que le Seigneur est vraiment avec nous et qu’il « veut faire toutes choses nouvelles. » (Cf. Apo 21, 5) En voyageant récemment au Québec pour célébrer les 400 ans de la naissance de l’évêque saint François de Laval né en Eure et Loir, nous avons vu comment les communautés catholiques de cette province du Canada souffrent face à une culture athée et même anticléricale. Certes il serait possible de relire l’histoire, celle d’un pays façonné par les religieux et les religieuses, à travers les premières paroisses, les hôpitaux et les écoles. Cet engagement ecclésial envers les premiers colons et les indiens autochtones a été réalisé avec un courage et une abnégation extraordinaire, ces missionnaires acceptant des conditions de vie très dures, la mort qui frappait souvent, le froid terrible durant les mois d’hiver. Cependant quatre siècles plus tard, la culture contemporaine rejette ce passé et ses valeurs. Comment envisager l’avenir de l’Église qui est meurtrie par ce rejet dû aussi au péché de ses propres membres, le cléricalisme et les abus de pouvoir et sexuels ? Le seul chemin n’est-il pas de vivre comme ces premiers apôtres, simplement en portant un message de paix et de foi, en enseignant à temps et à contretemps l’évangile, en acceptant comme à Athènes les moqueries, avec l’espérance que tous ne seront pas insensibles au message merveilleux que Jésus nous communique ? L’Église n’est pas à l’origine une création humaine, elle est instituée par Jésus, elle est guidée par le Saint Esprit. Le risque serait de l’organiser comme une ONG ce qu’elle n’est pas nous rappelle le pape François. Les catholiques ne sont pourtant pas appelés à abandonner leur maison et leur métier, sauf ceux que Dieu choisit pour lui être pleinement consacrés. En nous mettant à l’écoute du Saint Esprit, en puisant aux grâces de notre baptême, en vivant chaque journée comme une pentecôte, en écoutant les motions de l’Esprit, nous pouvons former ensemble une Église nouvelle pour porter l’Évangile. Et si nous faisons l’expérience du rejet, qu’importe, il y aura bien un Denys ou une Damaris pour entendre le message et s’en faire l’écho auprès d’autres personnes.
Le Seigneur fait toutes choses nouvelles, c’est ce que m’a affirmé une femme enseignante rencontrée lors de cette magnifique journée au Château des Vaux, maison animée par la Fondation d’Auteuil. Elle m’a dit que depuis sa confirmation en 2021, toute sa vie a changé. Son visage lumineux de joie était le témoignage incontestable de l’œuvre de l’Esprit en elle. Pour beaucoup d’adultes, il y a encore cette expérience à faire, recevoir le sacrement de la confirmation pour recevoir pleinement la puissance du Saint Esprit.
Croyons en ce temps pascal que la prophétie de saint Jean opère toujours :
« Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » (Ap 21,1-4)
Prions ensemble le Saint Esprit :
Ô Saint Esprit, tu peux faire toutes choses nouvelles en nos vies blessées par le mal et le péché. Nous t’invoquons pour l’Église afin qu’elle brille de tes dons en ces jours de Pentecôte, qu’elle témoigne du Christ vivant, qu’elle offre la parole de Vie à tous les humains, qu’elle console ceux qui souffrent.
Ô Saint Esprit, suscite des vocations missionnaires et consacrées, des vocations de prêtres diocésains pour notre Diocèse de Chartres, afin que sur ces terres, la parole soit diffusée et les sacrements célébrés.
Ô Saint Esprit, appelle des hommes et des femmes baptisés à se lever pour servir leur communauté paroissiale, pour briser les barrières du communautarisme et pour offrir un accueil à chacun.
Vierge Marie, toi qui t’es laissée saisir par le Saint Esprit, nous appelons ton aide pour devenir des disciples-missionnaires zélés : je vous salue Marie…