Ce prochain dimanche, j’aurais la joie d’installer le père Adolphe comme nouveau curé de la paroisse Saint-Étienne-en-Drouais (Dreux) achevant ainsi la tournée de neuf paroisses qui accueillent un nouveau pasteur en cette rentrée. J’ai goûté la joie des communautés locales qui ont pris soin d’être rassemblées, en préparant une belle liturgie, en donnant aux enfants et aux jeunes leur place pour le service de l’autel et pour la musique, en embellissant l’église, en invitant les élus des communes alentour. Si certains fidèles m’ont partagé leur émotion de voir partir leur prêtre, ils accueillent volontiers le nouvel envoyé comme un appel de Dieu à continuer le chemin sous sa houlette. Ainsi se déploie la joie de l’Évangile dont parle le pape François. Certes les vicissitudes demeurent et nous sommes toujours bouleversés d’avoir appris l’ampleur et la gravité des crimes de clercs et de laïcs au sein de nos institutions. Du 2 au 8 novembre, les évêques de France, avec des fidèles laïcs, des victimes et des experts continueront à Lourdes leur travail en vue d’une Église plus sûre, émettant le vœu que la société entière trouve les moyens pour éradiquer les abus et l’inceste.
Les événements actuels, pour dramatiques qu’ils soient, ne doivent pas arrêter notre mission d’évangéliser. Là est notre raison d’être, là est aussi la source de nos joies car il y a urgence à annoncer la miséricorde divine, surtout aux personnes éprouvées comme aux catholiques qui cherchent à vivre fidèlement leur foi. Nous avions laissé un temps la lecture de l’exhortation apostolique « la joie de l’Évangile » du pape François et j’en reprend quelques thèmes puisque l’Église existe pour évangéliser, nous dit saint Paul VI. Cette vision missionnaire n’est pas une invention humaine. Elle jaillit des paroles de Jésus « Allez ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19). Jésus, Verbe divin fait homme, discerne les besoins des hommes face au mal et au péché et par son Esprit Saint veut communiquer la Miséricorde. Récemment était célébrée sainte Marguerite-Marie à qui Jésus a révélé les secrets de son cœur qui, telle une fournaise ardente, brûle d’amour pour nous.
Mais comment pouvons-nous participer à la mission ? La vision que l’Esprit Saint propose consiste à aller vers les femmes et les hommes de notre temps pour leur dire le kérygme, c’est-à-dire la proclamation de la mort et de la résurrection du Christ, sauveur par son sacrifice de toute l’humanité depuis son origine jusqu’à nous. N’est-ce pas merveilleux de comprendre que le mal fait par l’homme n’arrêtera pas la puissance d’amour de Dieu ? Le feu ardent d’amour qui jaillit de la poitrine de Jésus ne pourra pas être éteint et, tel un incendie, il se propage par nos actes de charité et l’annonce de la bonne nouvelle. Ainsi nous ne désespérons pas face au mal car nous sommes certains par la foi que la victoire est au Christ et qu’il est vivant dans la Gloire de Dieu comme à nos côtés. Est-ce si facile de demeurer dans la foi ? Certes notre propre expérience passe par des doutes. Heureusement la Parole nous encourage : « Ne crains pas : je suis avec toi ; ne sois pas troublé : je suis ton Dieu. Je t’affermis ; oui, je t’aide, je te soutiens de ma main victorieuse » (Is 41,10). La certitude de la présence de Dieu étonne les non-croyants. Une telle foi interroge la raison mais ne saurait être remise en cause : tant d’hommes et de femmes, les apôtres, les saints et le peuple des croyants témoignent du soutien de Dieu, de son action et de la force de sa Parole. Le kérygme est donc le cœur de l’action évangélisatrice même s’il apparaît comme une folie à proclamer.
La découverte de la foi conduit alors à vivre de la grâce pour aimer sans mesure Dieu et notre prochain. Être chrétien implique de vivre selon les enseignements de Jésus et d’accueillir pleinement ce qu’Il est et ce qu’Il a vécu jusqu’à laver les pieds de nos frères et sœurs comme une expression ultime de la charité. Dans « la joie de l’Évangile » le pape François dit que notre charité doit agir pour la promotion de l’homme, par exemple dans l’éducation. N’est-ce pas cela que nos équipes s’emploient à faire dans nos écoles catholiques ? Promouvoir « tout l’homme » dans ses dimensions spirituelle, psychologique, intellectuelle et physique, pour conduire jeunes gens et jeunes filles à devenir adulte dans la lumière de l’Esprit Saint, voilà le but. Dans toute action pastorale comme dans notre vie personnelle, la foi amène à « désirer, chercher et avoir à cœur le bien des autres. » (EG 178) Le pape ajoute qu’il existe un « lien indissoluble entre l’accueil de l’annonce salvifique et un amour fraternel effectif. » On peut affirmer que le message ne pourra pas être annoncé et reçu s’il n’est pas précédé ou accompagné par un amour vrai. Le pape désire réveiller en nous « l’émerveillement, la fascination, l’enthousiasme de vivre l’Évangile de la fraternité et de la justice ! » Souvent Jésus prévient que nous serons jugés à la mesure de nos œuvres, néanmoins nous ne cherchons pas à capitaliser des bons points mais à vivre la logique de l’amour gratuit et sans retour qui, même si cela nécessite de grands efforts, apporte la vraie joie intérieure, presque une jubilation lorsque le frère aimé vous partage en retour son bonheur de recevoir le Christ dans sa vie.
Nous avons créé la diaconie diocésaine or elle ne cherche pas l’efficacité pratique par des actes réalisés pour les pauvres mais elle encourage l’amour échangé dans la joie en faisant avec les pauvres. Oui, nous sommes invités par le Christ à sortir de soi pour découvrir chez les autres la valeur merveilleuse de leur personnalité, oser la rencontre pour créer des relations et susciter de la richesse spirituelle. Nous sommes nombreux à prendre le temps de la prière chaque jour, en méditant les textes de la messe, en méditant et en adorant face à la présence réelle. C’est en cet instant que l’Esprit, à notre demande, suscite une dilatation de notre compassion envers ceux et celles qui souffrent et que notre volonté entre en tension pour aller partager l’amour miséricordieux de Jésus. La mission doit être une effusion de charité et non du prosélytisme. Jésus aimait passionnément ces blessés de la vie qui croisaient sa route et il les guérissait même s’il devait enfreindre la loi du sabbat. « Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour » dit le Cantique des cantiques (Ct 8,7).
En ce mois d’octobre dénommé mois du rosaire, nous prions Notre-Dame de Chartres d’accompagner nos missions. En cette semaine missionnaire, nous prions pour tous les coopérants qui allient leur foi et leur travail, notamment ceux qui partent une ou deux années loin de leur pays pour vivre avec des personnes nécessiteuses. Ils enrichissent l’Église pour ce choix et cet amour. Prions pour que des jeunes et des familles osent quitter pour un temps leur cadre de vie. Ils feront l’expérience de la joie de l’Évangile et recevront une richesse incomparable.
Que notre prière maintenant monte vers le Seigneur, avec les mots de sainte Teresa de Calcutta (1910-1997).
« Doux Jésus, aide-nous à répandre ton odeur où que nous allions.
Inonde nos âmes de ton Esprit et de ta vie.
Transperce toute notre existence et fais-la tienne complètement.
Que toute notre vie ne soit plus qu’un reflet de ta lumière,
et sois en nous de manière à ce que chaque âme que nous rencontrons
puisse sentir ta présence dans notre âme.
Fais-leur lever les yeux pour ne plus voir en nous, mais seulement toi !
Amen. »