Homélie de Mgr Philippe Christory du dimanche 23 février 2020 à la cathédrale Notre Dame de Chartres
En quoi consiste cette demande formelle de Dieu ? Comment réaliser une telle parole ? Comment penser que nous pouvons être saint comme Dieu, lui le seul saint ? Dieu répond : tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’Eglise affirme que la vocation à la sainteté est intrinsèque à la vocation de tout baptisé.
Mais si l’homme est par nature bon, il est blessé par le péché.
Aussi la sainteté de l’homme ne peut être comprise que comme un don de Dieu, un don à accueillir quotidiennement.
Comment l’accueillir ? En nous unissant à Dieu chaque jour par la prière, dans une relation personnelle et intime avec lui, puis en transformant ce don en charité.
C’est un long chemin qui est devant nous. Avec 20 prêtres du diocèse, nous sommes allés en retraite et pèlerinage dans les lieux et monastères fondés par sainte Thérèse d’Avila et Saint Jean de la Croix, nous avons découvert combien le chemin fut escarpé pour eux, et aussi combien Dieu a conduit par sa Providence son œuvre, c’est à dire la Réforme du Carmel.
Le mystère de la foi révélé par Jésus dévoile que ce chemin n’est pas hors de nous-mêmes, il consiste en la découverte de la présence de Dieu en nous.
Saint Paul écrit aux Corinthiens : vous êtes le sanctuaire de Dieu.
Cela veut dire que Dieu vient habiter parmi nous, dans nos communautés – je suis au milieu de vous – et même en nous. On appelle cela l’in-habitation de Dieu dans l’homme.
Comment s’opère ce miracle ? Par le baptême. À chaque communion eucharistique.
Et Saint-Paul ajoute que ce sanctuaire est sacré.
Il déclare que quiconque détruira ce sanctuaire, Dieu le détruira.
Aussi nous comprenons que la vocation de tout homme est de préserver la vie d’autrui particulièrement les plus fragiles et les plus vulnérables.
Or nous constatons souvent que nous sommes faible et pêcheur.
La vocation à la sainteté semble être un objectif que nous n’arriverons pas à atteindre.
Faut-il se décourager ? Non, mes amis, car le Seigneur vient au secours de notre faiblesse. Comme le dit le psaume aujourd’hui : le Seigneur est tendresse et pitié.
Dieu pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie. Le Seigneur met loin de nous nos péchés.
Ainsi dans nos faiblesses, nous avons un défenseur, c’est l’Esprit Saint.
Si nous invoquons l’Esprit Saint quotidiennement, si nous lui demandons son secours, alors il agit en nous pour façonner peu à peu nos cœurs à l’image du Cœur de Jésus, plein d’amour.
Cela étant dit pour préciser notre vocation de baptisés à la Sainteté, j’aimerais mentionner un fait d’une grande tristesse car il touche profondément nos cœurs de chrétiens et atteint une fois de plus l’Eglise, notre maison commune, notre famille.
Nous avons appris que Jean Vanier, fondateur de l’Arche, figure de l’amour des plus petits, des personnes handicapées, a abusé de plusieurs femmes usant d’une grande confusion dans l’accompagnement spirituel.
Nous pensons à la souffrance des victimes qui avaient mis leur confiance en lui
et qui ont été trompées.
Jean Vanier est décédé en 2019. Il était un homme sûrement plus fragile que nous le pensions. Il était laïc, homme de Dieu, priant, être débordant d’amour.
Sa vie était porteuse de fulgurance. Il parlait d’amour. Il touchait les cœurs. Ici je ne peux douter de sa sincérité. Il aimait ceux et celles qui n’avaient pas de voix, ces personnes vivant avec un grave handicap. Il s’est fait serviteur des plus petits. Il interpellait sur leur dignité et leur grande valeur. Il avait fait le choix de partager leur vie quotidienne, dans le renoncement aux avantages du monde. Il vivait pauvre avec les pauvres, mais tellement riche de l’amitié en Dieu.
Ce jour nous comprenons que Jean était un simple homme. Pas un héros. Un pauvre, comme nous sommes nous-mêmes des pauvres. Je ne peux douter qu’il désirait le bonheur de tous ces frères et sœurs fragiles et souvent rejetés.
Possiblement, il comprenait leur fragilité et leurs faiblesses parce qu’il savait aussi qu’il était fragile et faible.
Dans cette triste histoire, le démon a agi au cœur d’une œuvre d’amour magnifique. Le démon a gagné un certain combat.
Que faire maintenant ? Nous devons prier pour la sainteté de l’Eglise et de tous ses membres. Ne laissons pas le démon conclure et avoir la victoire. Prions pour ces femmes. Prions pour tous ceux et celles qui ont été privés de leur joie par les abus commis par d’autres hommes ou femmes.
Prions pour les bénévoles et les membres de l’Arche, qui depuis des décennies se sont laissés eux-mêmes transformer par l’amour pour apporter de l’amour à ceux qui en sont privés.
À nous qui sommes ce matin dans cette cathédrale, auprès de Marie, nous ressentons toujours plus le besoin de sa protection. Nous devons nous mettre sous son voile de miséricorde et demander pardon pour nos péchés. Nous aurons bientôt tout le temps du carême pour nous convertir, pour aimer davantage, pour changer ce qui salit le sanctuaire de Dieu en nous, pour
communiquer plus d’amour. Ne laissons pas passer cette chance.
Entendons à nouveau les paroles de Paul : « mes frères, mes sœurs, ne savez-vous pas que vous êtes le sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? »
Essayons ces prochains jours de vivre conscients de notre vocation à la sainteté. Essayons quand nous sommes avec nos familles, au sein de notre travail, quand nous profitons de quelques activités, d’avoir plus conscience que nous sommes le sanctuaire de Dieu. C’est un cadeau. C’est aussi une responsabilité, celle d’être témoin de l’amour.
Et si nous trahissons cet amour, si nous trahissons cette responsabilité, allons nous réfugier dans la Miséricorde du Seigneur qui veut nous faire miséricorde, qui nous donne son pardon par le sacrement de la réconciliation. Cela sera particulièrement possible cette semaine, en ce lieu, le mercredi des cendres.
Le Seigneur est tendresse et pitié. Oui le Seigneur est pitié pour nous qui ne sommes pas encore vraiment convertis. Ôtons de nos lèvres toute parole de jugement sur nos frères, car nous sommes fragiles et pouvons tomber.
Rappelons nous que nous sommes la Lumière du monde, le sel de la Terre, et que nous ne pouvons pas fuir notre vocation à la sainteté.
Mes amis, soyons saints comme le Père du Ciel est Saint.
Amen.