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Homélie du dimanche 8 novembre 2020

« Ensuite, nous les vivants,
nous qui sommes encore là,

nous serons emportés sur les nuées du ciel,

en même temps qu’eux,

à la rencontre du Seigneur. »

Quelle pensée renversante de saint Paul !Notre avenir est le Ciel, et tout le projet de Dieu est de nous y mener. L’Évangile parle de noces, celles de l’époux, c’est-à-dire le fils, celle de l’agneau, donc le Ciel.

La société des hommes semble loin de ces considérations et nous apporte son lot d’incertitudes. La peur et l’angoisse touchent bien des personnes. Pourtant, Paul l’apôtre des nations affirme : « Je peux tout en celui qui me fortifie ». Qui est celui qui nous fortifie ? Pour Paul c’est Jésus-Christ, qui s’est révélé à lui. Il est aujourd’hui présent à nos côtés. Il nous indique le chemin de la vie, vers le cœur de Dieu. Bientôt, nous serons emportés « sur les nuées du ciel » « à la rencontre du Seigneur ».

Chers amis, avec vous qui écoutez par la radio ou regardez cette messe par vidéo, nous reprenons nos eucharisties en absence d’un peuple rassemblé physiquement. Nous en sommes contristés. Mais nous choisissons d’obéir aux autorités. C’est une réponse à la charité qui nous demande de préférer la vie des personnes fragiles à la nôtre.

Avant d’aller plus avant dans mon propos, mes pensées vont vers les malades de la pandémie comme ceux qui ont d’autres maladies car tous espèrent une guérison ou une rémission ; cependant beaucoup mourront dans les prochaines semaines. Cela veut dire que des familles seront endeuillées. Nous les accompagnerons au mieux dans leur peine, par notre écoute et nos prières, pour ce dernier voyage.

Mes pensées vont pour les soignants qui, avec leur expérience du premier confinement, font leur possible auprès des malades.

Mes pensées vont encore vers les enseignants qui réalisent ce travail magnifique d’éducation des enfants, ce qui veut dire au sens étymologique du terme, qu’ils les conduisent vers leur vie d’adulte, comme personne libre, aimante, intelligente, autonome et fraternelle envers tous.

L’Évangile que nous lisons en ce dimanche nous présente des femmes, en deux groupes distincts : celles que l’on appelle les femmes sages, et celles que l’on nomme les femmes insensées. Les premières ont de l’huile dans leur lampe, les autres n’en ont plus.

Elles représentent en réalité chacun de nous, tous membres d’une même église. Ce qui les différencie, c’est leur intériorité, leur ouverture de cœur, leur écoute de l’appel de Dieu, leur charité envers leur prochain, en fait la beauté de leur âme. L’huile de la lampe représente tout cela ensemble soit leur vie dans la Lumière, soit leur errance dans l’obscurité.

L’huile de la lampe allumée permet d’entrer dans la salle des noces, c’est-à-dire le Royaume éternel de Dieu. L’huile, c’est l’amour des femmes sages pour Dieu et leur charité envers leurs contemporains. C’est leur réponse au double commandement de l’amour que Jésus précisait à la demande des pharisiens : aimer Dieu de tout son cœur et aimer son prochain comme soi-même. Le grand mystique espagnol saint Jean de La croix l’exprimait ainsi : « au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour. »

Que contient notre lampe personnelle ? L’amour nous manque-t-il ?

Certes, beaucoup de personnes font l’expérience de ne pas être aimés, ou d’avoir été mal aimés, ou encore de ne pas ressentir, selon leurs propres nécessités, l’amour que leurs parents et leurs proches leur donnent. Alors leur cœur est blessé au point, parfois, d’être incapable d’aimer à leur tour. C’est là la cause d’une grande souffrance car nous sommes faits pour vivre d’amour et surtout pour pouvoir en donner. Nos relations humaines vont au-delà des instincts et des besoins physiques. Elles existent en réalité par l’amitié et l’amour partagés.

Cette absence d’amour, quand il est vécu, est-il alors définitif ?

L’expérience montre que non car la rencontre d’une personne attentive et aimante peut guérir cette blessure et permettre d’entrer dans une vraie relation d’amour.

C’est aussi l’expérience que l’on fait en rencontrant Jésus-Christ dans l’Église, par des relations profondément aimantes et fraternelles, qui ouvrent la possibilité de cette rencontre dans la vérité.

C’est encore l’expérience que l’on vit par les sacrements. Ces gestes sacrés transmettent la vie même de Dieu, apportent le pardon, unissent dans l’amour, donnent la nourriture pour traverser la vie, dans ses joies et ses peines, avec espérance et force. Dieu a lié le salut aux sacrements qui en sont, ici-bas, la ressource fondamentale.

Actuellement, à cause du confinement, nous sommes désolés d’être privés de nos assemblées. Dès le début de la vie de l’Église, dans des réunions précaires et confidentielles, les chrétiens se réunissaient pour célébrer « la fraction du pain. » Le livre des Actes des apôtres en parle plusieurs fois et Saint Paul nous indique avec quelle profondeur et avec quel respect nous pouvons recevoir le corps et le sang de Jésus, afin de ne pas être sacrilège.

L’eucharistie, dont la racine veut dire Merci, est une action de grâce.

À chaque messe, avec Jésus, nous bénissons Dieu le Père dans la puissance de l’Esprit Saint pour la vie et le salut que nous recevons.

À chaque messe, avec Jésus mort et ressuscité, nous nous offrons en sacrifice pur et saint pour le salut de l’humanité.

À chaque messe, en communiant au même pain de vie, nous sommes fortifiés comme assemblée de fidèles pour être alors envoyés dans le monde comme disciples missionnaires (c’est le sens du mot « messe »).

L’eucharistie nous est nécessaire. La vie de l’église est eucharistique, simultanément action de grâce et sacrifice. Le père Henri de Lubac, théologien au Concile Vatican II, disait « l’Église fait l’eucharistie et l’eucharistie fait l’Église. » Elle est vitale, ce qui signifie qu’elle infuse en nous la vie divine. En sommes-nous si conscients ? N’avons-nous pas pris en certaines occasions la liberté de nous en passer, lorsque la route était longue pour rejoindre l’église, lorsque la couette nous retenait, lorsqu’une activité sportive ou ludique nous semblait ne pas pouvoir attendre ? Peut-être faut-il faire acte d’humilité et de repentance pour ces dimanches où nous avons privé le Seigneur de notre présence, sans répondre amour pour amour à son invitation, car nous étions loin de lui, absents de nos assemblées.

Privés de nous rassembler par décret de loi, il est dit que certains s’habitueraient à ne plus venir à l’église. À ceux-ci j’adresse ma supplication : réveillez-vous et découvrez la présence eucharistique du Christ pour vous et pour le peuple de Dieu. Revenez à la maison du Seigneur. Venez communier au Corps du Christ, ce qui sera possible en la cathédrale cette après-midi.

D’autres ont conscience du manque spirituel de ce dimanche et par voie de conséquence reconnaissent la grâce merveilleuse de participer d’un seul cœur avec leurs frères et sœurs, chaque dimanche, à la communion en Dieu. Qu’ils soient soutenus dans leur fidélité et qu’ils s’enracinent dans leur vocation prophétique pour porter l’Évangile à leur prochain. Je les invite cependant à découvrir les chemins de la rencontre du Christ, dans sa Parole méditée quotidiennement, et par une charité débordante vers les pauvres. Que faisons-nous en vérité pour ceux-ci ? N’est-ce pas eux qui détiennent la réserve d’huile qui sera versée dans notre lampe ?

L’eucharistie nous envoie vers la société pour agir concrètement dans le monde et le transformer notamment par l’amour et le dialogue, dans le respect de toute personne, afin de bâtir la civilisation de l’amour. Le pape François parle du besoin d’une « charité sociale et politique » en mettant au centre la dignité humaine. Nous sommes détenteurs d’un trésor et d’une mission. Cette vocation, dans la vie des chrétiens, ne doit pas être oubliée jusqu’au dimanche suivant.

Malgré les restrictions dus au confinement, nous posons un acte de foi : la grâce ne peut pas manquer à ceux qui se confient pleinement dans le Seigneur. Il nourrit nos âmes par ses dons à travers des canaux que lui connaît et que l’Esprit Saint empreinte. C’est ce même Esprit qui fait jaillir les actions de grâce et les prières spontanées qui illuminent nos journées. Ainsi notre âme, telle une lampe brillante dans l’obscurité de la nuit, sera remplie de la bonne huile de l’amour de Dieu et des frères. Nous serons prêts pour accueillir l’époux à son entrée dans la salle du banquet céleste quand il nous dira « viens, et entre dans la joie de ton Seigneur. »

Amen.

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