#335 « L’amour divin n’est-il pas un feu dévorant ? »

« Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » dit Jésus (Lc 12,49). Le feu éclaire, il réchauffe, il purifie, il rassemble la famille autour de l’âtre, il permet de cuire des aliments, il est notre bienfaiteur, sauf lorsqu’il ravage nos lieux d’habitation ou la nature. Le feu est très présent dans les écrits vétérotestamentaires de la tradition hébraïque. Avec la prédication de Jésus, le feu désigne la présence nouvelle et agissante de l’Esprit Saint comme lors de la Pentecôte. L’Esprit descend sur les apôtres comme une flamme qui se pose sur eux. 

Dans la Bible, le feu est le signe de la présence de Dieu. Par exemple, lorsque Moïse fait paître le troupeau de son beau-père Jethro, Dieu se révèle lors d’une théophanie extraordinaire en lui parlant d’un buisson enflammé qui ne se consume pas. « L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer « (Ex 3,2). Alors Dieu dévoile son nom « je suis qui je suis » (Ex 3,14). Le feu qui brûle sans détruire les branches du buisson devient le symbole de la sainteté qui brûle dans le cœur du croyant. Cette manifestation divine dans le feu se reproduit face à Moïse après la sortie de l’Égypte sur le Mont Sinaï quand Dieu l’appelle et lui donne les tables de la loi : « La montagne du Sinaï était toute fumante, car le Seigneur y était descendu dans le feu ; la fumée montait, comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne tremblait violemment » (Ex 19,18). La nuée qui précédait la marche du peuple était lumineuse comme un feu chaque nuit. 

Pour le peuple hébreu, un élément central du culte consiste à offrir des sacrifices d’animaux en les saignant puis en brûlant la chair sur l’autel. Dans les périodes lointaines, on sacrifiait parfois des êtres humains, notamment des enfants comme Abraham voulut le faire avec son fils Isaac, retenu au dernier instant dans son geste par un ange. Au temple de Jérusalem, les prêtres entretenaient un feu perpétuel. Ce feu rappelait l’alliance fidèle du Seigneur et la prière continuelle que lui devait le peuple. L’histoire du prophète Élie nous enseigne sur la puissance du feu. Menacé par la reine Jézabel, Élie met au défi les prophètes païens que soutenait la souveraine. Chacun dresse son autel, y dépose les animaux sacrifiés, implore son dieu pour que le feu du Ciel tombe et embrase le sacrifice. Malgré leurs invocations, les prêtres de Baal ne sont pas exaucés. Le soir venu, le sacrifice préparé par Élie, pourtant recouvert d’eau, s’embrase d’un feu violent descendu d’en haut. « Alors le feu du Seigneur tomba, il dévora la victime et le bois, les pierres et la poussière, et l’eau qui était dans la rigole » (1 Rois 18,38). Le vrai culte était affirmé et les faux prophètes furent tous exécutés ! Ainsi Dieu manifestait par le feu sa divinité contre les idoles païennes. 

Dans l’artisanat pratiqué avec divers métaux, pour créer des objets de culte, des objets utilitaires ou décoratifs, le feu était nécessaire pour affiner et purifier les métaux des scories. C’est d’ailleurs l’art de travailler les métaux qui qualifie l’avancée technologique des peuples. Comme l’artisan purifie le métal, on comprend que Dieu purifie son peuple, ses prêtres et ses fidèles de leurs péchés en les brûlant par le feu de son amour « car il est pareil au feu du fondeur, pareil à la lessive des blanchisseurs. Il s’installera pour fondre et purifier » (Ml 3,2-3). 

Avec la nouvelle alliance en Jésus-Christ, un sens nouveau advient, le feu est le signe de la puissance du Saint Esprit. Le précurseur, Jean le Baptiste l’annonce : « Moi, je vous baptise dans l’eau […]. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (Lc 3,16). Parle-t-il déjà de la Pentecôte sur les premiers apôtres ? En réalité, Jean fait cette annonce au début de la vie publique de Jésus. Nous sommes encore loin de la Pentecôte. Bien entendu, Jean a le don de prophétie et il discerne que Jésus vient renouveler le baptême dit de repentance par une nouvelle effusion de l’Esprit. Tout est transformé car la venue de l’Esprit agit dans la puissance de la Résurrection opérée par Dieu le Père en faveur de son fils Jésus mort en Croix, et bientôt en faveur de chacun de nous ses fils et ses filles. Aujourd’hui, c’est par le sacrement de la confirmation qu’est communiquée la force et les dons du saint Esprit annoncés par le prophète Isaïe et chantés par le merveilleux poète saint Ephrem au IVe siècle dans une hymne inspirée que je vous propose de prier :

Feu et Lumière qui resplendit sur la face du Christ, Feu dont la venue est parole,
Feu dont le silence est lumière,
Feu qui établis les cœurs dans l’action de grâce, nous te magnifions.

Toi qui repose en Christ, Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science et de crainte, nous te magnifions.

Toi qui scrutes les profondeurs,
Toi qui illumines les yeux de notre cœur,
Toi qui te joins à notre esprit,
Toi par qui nous réfléchissons la gloire du Seigneur, nous te magnifions.

Amen

Les disciples de Jésus, en vue de la mission sont saisis par le Saint Esprit. Les Actes rapportent que « des langues qu’on aurait dites de feu leur apparurent ; elles se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis de l’Esprit Saint » (Act 2,3-4). Pour nous, chrétiens, c’est tout d’abord lors de notre baptême que nous sommes enveloppés par le Saint Esprit. Dieu fait en nous sa demeure et nous devenons des fils sauvés à qui le Ciel est promis. Par les sacrements institués par Jésus-Christ lui-même au cours de sa vie publique, nous sommes transformés par la grâce du baptême qui nous fit prêtre, prophète et roi. C’est encore lors du sacrement de la confirmation, actualisant l’événement de la Pentecôte, que chaque disciple reçoit le feu de l’Esprit. Ce feu vient du Cœur brûlant d’amour de Jésus. 

Saint Ephrem entrevoit l’Esprit tel un feu resplendissant qui transforme les visages et qui fait entrer dans la louange pour magnifier Dieu en son Fils Jésus-Christ. Celui qui se laisse brûler par le feu de l’Esprit est entraîné dans l’action de grâce. En recevant cette lumière, chaque disciple renvoie vers ses contemporains le reflet du visage du Christ, et en son cœur résonnent des hymnes inspirées à la Gloire de Dieu. Le monde est atteint alors par cette louange lumineuse et les gens entrent dans la communauté des croyants. L’Esprit Saint vient en chacun et scrute nos chambres secrètes et voit ce qui y est déposé, le bien et le mauvais, non pour nous accuser, mais pour nous purifier d’un feu d’amour afin de nous entraîner vers une vie nouvelle. Ce feu illumine les yeux du cœur qui discernent la présence de Dieu. Le cœur purifié n’est plus aveugle et contemple la gloire de Dieu, que dans le monde, les péchés des hommes masquent. C’est en étant purifié par la miséricorde divine que chacun devient un homme nouveau, vit une renaissance et est témoin. L’Église brille de cette lumière dans la mesure où chaque baptisé émet ce feu lumineux tel la facette d’une pierre précieuse. C’est la sainteté qui rend transparent l’homme et qui brille à la face du monde. 

Nous sommes à la veille de la grande fête du Sacré-Cœur en ce jubilé des 350 années des apparitions du Cœur de Jésus à sainte Marguerite-Marie. Il est précieux d’invoquer l’Esprit et de demander ce feu. Ô Esprit Saint, Toi qui scrutes les profondeurs, Toi qui illumines les yeux de notre cœur, Toi qui te joins à notre esprit, Toi par qui nous réfléchissons la gloire du Seigneur, nous te magnifions. Ensemble, dans nos communautés, lors des conseils et des rencontres en fraternité de maison, nous reprenons ce poème de saint Ephrem, chantre de l’Esprit Saint. Apportons à notre société la lumière pour qu’elle choisisse le chemin de la vérité et la vie. La vie est la réalisation la plus parfaite de l’Esprit et elle est sacrée. Nul ne peut ôter la vie d’autrui car elle est un don de Dieu qui la maintient par pure grâce afin que chacun participe à sa divinité. Saint Paul exhorte à vivre une vie nouvelle dans l’Esprit « N’éteignez pas l’Esprit » (1 Th 5,19). Paul n’a-t-il pas fait l’expérience d’une formidable effusion de l’Esprit Saint face aux murs de Damas afin de devenir apôtre du Christ qu’il persécutait auparavant ? Sa prédication est devenue une flamme ardente qui touchait les cœurs. Ses auditeurs entendaient ce qui jaillissait de son cœur, au-delà de ses mots. « L’amour est un feu dévorant, même les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour » (Ct 8,7).

Prions maintenant : Notre-Père

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Je confie mon intention de prière

Votre intention sera confiée à la prière des sœurs de Saint-Paul de Chartres.