#309 « Comment poser notre regard sur les autres, comme Jésus ? »

Bientôt Noël, « je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple » disent les anges aux bergers (Lc 2,10). Face à l’événement de la Nativité, la contemplation s’impose. Regarder avec attention l’autre, c’est ce que Joseph a fait en contemplant sa jeune épouse Marie, alors qu’elle était sur le point de donner naissance. Marie, elle, a regardé Joseph en lui faisant toute confiance pour trouver un lieu où s’abriter puisque les auberges étaient pleines et leur refusaient la protection d’un toit. Les plus pauvres recherchent désespérément un abri quand les intempéries les frappent dramatiquement et la catastrophe de Mayotte nous le montre une fois de plus. Quand Jésus est né, les deux parents ont longuement contemplé ce petit enfant annoncé neuf mois plus tôt par l’ange Gabriel comme étant le Fils du Très-Haut, celui qui viendrait sauver son peuple. Jésus à son tour les a regardés pour voir le beau visage de ceux-là à qui il s’était confié lui-même en venant parmi les hommes. Puis, arrivent en premier les bergers, bouleversés d’être appelés par des anges à Bethléem afin de rencontrer un nouveau-né annoncé comme leur sauveur : « aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2,11-12). Ces bergers avaient l’habitude de regarder attentivement la nature pour rechercher les maigres pâturages et préserver leurs animaux de toute mauvaise rencontre. Ils ont ouvert des yeux écarquillés pour admirer ce nouveau-né qui les accueillait en ouvrant ses petits bras. Le regard par lequel la relation commence avec un bébé est merveilleux. Ce regard plein de bienveillance manifeste l’amour qui va grandir dans le cœur des parents, il suscite la confiance de l’enfant, il éveille la responsabilité. 

Un constat s’impose : nous avons besoin du regard d’autrui. Lors de sa vie publique, Jésus lui-même est merveilleusement attentif quand il regarde ces pauvres qui viennent vers lui avec leurs douleurs et leurs corps blessés. Il les voit et comprend leur attente. Il les appelle à s’approcher, il leur parle directement avec bienveillance. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » dit-il à l’aveugle Bartimée. Dans ce regard, chacun se sent considéré et aimé. Le regard de Jésus, doux et humble, relève ces pauvres. Il voit la détresse dans l’âme de cette femme qui vient baigner ses pieds de ses larmes. Il voit les mères et les enfants sur les monts de Judée qui n’ont pas de nourriture. Il voit aussi le larron crucifié à côté de lui et comprend sa repentance et son respect envers lui. 

Or aujourd’hui, malheureusement, ce que les yeux regardent intensément, ce n’est plus l’autre, l’ami, l’amant, l’épouse voire l’enfant. En réalité c’est l’écran d’un téléphone, le smartphone pour le dire en anglais. La mère qui allaite ne regarde plus son nourrisson mais les messages reçus sur les réseaux. Le mot anglais smart veut dire intelligent. Effectivement sa technique est fantastique, ses composants électroniques sont incroyables. Mais cette intelligence ne manque-t-elle pas de sentiments et de cœur ? En réalité, notre « smartphone » ne nous accapare-t-il pas ce précieux temps au détriment de nos relations ? L’Australie vient de promulguer une loi interdisant l’usage des réseaux sociaux au moins de seize ans, peut-on en comprendre les raisons ? Des rapports alarmistes disent que les enfants sont de plus en plus perturbés par les écrans. Dans certains foyers, on ne se parle plus puisque chacun s’isole avec son téléphone. Une grand-mère me disait que dans le passé, elle aimait faire des jeux de société avec ses petits-enfants, mais ceux-ci n’ont plus le temps, car ils sont scotchés à leur écran. Ce ne sont plus les parents qui instruisent leurs enfants mais les influenceurs. Et les parents ignorent ce que les enfants regardent, le meilleur certes, mais aussi le pire. Ces enfants ont le regard captif et ceux qui œuvrent sur le web en font des consommateurs incultes et dépendants. Heureusement certains parents font le choix de ne pas donner de smartphones avant le lycée, et il leur faut bien du courage pour être fermes devant les supplications exigeantes et insistantes de leur progéniture. Cela les oblige à faire le choix eux-mêmes de se dispenser de leur écran, ce qui n’est pas simple, chacun ayant une bonne raison de le consulter. Cette mission parentale est difficile et je prie le Seigneur de les aider de sa grâce. 

Pourrions-nous dans ces quelques jours qui nous séparent de Noël prendre le temps de nous regarder, de laisser loin de nous notre smartphone, d’échanger sur nos sentiments, nos désirs, nos joies et aussi sur ce qui est difficile dans notre vie ? En regardant avec le regard de Jésus qui ne juge pas mais qui accueille, chacun pourra expérimenter un certain bonheur. Si cela est tellement important au sein de la vie du couple dans lequel chaque conjoint offre à l’autre son regard empli de gratitude pour l’amour reçu, est-il possible que nous choisissions consciemment d’avoir ce même regard pour un ami, voire un inconnu, un commerçant, un simple passant ? Pour cela ne faut-il pas demander au Saint Esprit de nous préparer à une telle rencontre ? Nous sommes créés à l’image de Dieu, laissons-le nous inspirer. En regardant comme Lui l’enfant, le pauvre, le malade, Jésus passera à travers nous pour le rejoindre et le consoler. Prenons le temps de regarder Jésus dans la prière et l’adoration, lors de la communion eucharistique. Qui regarde vers lui resplendira. Nous serons alors entraînés à regarder les autres avec cette même lumière. C’est un choix à poser chaque matin qui nous rendra heureux. 

Nous approchons de Noël, la fête de l’Incarnation qui est le grand mystère fondateur de notre foi chrétienne, afin de faire mémoire de Celui qui descend du Ciel et prend notre condition humaine en partageant notre vie. Il vient nous enseigner et nous sauver. Aussi, dans nos rencontres imprévues, n’hésitons à souhaiter un joyeux Noël, un sauveur nous est né, son nom est Jésus. 

Prions ensemble, confions au Seigneur miséricordieux tous ceux qui vont vivre ces fêtes sans joie, ayant tout perdu, particulièrement à Mayotte.  Notre-Père.

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