#277 « Quelle grâce annonce l’Ascension pour nos propres vies ? »

Au collège Sainte-Marie de Chartres où je rencontrais des jeunes dans leur classe, j’ai vu leur joie de prendre cinq jours de vacances grâce à deux jours fériés consécutifs. En effet, cette année, c’est un grand pont qui permet à beaucoup de personnes de se reposer et respirer un air léger et revigorant. Mais c’est bien la fête de l’Ascension qui nous offre ces jours. Offrons-nous à Dieu sa part, la « part-Dieu », un moment pour lui, telle une dîme de notre temps pour lui manifester notre amour et méditer sa Parole ? Avons-nous pris le temps de l’eucharistie pour écouter ce récit merveilleux de sa montée avec son corps ressuscité, vers le Père ? Nous rappelons son élévation, non plus sur la Croix, mais en Dieu où Jésus recouvre la Gloire éternelle qu’il possédait auparavant de toute éternité. Saint Marc conclut son évangile par ces mots : « Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. » (Mc 16,19) Saint Luc dans le commencement du récit des Actes des apôtres en dit un peu plus : « vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs, qui leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » (Act 1,8-11) Selon Luc, les apôtres furent témoins de sa présence en tant que ressuscité jusqu’à cet ultime instant où ils le voient s’élever et disparaître dans une nuée. Il faut se souvenir que la nuée est cette réalité obscure le jour et lumineuse la nuit qui se plaçait au-dessus de l’arche de l’Alliance lors de la pérégrination du peuple hébreu dans le désert à l’époque de Moïse. Cette nuée vint recouvrir la Vierge Marie lors de l’incarnation en son sein du Verbe divin. Quand ce terme est mentionné dans la Bible, il s’agit de dire la présence de Dieu qui est là et qui agit. Ici, la nuée accueille Jésus élevé avec son corps dans la Gloire. Les anges promettent son retour « comme il est parti », ce qui nous rend perplexes car nous ne savons pas quand ni comment cela adviendra. Reviendra-t-il discrètement parmi quelques témoins ? Y aura-t-il une manifestation visible de la Gloire divine ? Nous attendons son retour, et nous prions pour qu’Il revienne apporter la paix à ce monde et nous ouvrir le Ciel définitivement, après notre existence ici-bas que Thérèse de Lisieux appelle « l’exil ». Assurément, si notre avenir céleste demeure une réalité future très indistincte, nous espérons sa réalisation concrète et notre vie spirituelle nous y prépare. Aussi, durant ces cinq jours du pont de l’Ascension, prions et méditons sur la promesse qui nous est faite.

L’événement de l’Ascension de Jésus ouvre une période bouleversante pour les apôtres et les disciples. Cette fois-ci, ils comprennent que leur maître et ami s’en est allé définitivement et qu’ils ne le verront plus de leurs yeux. Sa disparition transforme leur situation. Dorénavant ils gardent la mémoire de ses enseignements et de ses œuvres. Jésus les avait enjoint de prier et d’attendre le don promis du Paraclet, l’Esprit qui les conduirait à la vérité tout entière et qui leur révèlerait le sens des écritures. Aussi, se retirent-ils en un lieu à l’écart à Jérusalem – nous l’appelons le Cénacle – où ils se mettent à l’abri car la police religieuse cherche toujours à éradiquer ce nouveau courant fondé sur la prédication du Nazaréen Jésus. Les jours passent dans cette attente priante et confiante. Neuf jours plus tard, le peuple juif célèbre la fête de la Pentecôte, appelée Chavouot, qui fait mémoire du don de la Loi, la Torah, à Moïse au Mont Sinaï et l’alliance entre Dieu et son peuple. C’est lorsque les juifs prient et rappellent l’importance de la Loi que l’Esprit vient et se manifeste sur la communauté des disciples pour transformer radicalement leur vie par une force spirituelle nouvelle. Ainsi vont-ils répondre aux demandes de Jésus et commencer la mission vers leurs frères juifs puis vers les romains païens ce que dit encore saint Marc : « quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient » (Mc 16,20).

Il est important de comprendre le lien entre la loi, ou la Parole, et la venue de l’Esprit. Quand Pierre annonce la Parole à Corneille et sa famille, c’est alors que l’Esprit Saint vient sur eux et les convertit. L’Esprit parle au nom de Dieu, en utilisant la Parole. Quand un fidèle médite les textes sacrés, la vitalité de la Parole le dispose à recevoir la lumière de la Révélation, elle l’inspire et le guide. Éclairée par l’Esprit, la Parole se fait nourriture dans la vie du disciple, elle le nourrit et le rassasie, elle devient sa vie et sa source pour œuvrer. Elle nous dévoile Jésus. Dans les mains du croyant, Paul place la glaive de l’Esprit en affirmant qu’il s’agit de la Parole (Cf. Eph 6,17). Ainsi tout disciple est-il armé pour affronter tentations et esprits mauvais, pour répondre aux contradicteurs, pour encourager les faibles et les affligés. L’Esprit se saisit de la Parole qui devient le délicat langage de l’amour pour ceux et celles qui se mettent à son écoute. En réalité cette arme est d’une grande douceur et peut panser nos plaies les plus profondes. Dieu est comparable à un chirurgien qui opère à distance à l’aide d’un robot plus précis que sa main. Dieu est loin et simultanément proche de nous, il opère notre âme pour la purifier et la libérer de tout mal.

Il est heureux de méditer sur l’Ascension de Jésus et simultanément sur sa promesse d’être avec nous tous les jours de notre vie. Souvent, quand nous lisons les évangiles, le Christ nous fait rêver. Ses œuvres sont étonnantes et bouleversantes. Ses attitudes face aux miséreux et aux malades sont des phares dans la nuit. Mais nous ne comprenons pas tout ce qu’il dit, même ses paraboles, pourtant adressées à des gens simples, et utilisant un langage imagé peuvent sembler complexes. Heureusement, Jésus parle avec le langage du cœur. À ceux qui aiment leurs prochains, Jésus se fait comprendre car son langage est le leur. Quand Il parle de sa relation au Père de manière tellement intime, nous peinons parfois à comprendre. Mais quelle délicatesse dans sa vie, dans ses relations aux hommes et aux femmes blessés, dans l’accueil des enfants, dans la présence auprès des gens touchés par la mort ou la maladie. Jésus est tellement particulier qu’à Nazareth, c’est-à-dire la ville de son enfance et de sa vie cachée où il fut charpentier, les gens disaient « d’où lui viennent cette sagesse et ses miracles ? » (Mt 13, 54). Nous aussi nous sommes perplexes. Comment le comprendre ? D’où lui vient tout ceci ? C’est l’Esprit qui peu à peu soulève le voile et par la lecture des évangiles lus dans la Tradition de l’Église, il nous est donné de comprendre le langage dont il use pour se révéler et nous parler. À nouveau, nous constatons que l’Esprit Saint parle par la Parole et que la Parole des écritures se dévoile lorsque nous appelons l’Esprit pour venir à notre secours et nous permettre de comprendre.

Alors que la Pentecôte approche et que nous lirons les récits du départ en mission des disciples, posons-nous la question de notre engagement personnel dans la mission de Jésus-Christ. Le Christ nous fait-il rêver ? Sommes-nous capables d’entrer dans ce rêve afin que les hommes de notre temps le connaissent ? Sommes-nous désireux qu’il trône en notre société et l’irrigue de sa sagesse afin qu’adviennent la paix et la concorde ? Désirons-nous que sa Parole et son nom soient connus ? Entre l’Ascension et la Pentecôte se déroule la première neuvaine de prière accomplie par les disciples de Jésus. À notre tour, cette neuvaine peut nous préparer à recevoir de manière nouvelle les dons de l’Esprit. Paul, au contact de Jésus et de la puissance de son Esprit, s’est laissé transformer. Il a quitté sa volonté de puissance pour entrer dans l’abaissement de Jésus qui transmet sa Parole avec douceur et annonce un Royaume de paix ouvert à tous y compris les nations païennes. Paul comprend que sa force sera désormais son humilité. Pourquoi ne pas entrer dans cette même attitude en cultivant en nous, dans nos prières, ce saint désir que tous puissent avoir accès à la révélation opérée par Jésus ? Laissons advenir la grâce qui vient en nous par l’amour dont nous vivons et dont nous témoignons. Chacun agit dans son lieu de vie, de travail et de famille. Saint Paul dit que « quel que soit votre travail, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur, et non pour plaire à des hommes : vous savez bien qu’en retour, vous recevrez du Seigneur votre héritage. C’est le Christ, le Seigneur, que vous servez » (Col 3,14-24). Réalisons ce que nous avons à vivre en demeurant en Jésus par son amour.

Prions maintenant tous ensemble pour la société et pour notre Église.
Seigneur, tu es la force qui nous est donnée pour vivre. Permet que nous demeurions unis à toi, durant ces jours de ton Ascension en vue de la Pentecôte et de la venue du saint Esprit Consolateur. Donne la puissance de ton Esprit à ceux et celles qui sont affligés. Met la douceur dans nos relations humaines, particulièrement là où des couples sont en conflit, là où des femmes sont battues. Rends-nous la joie du Salut et permet que nous puissions en témoigner. Maintenant, Seigneur, nous nous tournons vers Notre-Dame, la Vierge Marie qui s’est laissée guider par ton Esprit.

Je vous salue Marie.

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