Cette formule est devenue un adage. Là où des chrétiens meurent martyrs, leur sang donne vie à des vocations chrétiennes. Son auteur, Tertullien, écrit à la fin du IIe siècle. Les chrétiens sont persécutés au sein de l’Empire romain. Leur choix radical de vie est considéré comme contraire aux lois romaines : ils ne se rendent pas au cirque pour voir les gladiateurs et les combats de bêtes, ils refusent l’avortement et le divorce. Cette citation synthétise en réalité une pensée développée dans son Apologétique (Apologeticum), en particulier au chapitre 50. Voici le passage original : « Vous nous persécutez, vous nous torturez, vous nous condamnez, vous nous exterminez. Et quoi ? Votre cruauté est impuissante. Elle est même un encouragement pour notre religion. Car plus vous nous supprimez, plus notre nombre augmente. Le sang des chrétiens est une semence. » (Tertullien, Apologeticum, chap. 50). Dans le christianisme, le martyre n’est pas recherché pour lui-même car le chrétien honore et respecte la vie qu’il reçoit de Dieu. Mais il peut être confronté au choix radical du don de sa vie par amour de Dieu et des hommes, refusant toute forme de compromission avec les idoles et le mal. Ainsi sainte Félicité et sainte Perpétue, en Afrique du Nord, refusèrent de déposer de l’encens devant la statue de l’empereur et furent décapitées au nom de leur foi.
La fête de saint Pierre et saint Paul célébrée le 29 juin honore deux grands apôtres, deux géants au centre de la mission de l’Église primitive qui quittèrent leur terre pour parcourir l’Empire romain en y annonçant Jésus-Christ et son évangile. Les Actes des apôtres et les épîtres donnent tant de détails sur leurs missions. Si n’est rien dit dans les Saintes Écritures de leur martyre, la Tradition rapporte qu’ils furent exécutés à Rome, Pierre fut crucifié et Paul fut décapité.
Aujourd’hui, nous nous souvenons que le martyre est encore le terme de la vie de nombreux chrétiens. Ces jours-ci, des massacres abominables de chrétiens ont été perpétrés. Au Nigéria, le 13 juin, plus de deux cents chrétiens furent assassinés par des peuls musulmans. Les témoins parlent d’une violence inouïe, des corps furent tranchés, brûlés, égorgés. Ces actes furent commis en pleine nuit, prenant de court les victimes. Le président du Nigeria, Bola Tinubu s’est rendu sur place afin d’apporter son soutien aux populations locales, qualifiant les meurtres commis « d’inhumains ». En Syrie, le 22 juin, un criminel islamiste est entré dans l’église grecque-orthodoxe Saint-Élie, dans le quartier de Dwelaa, faisant au moins 25 morts et plus de 60 blessés. Il a tiré sur les fidèles et s’est fait exploser au milieu de l’assemblée qui célébrait la sainte messe. L’assassin s’est revendiqué de Daesh, l’État islamique. Ces crimes perpétrés au nom d’Allah sont des abominations, des blasphèmes puisque leurs auteurs pensent faire ces actes pour leur dieu, qui n’est qu’une idole, un faux dieu. Car quel est ce dieu qui souhaiterait que certains posent de tels actes envers des personnes innocentes, ôtant la vie si sacrée que personne ne peut détruire puisque la vie vient de Dieu ?
Or Jésus a révélé le vrai visage de Dieu, la Sainte Trinité en laquelle circule infiniment l’amour que l’Esprit vient communiquer aux hommes et aux femmes ouverts à son action. Croire en un dieu qui voudrait ainsi que la mort soit donnée, c’est croire en un monstre. Ce dieu-là n’existe pas. Cela n’a rien à voir avec la révélation chrétienne qui appelle à la paix et à l’amour de tous, y compris de ses ennemis. Nous prions pour nos frères et sœurs chrétiens, ceux qui sont partis vers le paradis, et ceux qui ont survécu et qui porteront en eux les stigmates indélébiles de ces agressions folles. Comment pourront-ils vivre en paix avec de tels souvenirs ineffaçables ? Que l’Esprit Saint consolateur les assiste. Seigneur, aie pitié d’eux.
La fête des apôtres Pierre et Paul est choisie pour les ordinations sacerdotales et diaconales. Quatre-vingts prêtres sont ordonnés en France, c’est très heureux, cependant ce chiffre est en baisse. Si les catéchumènes viennent en nombre vers l’Église catholique demander le baptême, nous devons renouveler l’appel des vocations consacrées, religieuses et sacerdotales. « Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » (Mt 9,38).
Prions : « Ô Père, entends notre prière monter vers toi, ton Église apporte le salut par les sacrements que célèbrent les prêtres, aussi donne-nous de saints prêtres. Que les familles catholiques prient et parlent de cette belle vocation à leurs fils. »
Deux adolescents m’écrivaient en vue de leur confirmation et me partageaient leur souhait d’être prêtre. Être prêtre c’est revêtir le Christ grand-prêtre pour offrir le sacrifice eucharistique en s’offrant soi-même par amour des hommes en vue de leur salut. C’est parler en son nom en laissant la Bonne Nouvelle passer à travers nos mots et nos prédications. C’est se pencher comme Jésus le fit sur les routes de Galilée et de Judée sur l’homme blessé tant dans son corps que dans son âme par conséquence de ses péchés. C’est s’effacer afin que les fidèles discernent et voient Dieu présent qui les rejoint dans leur vie et souvent leur misère. Être prêtre est synonyme d’un lâcher-prise et d’un abandon de tout ce qu’un homme peut désirer avoir : de l’argent et des biens, une famille, la reconnaissance de talents professionnels. Le jésuite Hans Urs von Balthasar écrit que « le prêtre est l’ombre du Christ, mais une ombre portée par la lumière du Ressuscité ». Certes l’homme demeure pécheur et fragile, mais il se fait le reflet du mystère du sacerdoce du Christ, grand-prêtre qui sauve le monde de la mort. Cela appelle de la part du prêtre une mort à soi-même pour être tout à Dieu dans sa mission qui ne s’arrête jamais, même quand il prend un légitime temps de repos. Il faut regarder le mystère du sacerdoce avec les yeux de la foi pour comprendre que l’appel du Seigneur à se livrer totalement pour son service « n’enlève rien mais donne tout » pour reprendre les mots du pape Benoît XVI. Dieu comble l’homme devenu prêtre, à condition que cet homme se laisse saisir totalement, ce qui n’est pas si simple ! Nous pouvons faire l’expérience que ce que nous laissons derrière nous est redonné comme une mesure bien pleine, tassée et débordante (cf. Lc 6,36). Combien de personnes m’ont dit que je suis leur père, même un prêtre très âgé ? Combien de voyages et de pèlerinages ai-je faits, découvrant des frères et des sœurs attentionnés et délicats ? Combien de familles m’ont ouvert leur porte si généreusement pour un échange profond ? Celui qui laisse derrière lui ses propres biens reçoit de Dieu au centuple ces mêmes biens, surtout des frères et des sœurs.
Certes la vocation sacerdotale demeure un mystère d’alliance, difficile à comprendre pour la personne qui ne vit pas unie à Jésus-Christ au cœur de l’Église. Jésus s’est fait homme et prolonge sa présence par le Saint Esprit et par des médiations qui le rendent présent dans chaque acte liturgique. Le Christ guérit dans le sacrement des malades, pardonne par le sacrement de la réconciliation, communique la puissance de l’Esprit par la confirmation, etc. Cette incompréhension du monde de la fonction sacerdotale peut amener des jugements surtout dans une société permissive et libertaire qui promeut le plaisir sans bornes aux citoyens. Car dans la prêtrise existe une participation à la Croix du Christ, à sa douloureuse passion, à sa mort infâme en vue de la rédemption de tous. Jésus recherche des âmes offertes qui considèrent leur propre vie comme moins importante que la mission reçue. Saint Pierre et saint Paul sont allés au-devant de leur destinée sachant par intuition ce qui pourrait advenir d’eux. Ils ne recherchaient pas la mort, mais leur vie était déjà au-delà du monde visible qu’ils considéraient comme moins important. Est-ce notre cas, la vie éternelle nous est-elle désirable ? Sur terre, l’homme qui accueille l’appel de Dieu à devenir prêtre choisit le célibat pour le Royaume. Ce choix ne lui appartient pas. D’une part, s’il peut porter ce choix une vie entière, cela est dû au don de Dieu lui-même qui communique sa force pour le vivre. D’autre part, ce don est pour le bien du peuple de Dieu, l’Église du Christ, car le prêtre est offert pour elle. C’est donc une vocation grandiose conférée à de simples humains qui sont transformés par pure grâce et non à cause de leur mérite. Au Nigéria, alors que régulièrement des chrétiens sont assassinés pour le seul motif de leur foi, on constate un afflux de jeunes hommes qui désirent être prêtre, la semence pousse et des vocations abondent. En France, il est probable que notre vie n’est pas suffisamment prophétique ! Nous ne recherchons pas le martyre mais nous devons y être préparés. Alors viendront les vocations sacerdotales.
Soyez chacun encouragé à remercier le prêtre qui accompagne votre communauté paroissiale, sachez reconnaître la beauté de son sacerdoce et dites-lui que c’est important pour vous et votre salut. Ces jours-ci, c’est sûrement l’anniversaire de son sacerdoce. Je pense particulièrement au père Dominique Aubert qui fête ses 50 années de prêtrise. L’homme qui reçoit cet appel et cette grâce demeure un homme fragile. Aussi délicatement, sachez lui dire ce qu’il vous apporte et soyez son soutien dans son ministère, en lui révélant le bien qu’il vous offre par sa vie donnée et son témoignage. Prions encore en demandant des saints prêtres pour notre Église : Notre Père