Dans deux jours, nous célébrerons la fête de la Pentecôte. Cette fête juive date des temps très anciens et rappelle le don de la loi à Moïse sur le Mont Sinaï, sous la forme de dix commandements que Dieu grava sur deux tables de pierre. C’est le jour de cette fête qu’advint la réalisation de la promesse faite par Jésus-Christ avant son départ définitif par laquelle il annonçait la venue du Paraclet : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur » (Jn 15,26). Les apôtres et les disciples, hommes et femmes, avec la Vierge Marie, se tenaient au Cénacle à Jérusalem où ils priaient avec confiance. Soudain, un violent coup de vent claqua comme un éclair, sur chacun descendit « comme une langue qu’on aurait dite de feu » (Act 2,3), et ils se mirent à louer Dieu et à prophétiser : « tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit » (Act 2,4). Leurs peurs s’évanouirent, ils reçurent une force nouvelle pour sortir et annoncer la Bonne Nouvelle du salut accompli par Jésus, Pierre proclamait son nom et apportait une espérance nouvelle à son peuple opprimé par les romains et surtout sujet au péché.
Depuis lors, l’Église prie le Saint Esprit pour qu’il inspire le Magistère, pour qu’il éclaire les communautés, qu’il nous unisse dans une parfaite communion. Au long des vingt siècles qui se sont écoulés depuis ces événements, les saints et les saintes sont ces disciples que l’Esprit a saisis et conduits pour que la Bonne Nouvelle soit répandue à toutes nations. C’est à notre tour de nous laisser habiter par la présence de l’Esprit.
Nous sollicitons de Dieu une nouvelle effusion de l’Esprit, nous demandons sa puissance afin qu’il transforme notre société et qu’il apporte la paix entre les peuples. Nous demandons que nos relations humaines soient libérées du mal, qu’elles soient porteuses de joie et d’amour. Nous supplions l’Esprit afin que cesse la progression de la culture de mort promue par les réseaux sociaux, les guerres et certaines lois civiles.
Demandons-nous encore qui est l’Esprit Saint ? Il nous semble lointain, insaisissable, éthéré. Il nous est souvent difficile de le définir. Le credo de Nicée-Constantinople dit que « l’Esprit est Seigneur et qu’il donne la vie, qu’il procède du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire. Il a parlé par les prophètes ». Cela pose la question du Filioque, c’est-à-dire l’ajout, au VIe siècle, par l’Église latine, de la mention « et du Fils » pour dire que l’Esprit procède du Père et du Fils – qui ex Patre Filioque procedit. Ce différend avec l’Église orthodoxe consomma la rupture en 1054 entre les deux poumons de l’Église chrétienne. La question posée est celle de la communion en Dieu entre les trois personnes divines, l’Orient insistant plus sur le Père comme seule source, principe sans principe, et l’Occident insistant sur l’amour mutuel du Père et du Fils comme source du Saint-Esprit. Si l’Écriture dit que l’Esprit procède du Père (Cf. Jn 15,26), Jésus qui est le Fils dit qu’il enverra l’Esprit (Cf. Jn 16,7). On peut compléter par la formule de saint Augustin qui faisait face à l’hérésie arienne disant que l’Esprit se présente comme « lien d’amour » entre le Père et le Fils.
Il est utile de rappeler que nous croyons en un seul Dieu en trois personnes. Notre Dieu est unique et il s’est révélé comme Dieu trinitaire. Le peuple hébreu le nommait jadis père. Les prophètes avaient annoncé l’envoi de l’Esprit sur toute chair. Cependant, c’est par l’incarnation en Marie du Verbe divin que l’on découvrit que Jésus était le Fils de Très-Haut. Ainsi la Trinité s’est révélée aux disciples de Jésus-Christ et nous proclamons un Dieu unique Père, Fils et Esprit. Ces trois personnes divines forment un seul Dieu, elles sont Dieu toutes les trois, elles ne se confondent pas, elles agissent ensemble car on ne peut diviser Dieu. Maintenant que Jésus est monté au Ciel, c’est par l’Esprit que Dieu agit et soutient notre vie, c’est lui qui répand les dons promis, c’est lui qui est l’amour divin communiqué par les sacrements et tous les canaux que Dieu suscite.
Il est bon et nécessaire d’invoquer souvent l’Esprit Saint. Les catholiques prient lors des messes ou dans leur prière personnelle. Souvent ils invoquent la Mère de Dieu, Marie, car depuis le chant du Magnificat et les nombreuses apparitions mariales, ils la reconnaissent médiatrice de tant de grâces. Elle nous semble proche par son humanité, elle est épouse et mère. Elle souffrit pour son fils, et elle reçut de Lui tous les disciples comme nouveaux fils et filles. Marie nous aide à prier le Saint Esprit. Sa vocation de mère du Sauveur s’est réalisée ainsi à la parole de l’archange Gabriel : « l’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » (Lc 1,35).
La vocation de Marie est de vivre sous la mouvance de l’Esprit, de se laisser habiter par lui en s’abandonnant parfaitement à son action. Son fiat a permis au Saint Esprit de réaliser la promesse du salut par sa coopération. Comme Marie, chacun de nous peut se laisser envahir par l’Esprit en le sollicitant et s’offrant à son action divine pour le bien de tous et de l’Église. L’Esprit réalise en nous son œuvre d’amour. Il est une personne divine toute spirituelle que les artistes ont souvent erronément représenté à la manière d’une colombe. Il désire se faire connaître, afin d’entrer en relation avec chacun, nous parler et nous inspirer. Nous pouvons lui parler comme on parle à un ami extrêmement cher.
Les dons divins ne sont pas limités. Dieu passe par des voies multiples pour nous soutenir, et certaines nous échappent absolument. Dieu souhaite faire connaître Jésus et sa parole. Pour autant il n’abandonne pas ceux et celles qui n’ont pas reçu de l’Église la connaissance de sa venue et du salut. Il les soutient dans l’attente que des chrétiens missionnaires aillent vers eux. Parmi les dons de l’Esprit, nous devons parler des charismes. Saint Paul développe de manière éminente l’existence des charismes dans sa première épître aux Corinthiens (1Co 12-14). Il donne une définition par cette affirmation théologique : « À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien » (1Co 12,7). Il s’agit clairement d’un don gratuit et immérité, fait à toute personne, dont la visée est le bien commun, c’est-à-dire le bien de tous et de chacun, aucune personne ne devant être mise de côté. Les charismes sont variés, ordinaires ou extraordinaires. Parmi ces derniers se trouvent les charismes du chant en langue, les guérisons ou encore le charisme de prophétie qui consiste à expliciter ce que l’Esprit dit de l’évangile dans le temps présent.
Exercer les charismes appelle un discernement affiné qui ne peut pas être réalisé par la personne elle-même qui exerce ces charismes mais par la communauté des fidèles. Un critère de ce discernement est la qualité du bien recherché et la communion entre les frères. Le charisme doit être soutenu par la parole proclamée, il ne pourrait pas la contredire. Au chapitre treize de son épître, Paul donne le critère majeur : la charité aussi appelée agape, cet amour divin qui nous est communiqué. Sans amour, les prophéties, les paroles et les actes posés seraient vains et pourraient même être manipulés par le diable toujours prompt à détourner le zèle des croyants pour sa cause maléfique. Ceux qui discernent doivent eux-mêmes avoir une vie spirituelle portée par une prière intense et quotidienne afin de demeurer dans l’humilité et être pleinement au service de l’Église. L’humilité consiste à accepter les charismes que l’Esprit nous donne et à les exercer sous l’autorité fraternelle des pasteurs et de la communauté car il en va du bien commun et du développement de la mission vers ceux qui ne connaissent pas encore Dieu. Les charismes sont donnés au service de la mission d’évangélisation. Ils sont pour tous au service de tous. Jésus disait que si les disciples « se taisent, les pierres crieront » (Lc 19,40). Ne pas exercer les charismes, c’est au fond contrister l’Esprit.
Ce dimanche, nous vivons tels les apôtres en prière au Cénacle. Notre Cénacle, c’est notre communauté ecclésiale, notre mouvement ou encore notre maison. Quand nous prions ensemble et que nous demandons que l’Esprit vienne sur nous, nous sommes au Cénacle. Nous aurons de grands rendez-vous, particulièrement la vigile de Pentecôte à la cathédrale qui rassemblera les fidèles du diocèse pour être renouvelés dans l’Esprit. À cette occasion, près de 170 adultes seront confirmés. Viens Esprit Saint sur ton Église ! Nous pourrons aussi nous retrouver en petits cénacles domestiques dans nos maisons et invoquer le saint Esprit en le suppliant de descendre sur nous, sur nos familles, sur nos équipes et sur nos mouvements ecclésiaux.
Ayons la certitude que l’Esprit de Dieu guide l’Église et nous fait discerner le chemin à prendre. Offrons à l’Esprit notre cœur pour qu’il soit tel un réceptacle capable d’accueillir tous ses dons, et consentant à être rempli de l’amour divin.
Prions maintenant le Père d’envoyer son Esprit puisque Jésus a dit : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Lc 11,13). Alors demandons-lui le Saint Esprit !
Notre Père