Ce vendredi, pour beaucoup de personnes, il y a un pont qui permet de se reposer, même si nous n’oublions pas ceux et celles qui travaillent à notre service dans ces métiers qui ne s’arrêtent jamais comme les soignants. Je remercie ceux qui veillent ainsi sur nous. Cependant, le repos ne peut pas dire vivre sans Dieu ! Car Dieu ne dort jamais. En effet, si l’homme est appelé à se reposer le septième jour, c’est pour demeurer en présence de Dieu, un peu comme les disciples de saint Jean le Baptiste qui interrogent Jésus sur son lieu de vie : « où demeures-tu ? » et qui, à son invitation « venez et voyez », le suivent une journée entière. « Ils demeurèrent avec lui ce jour-là ». Moi-même, accompagnateur heureux de couples au sein du mouvement des équipes Notre-Dame, j’entends que lors des vacances le rythme de vie change et il devient plus difficile de mettre en place un temps avec le Seigneur afin de méditer la Parole de Dieu, prier le chapelet ou encore faire une visite au Saint-Sacrement dans l’église proche. C’est d’ailleurs là mon expérience personnelle. Les semaines de travail sont denses mais elles sont rythmées et on y insère plus aisément les rendez-vous spirituels à condition de le décider. Dès le matin, il est possible de chanter notre louange et de prier un moment avec Jésus. Le mois de mai est consacré à la Vierge Marie, c’est le mois des roses et le rosaire se veut être une couronne de roses offerte à Notre-Dame. Avec elle, nous prions pour l’élection du futur pape qui aura la lourde charge de garder la foi de l’Église et sa communion. Le conclave a commencé ce 7 mai, et il devrait durer quelques jours.
Le temps pascal est orienté vers la Pentecôte, afin de recevoir à nouveau la puissance d’amour du Saint-Esprit. Nous nous mettons à son écoute et nous sollicitons ses dons. Au sein de nos communautés paroissiales, les néophytes baptisés à Pâques doivent être soutenus et les confirmands encouragés afin de devenir témoins du Royaume de Dieu. Les enfants qui feront leur première communion ont besoin d’être enseignés sur Jésus, sur la messe, sur l’adoration véritable, car ils sont souvent nombreux à recevoir l’hostie sans discerner réellement la présence divine. Répondre amen ne suffit pas, il s’agit d’entrer dans le mystère célébré et cela demande une certaine maturité spirituelle que certains enfants ont tôt, comme le bienheureux Carlo Acutis bientôt canonisé, mais ce n’est pas toujours le cas. À cause de leur innocence, la faute ne peut leur être attribuée mais il incombe à ceux qui les préparent de les enseigner avec patience et de leur proposer la première communion sans précipitation. Pourquoi ne pas organiser la visite d’une église en leur présentant le mystère de la foi par la découverte des objets de culte, de l’autel et de l’ambon, du tabernacle, des statues des saints, avec une visite de la sacristie où sont conservés les beaux calices, les patènes et ostensoirs ainsi que les livres liturgiques ? Cela contribuera à faire entrevoir aux enfants l’importance de l’eucharistie et de la communion. Soyons zélés pour eux afin qu’ils ne reçoivent pas le Christ sans discerner la grandeur de l’acte qu’ils vivent dorénavant devenant la demeure de Dieu.
L’eucharistie du grec « remerciement » n’est pas le mot retenu par les apôtres pour le mémorial de la cène que Jésus leur commande de célébrer, on parle en réalité de la « fraction du pain ». Dans les Actes des Apôtres, on trouve cinq versets nommant la fraction du pain.
Commençons par les deux premiers qui parlent avec détail de la vie commune des disciples. Citons celui-ci : « Ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. » (Act 2,42) Nous voyons que l’enseignement est nommé en premier, il se fonde sur ce que les apôtres transmettent sur la vie de Jésus et ses propos. C’est le début du Magistère, la voix autorisée de l’Église qui, comme Jésus ne cesse de le faire, enseigne le contenu de la foi et précise son application par de justes mœurs. Au chapitre 5 des Actes, on lit que Pierre et les apôtres sont délivrés d’une prison par un ange qui les envoie enseigner au Temple de Jérusalem avec comme consigne de « dire au peuple toutes les paroles de vie » (Act 5, 20). Quelles sont donc ces paroles de vie ? On peut affirmer que pour Paul, il s’agit de l’enseignement que lui-même reçut des apôtres à Jérusalem après sa retraite de trois années en Arabie (Cf. Gl 1,17-18). Il affirme que Jésus accomplit les écritures des prophètes, qu’il est le messie mort et ressuscité. Pour les Pères de l’Église, ces paroles de vie sont celles de la vie révélée en Jésus-Christ et du salut annoncé à tous. Saint Jean Chrysostome commente ce passage en disant que ces paroles de vie ne sont pas de simples paroles, mais celles qui donnent la vie, qui suscitent la foi, qui conduisent à la résurrection et qu’il faut transmettre à chacun.
Puis on lit encore dans les Actes : « Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans leurs maisons, prenaient leur nourriture avec allégresse et simplicité de cœur. » (Act 2,46). Ici, on ne parle pas exactement de la fraction du pain, mais de rompre le pain. L’expression pourrait désigner un simple repas partagé, mais la précision « prendre la nourriture avec allégresse » permet d’émettre l’hypothèse qu’elle fasse référence au geste de Jésus lors de la sainte Cène. Jésus demanda aux apôtres de prolonger en mémorial : le même acte sacrificiel continue donc par la liturgie dans ces maisons, des « églises domestiques » qui préexistèrent aux églises construites, en raison des persécutions. On note que la joie est partagée par tous, elle est un fruit du Saint-Esprit, elle est d’ailleurs un commandement « soyez toujours dans la joie ! » (1Th 5,16).
Vient ensuite un troisième passage intéressant qui place la fraction du pain le « premier jour de la semaine », soit le jour de la Résurrection que les chrétiens appelleront plus tard le jour du Seigneur, en latin dies domini traduit en français par dimanche. Voici ce que dit saint Luc : « Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain. Paul s’entretenait avec eux, et, comme il devait partir le lendemain, il prolongea son discours jusqu’à minuit. » (Act 20,7). Paul continue donc l’œuvre d’enseignement, afin que tous soient instruits des mystères de la foi, particulièrement l’incarnation du Verbe divin en Marie, la mort et la résurrection de Jésus. Ainsi tout disciple, et je pense aux chrétiens d’aujourd’hui, s’instruit dans le but de transmettre à son tour ce qu’il a reçu et former ceux qui viennent vers l’Église attirés par son message de salut et de paix. Cela est urgent pour faire face aux contradictions de la société et à sa culture de mort, à la poussée prosélyte de l’Islam qui cherche à anéantir la révélation chrétienne du Dieu Trinité et du salut pour tous et surtout pour répondre positivement aux interrogations des nouveaux convertis au Christ qui arrivent dans l’Église catholique.
À ce stade du récit des Actes, il est dit que Paul enseignait tard le soir et un enfant, assis au bord d’une fenêtre s’endort, tomba et mourut. Paul le ramena à la vie par un acte de foi extraordinaire au nom de Jésus, ensuite il rompit le pain comme le rapporte le texte : « Il remonta, rompit le pain et mangea, puis il parla longuement encore, jusqu’à l’aube. » (Act 20,11) Doit-on rêver de prédications qui durent des nuits entières ? Paul semble être un prédicateur infatigable. Il établit un lien direct entre l’écoute de la Bonne Nouvelle et le salut, ainsi aux Corinthiens écrit-il : « Je vous rappelle la bonne nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu ; c’est en lui que vous tenez bon, c’est par lui que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants. » (1Co 15,1-2)
Mes amis, c’est à nous que Paul parle aujourd’hui, il nous demande de recevoir et de mémoriser la parole pour la transmettre à nos enfants et petits-enfants. L’enjeu est immense car la Parole vivante est la racine de l’arbre par laquelle vient la sève de la grâce. L’arbre ne peut porter du fruit que lorsqu’il est profondément enraciné et irrigué. Cet arbre représente l’Église qui abrite les êtres vivants. Alors il porte des fruits variés et nombreux qui nourrissent ceux qui croient en Jésus.
À la fin des Actes, Paul est conduit enchaîné à Rome pour y être jugé par l’empereur. Le navire qui le transporte est pris dans une terrible tempête mais tous seront sauvés comme Paul les avait prévenus. À bord du navire en perdition, Paul « ayant dit cela, prit du pain, rendit grâce à Dieu devant tous, le rompit et se mit à manger. » (Act 27,35). Était-ce un simple partage de nourriture pour reprendre des forces avant de rejoindre la plage ? Où était-ce la « fraction du pain » ? Cela reste imprécis mais cette nourriture bénie donne du réconfort à tous. Paul sera placé en résidence surveillée et enseignera aux chrétiens qui le visiteront, il écrira quatre lettres remarquables qui sont dans le Nouveau Testament. Finalement il sera condamné et décapité à Rome.
Concluons ce récit qui nous stimule pour prendre au sérieux le don qu’a fait Jésus en partageant le pain et le vin devenus son corps et son sang, tout en saisissant que la Parole accompagne toujours ce geste pour croire en connaissance de cause et comprendre le don de Dieu. Si la fraction du pain est devenue le sacrement de l’eucharistie pour nous soutenir sur le chemin de la foi, la liturgie de la Parole permet au peuple d’être enseigné et de vivre dans la lumière.
Prions encore maintenant pour le futur pape et pour notre Église qu’il guidera. Notre-Père.