Ce jour est appelé fête de la Toussaint. C’est un jour férié en France, pour faire mémoire d’hommes et de femmes remarquables qui ont suivi Jésus-Christ en mettant en pratique l’Évangile selon leurs charismes et leurs talents, dans l’époque qui fut la leur. Ils ont tracé des voies nouvelles dans la lumière du Saint-Esprit pour répondre à son appel et rejoindre leurs contemporains. Ils sont partis en bons disciples de Jésus en quittant ce qui leur était familier. La fraternité ecclésiale fut leur soutien, ils choisirent de tout donner afin d’expérimenter une authentique liberté que les coutumes et les lois ne devaient pas entraver. Ils ont appris des langues nouvelles, ils se sont mêlés à des peuples éloignés en apprenant à partager leur quotidien, ils ont traduit les textes anciens de ces peuples pour en garder mémoire, ils se sont donnés au risque de leur propre vie afin que la Bonne Nouvelle du salut soit connue, afin que ces personnes soient libérées de toute forme de sorcellerie ou d’idolâtrie. Ils ont apporté et partagé cet art de la prière en appelant Dieu notre Père et en faisant connaître sa compassion envers toute personne par le message de Jésus-Christ. Aujourd’hui encore, ce grand élan de sainteté continue partout dans l’Église, des célibataires ou des conjoints se donnent totalement pour le Christ, ils œuvrent pour bâtir un monde nouveau en s’appuyant sur la doctrine sociale de l’Église, en promouvant les grandes traditions spirituelles qui font connaître cet art unique de la prière et de la liturgie, en partant en coopération au service des autres, en suscitant des communautés de vie pour accueillir leurs contemporains. Ils se rassemblent pour écouter le Saint-Esprit qui nous enseigne toute chose et nous conduit à la vérité tout entière au cœur de sociétés où la notion même de vérité est liquéfiée en une multitude d’opinions et d’idéologies sans consistance. Oui, les saints et les saintes apportent au monde un surcroît de lumière. Certains nous éclairent particulièrement par leur enseignement comme sainte Thérèse de Lisieux dont la « petite voie » est, aujourd’hui encore, un trésor pour la vie spirituelle des fidèles. Ils sont nos modèles pour mettre nos pas à la suite de Jésus et donner sens au mot humanité par le partage et l’amour. Si tous les fidèles ne seront pas canonisés par l’Église, chacun d’entre nous est appelé à cette belle vocation à la sainteté que Dieu voit et reconnaît afin que l’Église, Corps du Christ, soit aussi le Peuple de Dieu vivant et joyeux en vue du salut du monde.
Demain, le 2 novembre, est la journée de commémoration de nos proches défunts. Nous prions pour eux et pour leur salut afin qu’ils entrent dans la plénitude de la vision de Dieu dans cet état de paix et d’amour que nous nommons le paradis ou encore le Ciel. Là nous verrons Dieu dans sa gloire parmi les anges et les saints. Là sera achevée notre itinérance humaine pour un avenir éternel. Demain, ceux et celles qui en ont la possibilité se rendront au cimetière comme j’aimais le faire dans la petite ville de Cogolin dans la Var où je fus curé pour bénir les tombes que les familles avaient nettoyées et fleuries pour qu’elles reçoivent dignement l’eau bénite. Ensemble, avec les enfants, nous priions et nous présentions les défunts à la miséricorde divine et chacun en était apaisé. L’Espérance des chrétiens consiste à mettre leur confiance dans les paroles de Jésus qui a promis qu’il préparerait pour chacun de nous une place où nous irions ensuite avec lui reposer. Levons les yeux pour bénir Dieu de nous pardonner nos péchés que nous regrettons et supplions-le d’ouvrir la porte de son Cœur merveilleux afin d’être saisi par son amour. Possiblement parmi ces défunts certains sont des saints que nous ignorons puisque leur vie fut cachée aux yeux des hommes et leur générosité immense est connue de Dieu.
Maintenant, posons-nous la question essentielle, comment être saint ? Chacun s’excuse vite devant cet appel en disant qu’il n’est pas un saint. Quelques-uns pourraient chercher à paraître plus saints qu’ils ne le sont en réalité, mais l’on ne peut tromper les autres longtemps et sûrement pas Dieu. Le Concile Vatican II parle de la vocation universelle à la sainteté des baptisés : la sainteté est possible dans la vie ordinaire par des actes de foi, d’amour et de don de soi. C’est ce que vécut une carmélite comme sainte Thérèse de Lisieux. Elle mit tout son amour dans les petits « riens » de la vie communautaire : ramasser et ranger une épingle perdue par une autre sœur sans qu’elle ne le sache, sourire à une sœur dont les attitudes l’énervaient sans même lui faire remarquer. Saint François de Sales dans un livre célèbre, L’introduction à la vie dévote, affirme le primat de la sainteté dans la vie des laïcs exerçant divers métiers : « Il est une erreur, ou plutôt une hérésie, de vouloir bannir la dévotion de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du foyer des gens mariés. Partout, et en tout état, la dévotion peut être aimée ». Il ajoute : « Ne cherchez point une dévotion qui vous oblige à quitter vos occupations. La véritable dévotion n’est point dure ni austère, mais douce et suave. Elle ajuste nos actions aux devoirs de notre état et sanctifie chacune de nos occupations. » En 2018, le pape François publiait une exhortation apostolique , Gaudete et exultate, dans laquelle il insiste sur le rôle central du Saint-Esprit qui guide chaque personne qui le recherche dans son chemin de sainteté. Il rappelle les béatitudes que l’évangéliste Matthieu retranscrit du grand discours sur la montagne de Jésus, comme un chemin privilégié qui prend la couleur de l’amour dans la vie des pauvres de cœur, de la miséricorde pour celui qui pardonne, de la recherche de justice des artisans de paix, de la consolation pour ceux qui pleurent dans la souffrance, et même de la joie et l’action de grâce quand on est bafoué et persécuté à cause de sa foi au nom de Jésus. La sainteté est âpre, car elle ouvre les yeux sur ses propres péchés et nous permet d’en mesurer la gravité. Nous ne serons jamais saints par nous-mêmes, à la seule force de nos efforts. Il est arrivé, à plusieurs reprises au cours de l’histoire que l’ascèse, ou même la mortification soient encouragées. Sainte Thérèse de Lisieux nous ouvre un autre chemin, celui de la « petite voie » qui consiste à se jeter dans les bras de Jésus, son bien-aimé, comme l’enfant dans les bras d’une maman pour s’y blottir et avouer sa petitesse et même ses fautes. J’aimerais vous citer un passage merveilleux qu’elle écrit dans son manuscrit C et qui est la première explicitation de sa découverte : « Oui, je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qu’on peut commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien il aime l’enfant prodigue qui revient à lui… »
Jésus-Christ nous demande d’être des lumières posées sur le lampadaire afin d’éclairer non de notre propre lumière mais de Sa lumière d’amour ceux et celles qui partagent nos vies. Il veut aussi que nous soyons le sel de la terre, de donner goût et fidélité à nos relations fraternelles et humaines. Le Christ en nous est simultanément la lumière et le sel, sans lui nous ne pouvons rien faire. Dans son ouvrage Le Sel de la terre, le cardinal Ratzinger écrivait : « ce dont nous avons réellement besoin, ce sont des gens qui sont intérieurement habités par le christianisme, le vivent comme un bonheur et un espoir et sont ainsi devenus des âmes aimantes. C’est cela ce que nous appelons des saints ». En effet, si la vie du saint est loin d’être une sinécure, si elle est souvent marquée par l’incompréhension ou même le rejet, elle est un bonheur car s’y réalise pleinement ce pour quoi nous sommes créés, être porteur de l’Amour divin et le partager par contagion d’amour. Ajoutons que la sainteté ne peut se vivre sans l’Église qui rassemble la communauté des croyants. La sainteté se partage dans des vies de charité où le service des tables et des pauvres n’exclut jamais la recherche d’intériorité. Les deux, la charité envers les plus affligés et la vie de prière, se coordonnent et se soutiennent pour trouver un équilibre afin de prendre l’envol de la sainteté. Se relier à Jésus-Christ de plus en plus par des longs temps d’oraison nous entraîne vers une ouverture du cœur pour être au service d’autrui. Prendre soin des petits et des malades nourrit notre prière et notre supplication adressée au Christ à qui nous confions ces personnes en désarroi. La sainteté ne met pas à distance des réalités de la vie, au contraire elle ouvre nos yeux et nous dispose au soin et à l’ouverture du cœur. Elle fait de nous des serviteurs. Elle fait mesurer que les hommes et les femmes qui souffrent nous sont donnés comme des visages du Christ lui-même. Saint Camille de Lellis, au XVIe siècle, soignait les moribonds en qui il contemplait le Christ souffrant. Mère Teresa de Calcutta enseignait à ses sœurs de voir Jésus présent en chaque pauvre et de les aimer comme elles l’auraient fait pour leur divin époux.
Nous sommes ainsi en route sur la voie de la sainteté. Êtes-vous disposés à en prendre le chemin ? Cherchez une chose que vous pourriez mettre en place pour avancer, et aussi une autre chose qui pourrait vous retenir sur ce chemin, en commençant par quelque chose de tout petit afin de demeurer dans l’humilité et réussir ce pas. Prions maintenant le Notre Père, merveilleuse prière pour tout disciple puisque Jésus la donne lui-même.
Notre-Père.