#278 « Avec la Pentecôte, serons-nous chrétiens à mi-temps ? »

L’Écriture sainte relie le don du Saint Esprit et le don de la Parole. Le jour de la Pentecôte, nos frères juifs fêtent l’alliance entre Dieu et le peuple hébreu et simultanément le don de la loi soit les dix commandements gravés sur les deux tables reçues par Moïse. Jésus a promis que « L’Esprit de vérité nous enseignerait toutes choses » (Jn 14,26). Il y a là comme un écho aux mots de saint Luc qui écrit que la Vierge Marie gardait en son cœur toutes ces choses (Lc 2,19.51). Ainsi, ces « choses » ne sont pas des objets mais des paroles efficaces et agissantes qui font leur œuvre de transformation dans la vie de ceux qui les accueillent. Or la présence de l’Esprit Saint, c’est-à-dire Dieu lui-même, dispose le croyant à cet agissement transformant de la Parole en lui. Dieu qui a tout créé par sa Parole s’est fait parole humaine pour se révéler lui-même, ce que confirme Jésus quand il dit à l’apôtre Philippe « qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9). Ici le verbe « voir » peut être compris comme le saisissement par tous les sens, tel que Jean l’exprime dans le prologue de sa première lettre « ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie » (1Jn 1,1). N’est-ce pas merveilleux que Dieu ait voulu se dévoiler à nous, pauvres créatures humaines ? Jusqu’alors, que pouvait dire l’homme de Dieu ? Avec Jésus se sont manifestées « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur » (Eph 3,18) de Dieu que les prophètes de l’ancienne alliance ont voulu dévoiler sans le pouvoir, afin que nous entrions maintenant « dans toute la plénitude de Dieu ».

Ce dimanche de Pentecôte, nous demandons un renouvellement de l’effusion de l’Esprit Saint qui illumine notre vie spirituelle afin de réaliser notre vocation d’enfant de Dieu, comme témoin de l’Espérance et de son œuvre de salut. Certains parmi nous aimeraient que Dieu, par l’action de l’Esprit, règle les problèmes matériels auxquels ils font face. J’apprécie l’expression de l’écrivain Éric-Emmanuel Schmitt qui dit que Dieu n’est pas le syndic de l’immeuble, cet homme que l’on ignore la plupart du temps et que l’on sollicite avec impatience lorsqu’il y a un problème de cohabitation dans l’immeuble. Le premier fruit de l’Esprit pour saint Paul est l’amour (Cf. Gl 5,22). L’amour de Dieu ne manque pas à ceux qui le partagent. Une femme iranienne disait que « partager c’est doubler ». Ainsi partager sa joie, sa bonté, son sourire, consiste à les offrir sans les perdre. Cet amour partagé transforme les rapports humains et construit un avenir de paix et d’espérance.

Solliciter et recevoir le Saint-Esprit est une disposition quotidienne pour tout chrétien. « Mettez-vous à mon école, devenez mes disciples » dit Jésus (Mt 11,29). « Demeurez en moi, comme moi en vous » dit-il encore (Jn 15,4) afin d’être témoin de la Parole auprès de toutes les nations. Jésus promet l’envoi du Saint-Esprit pour que chaque baptisé soit disciple et porteur de la Bonne Nouvelle. Au vu des relations entre les nations et des guerres en cours, nous pourrions penser que tout va fort mal. Pourtant, beaucoup de pays se développent et vivent en paix. Beaucoup de personnes travaillent en vue du bonheur des autres. Ne faut-il pas nous réjouir en pensant au personnel soignant et aux enseignants qui se donnent avec générosité pour nous préserver de la maladie et pour édifier nos enfants ? Pourtant ces métiers ne recrutent pas assez, possiblement parce que leurs conditions de travail sont trop dures, qu’ils ne sentent pas soutenus et écoutés par leur hiérarchie et les politiques, et que leurs salaires ne sont pas proportionnels à l’effort de formation qu’ils ont fait et aux responsabilités qu’ils assument. La présence du Saint-Esprit soutient la communion entre tous, il réconforte ceux qui se donnent tant au point de vivre parfois un burn-out. Pouvons-nous en ces jours de Pentecôte invoquer la puissance de l’Esprit pour ceux et celles dont le travail est si précieux ?

Afin de conserver nos vies en paix et joyeuses, je vous partage les mots de saint Jean que je médite ces jours-ci, le disciple aimé par le maître qui se pencha sur la poitrine de Jésus lors de la Cène pour écouter battre son cœur « brûlant d’amour » comme Jésus le révèlera bien plus tard à sainte Marguerite-Marie Alacoque. Saint Jean partit prier durant de nombreuses années et méditer tout l’héritage reçu de Jésus. Au terme de sa vie, il écrivit « quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur » (1Jn 3,3) puis « quiconque demeure en lui ne pèche pas » (v6) et enfin « quiconque est né de Dieu ne commet pas de péché, car ce qui a été semé par Dieu demeure en lui : il ne peut donc pas pécher, puisqu’il est né de Dieu » (v8). Il est difficile de nous imaginer vivre sans pécher, d’autant que le sage dit que « le juste tombe sept fois, et se relève » (Pv 24,16). Une personne m’avait dit qu’elle péchait tout le temps, ce à quoi j’avais répondu que j’espérais qu’elle ne péchait pas en me parlant ! Non, nous ne péchons pas tout le temps, au contraire nous faisons souvent le bien, nous servons les autres et nous honorons le Seigneur. Certes, nous ne sommes pas exempts de péchés véniels, ces manquements à l’amour quand nous baissons les bras, fatigués. Cependant si nous demeurons en présence de Jésus, ouverts aux œuvres du Saint-Esprit, avec le beau désir de faire le bien et de rendre nos contemporains heureux, alors il est probable, comme le dit saint Jean, que nous ne péchions pas. La vie dans l’Esprit ne peut se mélanger aux obscurités du malin. Dans cette attitude intérieure pleine de foi, nous devenons des témoins contagieux. Cela peut être difficile si nos caractères sont instables ou facilement emportés, mais en cultivant en nous les vertus, en invoquant la force du Saint-Esprit, en accueillant ses dons de conseil, d’intelligence, de force, de piété, de discernement, assurément nous progresserons. En demeurant en lui, nous faisons la volonté de Jésus qui appela les disciples de Jean le Baptiste à demeurer avec lui comme il nous le demande aujourd’hui. Enfin, ce qui est merveilleux, c’est que, si nous péchons, nous avons un défenseur auprès de Dieu. Dieu patiente, car « l’amour prend patience » (1Co 13,4). Ne nous décourageons pas mais aimons ou plutôt laissons consciemment Jésus aimer en nous, afin que notre amour soit destiné à tous les êtres chers qu’il a mis sur notre chemin et ceux avec qui nous partageons notre quotidien.

Pour conclure, j’aimerais vous citer quelques mots d’une jeune confirmante, encore collégienne, qui m’écrit avec sérieux : « n’oubliez pas ce que je viens de vous dire ! » Je ne vous cache pas qu’elle m’a fait sourire vu mon âge en face de sa jeunesse. Mais au fond l’Esprit parle par des enfants, comme il le fit par Daniel qui s’interposa pour sauver l’innocente Suzanne condamnée à mort suite aux faux témoignages de deux vieillards iniques et lubriques. Cette jeune confirmante poursuivait : « Dieu veut que l’on se réveille en 2024. Alors levons-nous et allons crier son nom. Ne laissons pas les âmes courir à leur perdition quand nous avons la solution. Adorons-le, louons-le. Arrêtons de devenir des chrétiens à mi-temps alors que nos ancêtres séparaient la mer en deux. Oui, accueillons le Messie. » Cette courageuse exhortation nous invite à vivre de cette parole de saint Paul : « que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour » (Eph 3,17). Que faire maintenant si ce n’est prier et d’être témoin ?

Seigneur Jésus, tu nous as promis l’Esprit de Vérité, le défenseur et le consolateur. Rejoins nos vies et transforme chacun par une nouvelle effusion de ton Esprit. Que nous soyons porteurs de ta puissance d’amour vers ceux et celles qui l’attendent. Donne à ton Église d’être témoin de ton projet d’amour et de salut. Fais de nous des chrétiens attachés à la Parole et désireux de toujours demeurer dans ton amour.

Notre Père

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