Quelle joie ce fut d’accueillir lors de la célébration de l’appel décisif dimanche dernier soixante et onze adultes qui recevront le baptême à Pâques dans notre diocèse de Chartres. En Eure & Loir, ils étaient trente-huit l’an dernier. Partout en France, nous sommes stupéfaits devant l’augmentation du nombre de personnes qui frappent à la porte de l’Église. Comment l’expliquer ? Certains diront que ces personnes prennent conscience que le moment favorable est venu. D’autres pensent que la Covid a retardé un désir ancien, ou que l’absence de sens dans la société civile pousserait à trouver refuge dans la religion. Ces explications sont trop humaines et rationnelles. Dans les lettres que je reçois, c’est la joie d’une rencontre qui éclate, c’est l’expérience d’une présence, c’est un fait imprévu parfois soudain qui saisit toute la vie de la personne et l’emplit de paix, souvent au milieu d’épreuves difficiles. Jésus frappe à la porte et il se fait connaître par des passages de l’évangile qui arrivent en écho aux besoins de l’âme, paroles consolantes et qui relèvent. Il y a un bouleversement qui conduit à une certitude qui s’exprime par une demande : « je vous demande le baptême ». Il s’agit bien d’une réalité reconnue dans toute la France que l’on peut appeler une effusion de l’Esprit Saint qui descend sur ces hommes et ces femmes qui vivent dans le monde. Certes, leurs histoires sont très diverses. Ô comme il est grand le Mystère de la Foi quand je lis avec émotion ces lignes écrites parfois avec hésitation tant elles cherchent à dire une réalité qui dépasse les mots car elle vient du fond du cœur. Voici quelques phrases glanées dans les lettres : « Je me suis senti au plus proche de Jésus », « je me suis tournée vers Jésus et une sorte de paix a rempli le cratère que j’avais dans le cœur, aussi un immense amour paternel. Je l’aime tellement si vous saviez ! », « je n’arrive pas à rater les messes », « il m’est impossible d’imaginer vivre ma vie chrétienne sans ces sacrements qui sont si importants à mes yeux », « quelle joie de voir qu’on loue le Seigneur, qu’on est comme une famille et que surtout nous ne sommes plus seuls », « Dieu est devenu un ami cher à mon cœur ». La réponse que j’adresse est bien partielle face aux attentes de ces catéchumènes. Ils sont les futures pierres vivantes, membres de nos communautés chrétiennes. Attendez-vous à ce que leurs demandes nous bousculent. Ouvrons-leur nos bras pour les embrasser et offrons-leur notre siège pour qu’ils se sentent vraiment accueillis.
Le carême est leur dernière ligne droite avant le baptême qui leur sera conféré lors de la Vigile pascale avec les sacrements de la confirmation et de l’eucharistie. Ce carême peut être le temps d’un combat puisque le démon tentera de leur faire abandonner un si beau projet. Il leur montrera leur indignité et leur fera croire en l’absence de sens de ce parcours. Il cherchera à les éloigner de la communauté paroissiale qui les accompagne. Il tentera le tout pour le tout pour les décourager. Mais nous connaissons sa ruse grossière et nous prions pour chacun de nos catéchumènes. S’il-vous-plaît, priez car c’est leur salut qui est en jeu. Entourons-les de notre présence, offrons-leur de notre écoute, montrons-leur qu’ils comptent pour nous, particulièrement lors des trois scrutins au sein de la messe dominicale qui sont des exorcismes pour fortifier leur détermination et arracher ce qui reste du vieil homme et du mal en eux. Ces scrutins ont lieu le troisième, le quatrième et le cinquième dimanche de carême. Ils concernent toute la communauté paroissiale qui accompagne ces nouveaux frères et sœurs dans l’Église.
Chacun de nous a commencé le carême avec quelques déterminations. Vous savez que les bonnes résolutions sont difficiles à tenir. L’important est ce jour, c’est-à-dire maintenant. Comment vivre en vérité la journée qui s’offre à moi ? Comment est-ce que je commence dès le matin à envisager ce que je choisis d’être et de vivre ? Un sourire orne-t-il mon visage en pensant au Seigneur et aux personnes que je vais rencontrer ? Ai-je prévu le temps d’une prière, d’une lecture des évangiles, d’une louange ou suis-je déjà en retard et donc impuissant pour offrir à Dieu ma prière ? Une belle homélie du IVe siècle qui parle de la prière affirme : « la prière est la lumière de l’âme, la vraie connaissance de Dieu, la médiatrice entre Dieu et les hommes. Par elle, l’âme s’élève vers le ciel et embrasse Dieu dans une étreinte inexprimable. Car la prière se présente comme une puissante ambassadrice, elle réjouit, elle apaise l’âme. » Y-a-t-il une chose de plus de valeur que ce moment d’échange avec Dieu ? La prière est un bien qu’il faut saisir pour éclairer de l’intérieur notre personne et se présenter devant les autres. Nous devons tous la choisir chaque jour. Nous engager avec fidélité et constance pour ne pas manquer ce rendez-vous, puisque la volonté est le moteur de l’élan d’amour offert au Seigneur.
Vous savez combien la parole de Dieu est le centre de la vie du chrétien. Elle instruit, mais surtout elle donne vie. La Maître se fait présent à qui l’écoute dans sa prière et parle en son cœur. Saint Éphrem, un diacre syriaque et docteur de l’Église ayant vécu au IVème siècle, reconnu pour la sagesse de ses écrits et la beauté de ses poèmes, dit : « qui est donc capable de comprendre toute la richesse d’une seule de tes paroles, Seigneur ? Ce que nous en comprenons est bien moindre que ce que nous en laissons, comme des gens assoiffés qui boivent à une source. » Il reconnaît que Dieu « dans sa Parole, a caché tous les trésors pour que chacun de nous trouve une richesse dans ce qu’il médite. » L’expérience faite par ceux qui méditent les textes bibliques est qu’en jaillissent quotidiennement de nouvelles perles, des trésors qui adviennent à la conscience pour nous parler aujourd’hui. J’aimerais connaître votre expérience de ce jaillissement de sens. Saint-Paul écrit que le glaive de l’Esprit est la Parole, ce qui affirme la puissance non pas du texte mais de celui qui parle au travers du texte. Alors elle devient une source jaillissante en vie éternelle, une Parole qui se fait eau vive et qui désaltère définitivement celui qui la boit.
Ce dimanche sera proclamé l’évangile de la transfiguration. Jésus sait qu’il monte vers sa passion, que les autorités juives cherchent à le faire mourir, que sa mort sera prochaine et infâme, il l’a annoncée aux apôtres et ceux-ci semblent ne pas comprendre, même Simon-Pierre s’est opposé violemment à la seule pensée de ce supplice. Aussi, choisit-il de les conduire en haut d’une montagne que la Tradition reconnaît être le Mont Thabor, il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean. Devant eux il est transfiguré, son visage devient blanc et ses habits resplendissants. Une voix se fait entendre, nettement, comme ce fut le cas lors de son baptême par Jean le Baptiste trois années plus tôt « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » (Mc 9,7) Après la surprise et l’effroi, les trois apôtres imaginent rester là en présence d’Élie et Moïse dont ils ont une apparition mais Jésus leur demande de redescendre dans la plaine tout en taisant la vision qu’ils viennent d’avoir.
Reconnaître Jésus et l’écouter, voici l’appel final de l’évangile. Toute la Bible invite à écouter Dieu. Sommes-nous disposés à prendre du temps en nous mettant à l’écart ? L’écouter vraiment nécessite d’être dans le silence. Est-ce possible aujourd’hui, quand et où ? L’évangéliste Matthieu dans son évangile ajoute ces mots « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie » (Mt 17,5) Au sein de la Sainte Trinité s’échange un amour parfait, source d’une joie infinie. L’un par l’autre, ou encore l’un dans l’autre, le Père éternel et le Fils s’échangent une joie merveilleuse à laquelle ils nous invitent. C’est par le Fils que nous avons connaissance du salut et du partage de la vie divine pour tout baptisé par les sacrements et la Parole. À notre tour, nous sommes destinés à vivre la joie divine en accueillant Jésus en notre vie simple et humaine, au sein de nos activités et de nos rencontres. Se mettre en présence de Jésus était l’un des thèmes traités dans un précédent message, essayons d’y penser particulièrement au travail et dans les lieux où Dieu est mis dehors de tout échange afin de le porter en soi, dans le cœur, et que sa présence jaillisse de nous telle une transfiguration, certes modeste mais bien réelle. Nous illuminerons la société des hommes comme saint Paul l’affirme : « vous brillez comme les astres dans l’univers en tenant ferme la parole de vie (Philippe 2,15) ».
Prions ensemble pour l’Église et nos catéchumènes.
Dieu, Toi qui es le créateur du genre humain et veux en faire une création nouvelle, regarde avec amour tes enfants d’adoption : par l’Alliance nouvelle, fais-les entrer dans l’humanité nouvelle; devenus enfants de la Promesse, qu’ils aient la joie de recevoir par grâce ce que la nature ne pouvait leur donner. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Notre Père.