Le mot Épiphanie signifie manifestation. Dimanche, nous rappellerons la manifestation de Dieu faite à des mages venus d’Orient, guidés par une étoile jusqu’à la crèche à Bethléem. Ces savants, qui pratiquaient la science de l’observation des astres, particulièrement développée dans leur Mésopotamie originelle, sont avant tout des chercheurs et c’est bien la curiosité qui les a motivés. S’appuyant sur l’étude de textes anciens, ils ont compris qu’ils partaient à la rencontre d’un roi annoncé comme messie par le peuple hébreu. Il convenait d’apporter des présents pour l’honorer, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. L’or pour la royauté, l’encens pour le culte et la myrrhe pour l’inhumation, des présents de grande valeur. Par égard pour le pouvoir en place, ils font halte à Jérusalem pour saluer Hérode le Grand, homme puissant et malveillant, qui leur demande de venir le revoir au retour afin qu’il aille à son tour se prosterner devant celui qui vient de naître. Or nous savons qu’ils n’en feront rien, bien trop sages pour être naïfs devant cet homme dont on connaît l’esprit jaloux et anxieux qui fit assassiner ceux dont il craignait le pouvoir. Si l’évangile de Matthieu dit que ces mages viennent d’Orient et ne précise pas leur nombre, la tradition s’est enrichie au cours des siècles pour affirmer qu’ils étaient trois, venus de trois continents, leur donnant les noms de Balthazar, Melchior et Gaspard. Les peintres européens ont peint cette visite à l’enfant Jésus de multiples façons, n’hésitant pas à les revêtir de soieries incomparables et à les affubler d’une suite nombreuse de serviteurs, chevaux et dromadaires. Sur les premiers sarcophages paléochrétiens, ils sont plus sobres, affublés d’un bonnet phrygien, parfois au nombre de quatre. À travers la figure de ces mages, Bethléem et la crèche deviennent un lieu ouvert à tous, aux peuples de toutes cultures, aux pauvres et aux riches. C’est une mise en scène inventée par saint François d’Assise qui propose la découverte et la contemplation de cet enfant Jésus pour ceux et celles qui ont un cœur ouvert à la rencontre. Chacun peut se reconnaître dans ces personnages et comprendre que Jésus n’espère pas nos biens et nos richesses, mais notre amour et notre reconnaissance.
Ce message est le premier que je vous adresse en 2024, aussi je vous souhaite une belle année en quête de sainteté. À Chartres, nous préparons le jubilé de la cathédrale, en mémoire des 1000 ans de la crypte où les pèlerins prient Notre-Dame-sous-terre. Ce jubilé commencera le 7 septembre 2024 et durera jusqu’au 15 août 2025. Comme les mages, vous serez nombreux à venir en notre cathédrale où nous espérons des visiteurs de tous les pays, pour prier le Seigneur et demander l’intercession de la Mère de Dieu. Devant nous, il y a huit mois pour construire ce projet avec les nombreux fidèles qui composent six commissions pour structurer ce projet. Nous chercherons à accueillir toutes les demandes de visites spirituelles, à valoriser la beauté de ce lieu, à y favoriser une vie d’adoration intense, à faciliter les célébrations pour les groupes. La musique et le chant auront une place privilégiée. Ceux qui ont bâti cette église ont voulu manifester la place singulière de la Vierge Marie qui nous présente son Fils Jésus et qui nous introduit dans le mystère de l’incarnation, c’est-à-dire la proximité de Dieu fait homme, l’amour inconditionnel pour chacun, la miséricorde pour les pécheurs, l’appel à porter ce message aux nations. Si ce jubilé s’appuiera sur diverses formes de piété populaire, les organisateurs désirent que chacun reparte fortifié afin de vivre en relation avec le Christ. Pour cela, la démarche jubilaire aura pour but la rencontre avec Dieu, par l’écoute des évangiles, par la méditation des psaumes, par l’adoration silencieuse, par la réception du pardon sacramentel, par l’explicitation du mystère de la foi sous forme de brèves catéchèses, par des rencontres avec des témoins de la foi. Prêtres, diacres et équipes de fidèles seront disponibles pour écouter et répondre à ces attentes. Pour le père Emmanuel, recteur de la cathédrale, le souhait est que chaque visiteur devienne pèlerin et découvre la présence de Celui qui vient parmi nous, Jésus.
En cette nouvelle année, nous continuerons dans chaque communauté la mise en valeur de nos saints locaux. Je me réjouis de voir des paroisses remettre au goût du jour telle fête patronale et organiser des pèlerinages locaux, en faisant découvrir la vie et l’enseignement de ceux et celles qui nous ont précédés dans la foi et qui nous inspirent. Sur le site du diocèse de Chartres sont décrits des parcours à vivre en famille, à pied ou à vélo autour d’une église ou d’un petit sanctuaire à découvrir.
Pourquoi insister sur la vie des saints ? Ils ont enseigné, construit, soigné, protégé, prié et nous ont laissé un trésor spirituel sans équivalent. Pensons aux Pères de l’Église, dont de nombreux textes sont édités dans l’édition Sources Chrétiennes et qui offrent aux lecteurs une littérature spirituelle merveilleuse. Les saints nous ouvrent le chemin du Ciel tout en étant profondément ancrés dans la réalité de la vie terrestre, souvent inquiets du sort de leurs contemporains, œuvrant pour apporter des soins et l’éducation. Dans nos sociétés, le bonheur est présenté comme un dû et sa quête prend de nombreuses formes marchandes. Nos politiques sont sommés de satisfaire à cette requête. Or en tant que catholiques, si nous sommes heureux d’accéder à un certain bonheur, notre vocation est la sainteté plus que le bonheur. Nous sommes appelés à la sainteté par le fait même d’être baptisés. Certains ont peur de la sainteté car ils cultivent l’idée qu’il leur faudra souffrir. La sainteté est la réalisation de notre raison même d’exister, le but de la suite du Christ, la forme la plus digne de la vie humaine. Certes, elle suppose des choix, des engagements, une fidélité exigeante, des sacrifices par amour de Dieu comme aimer ceux qui ne nous sont pas aimables. Elle a comme fondation une vie de prière et de méditation des saintes écritures. Elle refuse le mal et cherche la vertu. Elle sourit devant l’adversité et répond à toute violence par des actes d’amour et d’espérance. Pour en saisir les contours, relisons le « discours sur la montagne », soit les chapitres 5 à 7 de l’évangile de saint Matthieu. La sainteté réalise la charité envers le prochain, car nul ne peut prétendre aimer Dieu s’il n’aime pas les autres. Contempler Jésus prenant soin des malades et des pauvres est inspirant pour celui qui choisit la sainteté comme but de sa vie. Dans nos églises, si nous valorisons ces saints par exemple en nettoyant nos belles statues et en ajoutant un texte explicatif de leur message, cela ne vise pas à repartir dans l’histoire ancienne. Au contraire, il s’agit de construire un avenir et d’en prendre le chemin avec détermination. Nous aurons à cœur de faire vivre ce chemin aux enfants qui aiment les belles histoires spirituelles. C’est pourquoi, j’encourage les parents à aider leurs enfants à découvrir la vie des saints, à connaître par cœur les prières essentielles de la vie spirituelle que ces saints ont pu composer, par exemple en en apprenant une par semaine et en les faisant réciter régulièrement sous forme de jeu. Ainsi acquerront-ils pour leur vie entière des fondations sur lesquelles ces enfants devenus grands s’appuieront dans leurs joies et leurs épreuves. Si vous pensez que cela est exigeant, dites-leur que l’amour est exigeant et que par amour de Jésus, leur effort apportera un bienfait plus tard pour eux, pour l’Église et pour le monde. J’ai souvent constaté la fierté des enfants quand ils connaissent par cœur un texte et que nous leur disons notre admiration. Pour être saint, « priez sans cesse » est-il écrit. Avec le temps, chacun de nous apprend à le faire de manière personnelle et inspirée par l’Esprit. Comme la Vierge Marie le fit avec le Magnificat, chacun puisera dans ses acquis les ressources pour créer et dire à Dieu ce que son cœur veut lui exprimer. Cela ne peut se faire sans l’apprentissage. La Vierge Marie connaissait sûrement les 150 psaumes que son peuple priait souvent à la maison comme à la synagogue.
Je conclue ce message avec une pensée pour toutes les familles, puisque le dimanche 31 décembre, nous faisions mémoire de la Sainte Famille, Joseph, Marie et leur enfant Jésus. Dimanche prochain, nous verrons la sainte famille être visitée par les mages. La famille est aimée par Dieu qui la soutient de sa grâce l’invitant à s’ancrer dans la prière et le dialogue. Certes, toutes n’ont pas une vie facile, certaines sont brisées et des parents seuls élèvent courageusement leurs enfants, d’autres se sont recomposées et demeurent fidèles à la grâce du baptême par une vie évangélique de prière et de service. Heureusement beaucoup de familles fondées sur le sacrement du mariage sont fidèles aux exigences de leur engagement définitif, au service de la vie, de leurs enfants, de leur communauté locale et de la société. Le sacrement trouve sa force dans la présence de Dieu qui est d’autant plus efficace quand elle s’ancre dans une prière conjugale quotidienne. Celle-ci est un socle pour la communion des époux qui se renouvelle à chaque eucharistie et dans le sacrement du pardon. Ici, plus qu’ailleurs, la vocation au mariage est liée à la vocation à la sainteté, comme saint Louis et sainte Zélie Martin en témoignent. En cette nouvelle année, notre diocèse de Chartres portera en avant la mission des couples-missionnaires pour les soutenir dans leur vie conjugale et parentale afin qu’ils soient les témoins de la grâce divine pour les fiancés, pour d’autres couples qui demandent un baptême, pour certains qui font face à la maladie ou le décès d’un proche. Tous ensemble, ils tendent à former un réseau d’amitié et d’entraide. Vous qui lisez ces lignes, n’hésitez pas à contacter la mission couples et familles pour prendre place au sein de cette fraternité.
Maintenant, prions un moment ensemble, afin que la joie soit donnée à tous en reprenant un extrait d’une prière du pape Benoît XVI donnée en 2007.
Toi qui es la Vérité même, en tant que Révélateur du Père, éclaire nos esprits avec ta Parole ; aide-nous à sentir la beauté de croire en Toi. Reste dans nos familles, éclaire-les dans leurs doutes, soutiens-les dans leurs difficultés, réconforte-les dans leurs souffrances et dans la fatigue de chaque jour, lorsque, autour d’elles, s’accumulent des ombres qui menacent leur unité et leur identité naturelle. Toi qui es la Vie, reste dans nos foyers, afin qu’ils continuent à être des nids, où la vie humaine naisse généreusement, où l’on accueille, l’on aime et l’on respecte la vie de sa conception à sa fin naturelle. Reste, Seigneur, avec ceux qui dans nos sociétés sont les plus vulnérables ; reste avec les pauvres et les humbles. Reste, Seigneur, avec nos enfants et avec nos jeunes, protège-les des nombreux pièges qui menacent leur innocence et leurs espérances. Ô Bon Pasteur, reste avec nos personnes âgées et avec nos malades. Fortifie-les tous dans la Foi afin qu’ils soient Tes disciples et missionnaires. Ainsi soit-il.