De retour de notre assemblée plénière de la Conférence des Évêques de France, porté par la joie et la fraternité partagées entre nous, je commence ce message et, une fois n’est pas coutume, je vous donne un texte qu’un prêtre a prié ce soir à la tombée de la nuit en face de la grotte où la Vierge Marie apparut à sainte Bernadette. Cette méditation nous invite à prendre conscience de notre mission. Nous savons que la grâce divine précède tous nos efforts, nos actions et nos tentatives de devenir saints. Si certains chrétiens dans le passé, tel l’ascète breton Pélage – qui donna son nom au pélagianisme – affirmaient erronément que l’homme libre obtient son salut par ses propres efforts et ses vertus, nous savons que la grâce fait tout en nous, et que notre chemin de sainteté consiste à l’accueillir et à mettre notre volonté au diapason du désir de Dieu. Le salut est le fruit du sacrifice de Jésus, il est un don de vie à recevoir, nous pouvons nous faire capacité pour nous laisser remplir par la grâce, c’est elle qui peut tout pour nous soutenir ici-bas et nous ouvrir le chemin du Ciel.
Oui « tout est grâce » dira sainte Thérèse de Lisieux. « Tout est donné » à qui s’ouvre de tout son cœur à la puissance de l’Esprit. Le Seigneur est venu pour les petits et les malades car il sait qu’ils oseront lui faire toute confiance. Aussi, je vous propose ce texte telle une prière faite à Dieu.
« Seul Dieu peut donner la foi, mais tu peux donner ton témoignage.
Seul Dieu peut donner l’espoir, mais tu peux apporter la confiance à tes frères.
Seul Dieu peut donner l’amour, mais tu peux enseigner à l’autre à aimer.
Seul Dieu peut donner la paix, mais tu peux promouvoir l’unité.
Seul Dieu peut donner la force, mais tu peux soutenir un frère découragé.
Dieu est la voie, mais tu peux la montrer aux autres.
Dieu est la lumière, mais tu peux la faire briller devant les yeux de tous.
Dieu est la vie, mais tu peux communiquer aux autres le désir de vivre.
Seul Dieu peut accomplir ce qui semble impossible, mais tu peux faire ce qui est possible.
Dieu suffit à lui-même mais il préfère compter sur toi. »
Prenons le temps d’approfondir les affirmations de cette méditation.
N’est-il pas merveilleux de comprendre que le don de Dieu précède, et de loin, ce que nous lui offrons en retour ? Le sacrement du baptême nous ouvre les portes du Ciel et notre vie consiste à nous préparer à voir Dieu, à nous jeter sur son cœur miséricordieux en regrettant nos péchés et en lui présentant nos mains presque vides pour qu’il nous dise d’entrer dans sa joie. Le Ciel est ouvert et nous avons à nous inquiéter de notre réponse pour demeurer en état de grâce.
Donner son témoignage, c’est dire que nous sommes les bénéficiaires de la puissance de l’Esprit. Notre témoignage exprime que l’Esprit nous a saisis et parfois sortis de l’ornière, afin de nous conduire vers la lumière et cela augmente l’espérance de ceux et celles qui nous entendent.
Apporter la confiance : Un témoignage sincère apporte à nos frères et sœurs confiance et réconfort. Car notre témoignage est celui de la pauvreté de nos vies transformées par l’amour de Dieu. Il ne s’agit pas de vies idéalisées comme les réseaux sociaux les présentent. Il s’agit de nos vies, dans la vérité de ce qu’elles sont, et dans la beauté de ce que le Seigneur accomplit en elles.
Enseigner à l’autre à aimer. Au confessionnal, nous faisons l’expérience merveilleuse d’être libérés et allégés de tout ce qui a blessé l’amour en nous et nous repartons avec le désir de proclamer que l’amour est grand et que sans amour, notre vie serait vide. Ici, enseigner peut passer par le témoignage d’avoir été sauvé gratuitement par grâce.
Promouvoir l’unité : comment vivre la communion quand les peuples se font la guerre de manière absurde ? Qui d’entre nous peut arrêter la guerre entre deux pays ? Ni vous ni moi, mais nous pouvons commencer par construire une authentique unité avec ceux qui nous sont proches.
Soutenir un frère découragé : en effet cela est possible par l’écoute et la bienveillance. Aimer n’est-ce pas lui dire qu’il a du prix à nos yeux et que sa vie nous importe ? Comment faire cependant ? L’écouter et marcher avec lui sans lui imposer règles ou conseils, laisser l’Esprit lui inspirer un chemin et entretemps, l’accueillir, lui offrir la chaleur d’une amitié, le bienfait d’une disponibilité sans faille.
Montrer aux autres la voie : quelle voie ? La seule, c’est-à-dire Jésus lui-même qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Certes, nos expériences sont utiles pour indiquer une direction mais le maître c’est Jésus. Après avoir été charpentier, il s’est fait enseignant, écoutons-le.
Faire briller la lumière devant les yeux de tous : qui peut le prétendre ? Jésus seul peut dire « je suis la lumière du monde » (Jn 8,12); saint Paul écrit aux Philippiens qu’ils « brillent comme la lumière du monde » (Ph 2,15). C’est la grâce divine qui nous communique la vie qui permet de briller au milieu de notre société égarée, non de notre propre lumière mais de celle de Dieu que nous réfléchissons par notre charité si nous nous aimons.
Communiquer aux autres le désir de vivre : voici un bel enjeu quand on est tenté de libéraliser le suicide assisté et l’euthanasie. Beaucoup d’adolescents avouent avoir pensé au suicide. Dans la communauté Cenacolo à Lourdes où sont accueillis une trentaine de jeunes hommes saisis par la drogue ou des addictions, l’un d’eux me dit avec pudeur qu’adepte du cannabis, il ne parlait plus avec ses parents, et il ajouta « j’attendais la mort ! ». Aujourd’hui soutenu par la prière, la fraternité vécue dans la maison, l’accueil inconditionnel, l’absence de jugement et le travail au jardin, il est vraiment transformé. Le Seigneur opère de grandes œuvres quand les relations sont cimentées par un amour authentique.
Faire ce qui est possible : voici une belle chose. Alors, laissons le reste entre les mains de Dieu qui appellera d’autres personnes pour accomplir ce qui manque. Bénissons le Seigneur car il compte sur nous, « il compte sur toi » dit la prière de la grotte.
Pour conclure, j’achève ce message par ces lignes sur une figure magnifique française, Madeleine Delbrêl (1904-1964). Née d’une famille peu croyante, c’est une rencontre avec Dieu à l’âge de 20 ans qui bouleverse sa vie et l’oriente vers le service des déshérités après la seconde guerre mondiale dans les banlieues pauvres de Paris. Le pape François l’a donnée comme modèle de sainteté laïque en disant lors de sa catéchèse : « Le cœur toujours en sortie, Madeleine se laisse interpeller par le cri des pauvres et des non-croyants, l’interprétant comme un défi pour réveiller l’aspiration missionnaire dans l’Église ». Il ajoute « Le cœur de Madeleine était constamment en mouvement (…). Elle sentait que le Dieu vivant de l’Évangile doit brûler en nous jusqu’à ce que nous portions son nom à ceux qui ne l’ont pas encore trouvé (…) »
Quels sont les lieux de pauvreté aujourd’hui ? Qui seront ces hommes et ces femmes qui partageront la vie des laissés-pour-compte ? Voici une interrogation forte de la part du Seigneur et si nous ne sommes pas tous appelés à vivre ainsi plongés dans un milieu qui n’est pas le nôtre, comment ensemble, en paroisse et par nos associations pourrons-nous faire ce bien que ces personnes attendent ? Aussi, je vous propose cette méditation de Madeleine Delbrêl, que sainte Thérèse de l’enfant Jésus aura bien reconnue, qui inspirera notre prière : « Chaque petite action est un événement immense où le Paradis nous est donné, où nous pouvons donner le paradis. Qu’importe ce que nous avons à faire : un balai ou un stylo à tenir ; parler ou se taire ; raccommoder ou faire une conférence ; soigner un malade ou taper à la machine. Tout cela n’est que l’écorce d’une réalité splendide, la rencontre de l’âme avec Dieu, à chaque minute renouvelée, à chaque minute accrue en grâce, toujours plus belle pour son Dieu. On sonne ? Vite, allons ouvrir : c’est Dieu qui vient nous aimer. Un renseignement ? Le voici : c’est Dieu qui vient nous aimer. C’est l’heure de se mettre à table… allons-y ! C’est Dieu qui vient nous aimer. Laissons-le faire ! Ainsi soit-il. »