#218 «Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi »

La vie publique est emplie de remous. N’est-ce pas un appel à redoubler de prière en vue de la paix sociale et du dialogue politique ? Si cela s’avère important pour la France, n’est-ce pas aussi nécessaire pour nos foyers, la communion des foyers, les liens avec nos proches ? Prier et parler sont nos armes pour un monde apaisé.

Au cœur du carême, ce quatrième dimanche laisse surgir la joie, celle de la conversion et du partage, celle qui sourd de notre intimité avec Jésus lors de notre oraison personnelle. Le rose des vêtements liturgiques du dimanche de lætare exprime cette joie. Peut-être trouvez-vous que j’insiste trop souvent sur la prière trop souvent ? Cela est vrai car la prière est tellement indispensable ! Elle nous relie à Dieu, elle nourrit notre âme, elle donne à la vie quotidienne sa flamme et son élan. Ne pas prier, c’est perdre rapidement ce lien à Dieu, c’est attiédir notre foi, c’est risquer de ne plus entendre les appels au secours, c’est isoler l’âme de la vie courante. Il est préférable de manger en carême et prier que de jeûner sans prier. La prière est la respiration de l’âme, sans elle, il y a danger de mort spirituelle !

À Houville la Branche, un petit village de la Beauce, à la fin du XIXe siècle, un renouveau spirituel est advenu. Vers 1840 un jeune curé, le père Jacques Mercier, âgé de 23 ans, suscite ce changement et son successeur le père Stanislas Rousseau approfondit cet élan. Puis c’est le père Louis Houze, un breton de Brest, qui exerce son ministère en ce lieu durant 42 années et qui entraîne ce renouveau merveilleux. Il développe de belles liturgies et des groupes de jeunes, des associations et des processions. La conversion d’une fille du pays, Célestine Paragot, en entraîne bien d’autres. Sa foi et sa vie spirituelle édifient de nombreux habitants et membres de sa propre famille. Un fruit direct de ce renouveau de la paroisse est la reprise des vocations consacrées. Au début du XXe siècle, dix garçons du village deviennent prêtres et neuf filles religieuses. On appelle dorénavant ce village « Houville la sainte » ou encore « Houville, l’îlot de sainteté ». Une merveille !

Verra-t-on bientôt un tel surgissement de vocations sacerdotales et religieuses pour le bien de l’Église et l’annonce de l’évangile ? Si tous les baptisés sont appelés à la mission et à l’annonce, les prêtres apportent les moyens de salut par les sacrements sans lesquels nous demeurons vides. L’histoire d’Houville-la-Branche nous enseigne sur ce qui entraîne ces jeunes à s’engager, une vie spirituelle renouvelée et profonde, la priorité absolue de la vie. L’entendons-nous ?

Le carême fait vivre à l’Église la montée de Jésus à Jérusalem pour son ultime Pâque. Nous prions le chapelet qui permet de méditer les mystères de sa vie, aussi j’aimerais réfléchir durant ces prochaines semaines aux mystères du rosaire, depuis les mystères douloureux qui permettent d’accompagner Jésus dans sa marche vers le calvaire, puis les mystères glorieux pour fêter sa victoire sur la mort au-delà de la fête de Pâques.

Le premier mystère douloureux est celui de l’agonie à Gethsémani. Le mot Gethsémani n’est cité que deux fois dans toute la Bible par les évangélistes Matthieu et Marc. Ce lieu est aussi nommé le jardin des oliviers. On en parle comme d’un lieu de trafic et de mauvaise fréquentation, retiré, loin des contrôles policiers romains, là où Jésus et ses disciples allaient de temps en temps à l’abri, un lieu réservé à ceux qui veulent se retrouver discrètement. Seul un membre du groupe révèle à la police romaine où trouver le Nazaréen que le Sanhédrin a décidé de faire mourir. Judas se charge en effet de cette basse besogne, il indique où se trouve son maître, contre la dérisoire somme de trente pièces d’argent, un mois de salaire pour un ouvrier. Quelques heures avant cette arrestation, nous sommes après la cène quand Jésus institue le sacerdoce et l’eucharistie. Maintenant Jésus s’est retiré pour prier le Père dans le secret. « Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : « Asseyez-vous ici, pendant que je vais prier. » (Mc 14,32) La kénose, c’est-à-dire son abaissement, atteint son paroxysme. Il l’avait annoncé : « Lorsque Jésus eut terminé tout ce discours, il s’adressa à ses disciples : Vous savez que la Pâque a lieu dans deux jours, et que le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié. » (Mt 26,1-2) Là, recueilli, Jésus est transpercé en son âme, tout son être entre en souffrance, on rapporte qu’il transpire du sang, phénomène physiologique qui correspond à une angoisse insupportable. Là, il porte le péché du monde, le poids de nos fautes est sur lui, plus qu’un séisme, il est écrasé par nos péchés. Il dit : « Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi » (Mt 26,38). Il se présente au Père Éternel comme l’offrande parfaite, le véritable agneau immolé. Il sait que sa passion arrive, que Judas est en route avec des gardes féroces qui ne sont pas là pour faire dans le détail. En prière, Jésus se tourne vers le Père : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux » (Mt 26,39) Au jardin des oliviers, Jésus est seul, mais il nous porte tous. Il est seul et c’est l’expérience de l’abandon absolu, même de son Père avec lequel il vit pourtant une union parfaite. Les disciples se sont endormis car ils ne peuvent rien faire pour le soulager, ils n’ont pas part à son offrande, plus tard ils s’offriront dans la mission jusqu’au martyre. Pour le moment ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, perdus d’incompréhension. Et « le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. » (1P 5, 8) Ce mystère de l’agonie à Gethsémani ouvre notre marche douloureuse avec Jésus : « si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » (Mt 16,24) Notre chemin est le sien. La foi chrétienne est de suivre un messie crucifié et de dire à Dieu « non pas ce que je veux mais ce que tu veux ».

Le second mystère douloureux est la flagellation. On châtiait sous les coups du fouet, ensemble de lanières en cuir armées de plombs si violemment frappées par l’ardeur du bourreau qu’elles arrachaient les chairs. Cette infâme torture faisait défaillir sous la douleur, et parfois même mourir. Cette peine, Pilate l’ordonne puisque ne voyant rien de mal en cet homme, comme il le dit publiquement, il désire calmer la foule hurlante afin qu’elle ne sollicite pas la peine de mort. Le spectacle attirait les curieux. Mis à nu, ensanglanté et insulté, Jésus n’est plus un homme mais un objet que l’on frappe inlassablement. Comment des hommes peuvent-ils infliger autant de souffrances à d’autres hommes ? Il fallait s’affranchir de tout sentiment et de toute compassion, considérer que le condamné méritait la sentence, que justice devait être exercée, que la société avait besoin d’ordre et que cela y contribuait. Aujourd’hui, tant d’hommes et des femmes sont frappés, subissent les coups et les insultes, le rejet et l’infamie. On torture toujours des êtres humains, on leur arrache leurs vêtements, on les revêt de loques et on se moque d’eux. Le diable rode toujours cherchant vengeance car il connait la victoire obtenue en vue du salut par la mort et la résurrection de Jésus. Il veut se venger sur les enfants des femmes, leur enlever leur progéniture afin qu’elle ne bénéficie pas de la vision de Dieu et de son amour.

Avec ces mystères douloureux, nous parcourons une partie du rosaire. Marie était présente à Jérusalem. Comme son cœur a dû saigner face à l’extrême violence imposée à son fils ! Quand nous prions ces mystères, elle prie avec nous. Elle nous encourage à relever la tête face aux injustices et à contempler son Fils maintenant élevé dans la Gloire du Ciel. Il a parcouru tout ce calvaire en nous portant par avance pour nous sauver et Marie est associée à la rédemption par son fiat qui se prolonge jusqu’à ce que nous soyons tous en Christ. Traditionnellement le fruit du mystère de l’agonie de Jésus à Gethsémani est « la contrition ». C’est cette attitude intérieure qui devant le péché commis nous retourne vers Jésus avec humilité. Le fruit du mystère de la flagellation est « d’avoir confiance en Dieu ». Ce merveilleux fruit change notre vie quand nous osons poser cet acte de confiance. Le Seigneur n’est-il pas à nos côtés ? Ainsi nos vies sont soutenues et nos âmes trouvent force et paix quand nous prions le rosaire et marchons avec Jésus.

Prions maintenant encore l’Angelus, en nous recommandant à la Vierge Marie, comme il est beau de la savoir vivante à nos côtés et désireuse de nous soutenir dans notre chemin de foi et disant en nos cœurs « tout ce qu’il vous dira, faites-le ! »

V. L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie
R/ Et elle conçut du Saint-Esprit.
Je vous salue Marie, ….

V. Voici la Servante du Seigneur
R/ Qu’il me soit fait selon votre parole.
Je vous salue Marie…

V. Et le Verbe s’est fait chair
R/ Et il a habité parmi nous.
Je vous salue Marie…

V. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu
R/ Afin que nous soyons rendus dignes des promesses du Christ.

Prions :
Que ta grâce, Seigneur, se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’Incarnation de ton Fils bien aimé, conduis-nous, par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par le Christ, notre Seigneur.
R/ Amen.

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Je confie mon intention de prière

Votre intention sera confiée à la prière des sœurs de Saint-Paul de Chartres.