Merveilleuse mission que celle des premiers disciples de Jésus, poussés par l’Esprit, osant sortir sur les places publiques pour aller à la rencontre des gens. N’est-ce pas une source d’inspiration pour tout baptisé ? Les apôtres poussés par le Saint Esprit ne vont plus se taire après l’expérience fondatrice de la Pentecôte. Ils transmettent à tous les paroles de Jésus et leur permettent ainsi de devenir disciples. Oui, Jésus attend ce courage et cette audace de la part de tout disciple baptisé.
Parcourons à nouveau ce qui s’est passé après la Passion. Quand Jésus-Christ fut ressuscité, après les quarante jours passés avec les disciples, il leur donna ses ultimes recommandations : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 20) Selon le premier évangile, la transmission des enseignements du maître est le centre de l’action de l’Église qui est envoyée vers tous les peuples. « Faire des disciples », comme Jésus l’exprime, est directement relié à la transmission des paroles et des actions de Jésus. Un disciple n’est-il pas une personne qui écoute et imite un maître ? Aussi, pour transmettre, il faut des disciples nourris de la Parole qu’ils mettent véritablement en œuvre. Comme chrétiens, nous ne pouvons pas nous contenter d’aimer les belles paroles de Jésus, nous devons les mettre en pratique pour que notre maison soit bâtie sur le roc, apte à affronter les vents tempétueux. Dans la vie courante d’une communauté paroissiale, cette transmission se fait de diverses façons, elle est d’une part organisée et elle est d’autre part spontanée. Organisée comme l’est la catéchèse des enfants et des adultes, ou encore l’homélie préparée en priant, spontanée lorsque le chrétien rend compte de sa foi et explicite celle-ci auprès de personnes rencontrées. N’oublions pas encore la transmission par l’étude personnelle de la Bible et des textes du Magistère, particulièrement en ce moment avec les textes du pape François, riches et imagés.
À ce sujet, le pape François insiste dans son exhortation Evangelii Gaudium (2013) sur l’importance de l’homélie et de sa brièveté, moins de dix minutes, idéalement sept ! J’avoue ne pas être le modèle à suivre sur ce point, mes prédications excédant généralement les douze minutes. Quelle est son argumentation ? L’homélie appartient à la liturgie de la Parole, elle fait partie de l’action liturgique et ne doit pas être une conférence ou une leçon de philosophie. Elle doit inclure « une pensée, un sentiment et une image », dit le pape, afin que « les gens ramènent quelque chose chez eux » (discours à l’Athénée pontifical Saint-Anselme à Rome vendredi 20 janvier). Elle est un sacrement dans le sens où elle « peut être une expérience intense et heureuse de l’Esprit, une rencontre consolante avec la Parole de Dieu, source constante de renouvellement et de croissance ». Elle est aussi une « médiation de la grâce ». Aussi doit-elle être préparée dans la prière pour que l’Esprit parle par elle. Elle permet de recevoir et de comprendre la Parole de Dieu proclamée durant la messe afin que les fidèles l’actualisent dans leur propre vie personnelle et ecclésiale. Comme la Parole vient du Verbe divin qui s’est fait chair dans le sein de Marie, la prédication conduit à Jésus-Christ. Jamais le prédicateur ne se situe au centre de son propos, il s’efface. La brièveté de l’homélie permet un juste équilibre dans le déroulé où toutes les parties ont leur place, particulièrement la consécration eucharistique, la prière qui la suit et la communion. En effet, la célébration de la foi est plus importante que les mots d’un prédicateur, si talentueux soit-il.
Or voici que les apôtres ont bénéficié de l’exemple de saint Paul, l’apôtre des nations païennes, qui écrit pourtant qu’il balbutie : « c’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous » (1Co 2, 4). Le 25 janvier, nous avons célébré sa conversion. Paul se prénommait d’abord Saul. Il apparaît pour la première fois dans les Actes des apôtres lors de la lapidation du diacre saint Étienne. Saul est alors un « jeune homme » qui veillait sur les manteaux de ceux qui lapidaient Étienne (Cf. Act 7). Sa participation à ce crime l’encourage à se former comme pharisien à l’école du rabbi Gamaliel. Puis Paul, constatant l’ampleur du mouvement des disciples de Jésus de Nazareth et, considérant cette nouvelle doctrine comme une menace semant le désordre théologique et social dans le peuple juif, met toute son ardeur à arrêter hommes et femmes, pour les faire juger et mettre à mort.
Saul est donc un persécuteur dont le pouvoir s’étendra au-delà des frontières de Palestine. Il a reçu autorité pour aller à Damas continuer son œuvre de purification religieuse. Aux portes de Damas, frappé de cécité, il abandonne sa prétention de justicier et entre dans une expérience inconnue. Il ne voit plus avec les yeux du corps et il devient aveugle spirituellement par la volonté du Seigneur qu’il prétend servir. Sa formation très poussée, sa pratique cultuelle fidèle, sa connaissance des lois directement inspirées, tout cet édifice vacille en lui. Comment est-il possible que le Dieu unique que Paul sert conformément aux commandements de la Torah lui inflige-t-il cette souffrance ? Il redevient un enfant incapable de se mouvoir seul. Il doit apprendre à entrer en relation avec Jésus qu’il ne connaît pas encore personnellement et qu’il persécute en martyrisant ses disciples. « Qui es-tu ? » est la seule question qui sort de ses lèvres bredouillantes. « Je suis Jésus que tu persécutes » lui dit la voix (Act 22, 8).
À Damas, c’est Ananie qui reçoit mission de l’Esprit d’accueillir Saul aveugle, de lui imposer les mains pour lui rendre la vue. « Aussitôt tombèrent de ses yeux comme des écailles, et il retrouva la vue. Il se leva, puis il fut baptisé » (Act 9, 18). Saul devient Paul, un homme re-né en Christ, un être nouveau, celui qui apprendra durant trois années en vivant auprès des apôtres les enseignements que Jésus a confiés à son Église naissante.
Paul réalisera alors que chaque fois qu’un chrétien est exécuté, c’est le Christ qui est personnellement meurtri. L’Esprit lui enseignera que la vie dans la grâce consiste à laisser le Christ vivre en soi, à ne plus conduire soi-même le cours de sa vie mais à demander au Saint Esprit de faire toutes choses en soi. Saul passera de sa volonté propre à une nouvelle obéissance à l’Esprit. Dorénavant Paul se fera pauvre de cœur pour offrir au Christ de prendre toute la place en lui. Ensuite, une vie nouvelle faite de voyages apostoliques commencera, de longs séjours de plusieurs années pour instruire et fortifier les communautés, tout en travaillant comme fabricant de tentes pour avoir un revenu. Lui qui auparavant usait des lettres du Sanhédrin pour réaliser son œuvre de mort contre les chrétiens devient l’écrivain le plus prolixe pour l’Église nous laissant sept épîtres écrites assurément de sa main et d’autres qu’il a dû inspirer à ses propres disciples et que la Bible lui attribue comme une marque de respect. En tout, en comptant l’épître aux hébreux qui est en réalité une homélie, ce sont quatorze épîtres qui sont attribuées à Paul dans le Nouveau Testament. C’est là un héritage de grande valeur théologique et morale, puisque Paul est capable simultanément d’expliciter la doctrine chrétienne et d’encourager à la conversion des mœurs. Dans ces textes, on passe du récit à l’enseignement, de l’exhortation à la prière.
La conversion de Saul est le moment extraordinaire qui permettra l’évangélisation des gentils, c’est-à-dire des populations non juives. Sa prédication demeure le modèle de l’audace comme celle qu’il fit à Athènes auprès de philosophes (cf. Act 17) leur expliquant que le dieu inconnu qui a son autel parmi le panthéon grec s’est vraiment manifesté, qu’il se nomme Jésus, qu’il est mort et ressuscité.
À nous tous, baptisés en Christ, vivant dans l’Esprit Saint, Dieu demande de prendre la Parole au sérieux et de nous faire ses porte-paroles. Face aux tentations du Malin, Jésus répond par la Parole. Nous aussi, fortifiés par notre intimité avec les enseignements de Jésus, pouvons faire face aux défis et aux épreuves de la vie en société. Nous ne sommes pas abattus car nous savons que Jésus est là, présent même dans les tempêtes du quotidien. Les catéchumènes que nous baptiserons à Pâques attestent cette découverte merveilleuse, avec Jésus nous ne sommes pas seuls.
Prions en ces jours pour l’année commencée, prions pour les hommes et les femmes en souffrance, que nous pouvons confier à Notre-Dame.
Seigneur Jésus, regarde ces frères et ces sœurs souffrant dans leur corps de tant de maladies, mets sur leur chemin des personnes qui sauront les comprendre et les accompagner.
Seigneur, sois la force des hommes et des femmes qui subissent tant de persécutions physiques ou encore morales eu égard à leur foi en toi. Ils témoignent de leur détermination à t’être fidèles. Soulage leur peine.
Seigneur, nous sommes si souvent un petit reste de fidèles croyants et pratiquants et tu nous dis d’être comme le grain de moutarde qui deviendra un grand arbre, donne-nous la patience et la persévérance.
Seigneur, nous voyons des jeunes et des adultes de plus en plus nombreux venir demander de prier avec nous voire de recevoir le baptême, ouvre nos cœurs à leur appel pour qu’ils trouvent la porte de ton Église grande ouverte à leur présence.
Notre-Dame, Marie notre maman céleste, nous nous recommandons à toi.
Je vous salue Marie…