#209 « Que tous soient un, Père, comme toi et moi sommes un ! » 

La saison des galettes des rois est terminée. La joie de Noël se prolonge par le temps liturgique appelé temps ordinaire jusqu’au mercredi des cendres qui inaugurera le carême. Nous sommes au cœur de l’hiver et le froid revient pour la joie des skieurs qui trouveront de la neige, mais pas pour nous qui regardons le compteur électrique ou celui du gaz. Physiquement nous devons nous couvrir spécialement dans nos églises peu ou pas chauffées. Mais n’est-il pas intéressant de regarder ce temps hivernal comme celui où en profondeur la terre travaille et se prépare pour une nouvelle floraison ? Spirituellement on peut y voir une allégorie. L’Esprit Saint continue à œuvrer dans nos vies même si nous ne voyons pas les jeunes pousses sortir. La persévérance, mot employé par saint Paul, est une attitude clé de la vie spirituelle. Persévérer dans la fidélité aux éléments fondamentaux que sont la charité, la prière, la méditation de la Parole, la fréquentation des sacrements, la vie fraternelle, le partage et le pardon, c’est le bon chemin en vue du salut. Noël nous a apporté son lot de lumière, maintenant soyons ces lumières afin que la lumière de Dieu brille dans les ténèbres de ce monde. « On ne met pas une lampe sous le boisseau mais sur le lampadaire » dit Jésus. Le boisseau est une mesure en bois, qui ressemble à un petit seau. Nous sommes dépositaires de la lumière divine, celle de l’évangile, et nous ne pouvons la cacher.

Une façon de porter la lumière dans notre société est d’œuvrer en vue de la communion entre chrétiens. Ces jours-ci se déroule la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Vous savez combien le Concile Vatican II a soutenu le dialogue œcuménique comme fondement de la communion fraternelle entre chrétiens des diverses confessions. Il ne s’agit pas du dialogue inter-religieux mais du dialogue entre chrétiens. Avec les protestants, les évangéliques, les orthodoxes, nous catholiques partageons un même credo comme expression d’une même foi, nous prions un même Seigneur que nous reconnaissons comme le Verbe divin fait chair, nous sommes disciples du Christ qui nous révèle l’amour de Dieu Père, nous sommes accompagnés et guidés par un même Esprit Saint. Si l’élan œcuménique a été d’abord le fruit du zèle des protestants au début du XXème siècle, avec le Concile Vatican II l’Église Catholique impulse à ce mouvement de communion une nouveauté qui se voit par les rencontres de nos papes successifs avec des responsables chrétiens et par les groupes de fidèles qui se retrouvent localement. On peut faire mémoire de l’échange entre le pape saint Paul VI et le patriarche Athénagoras de Constantinople en 1965 et la déclaration commune qui espère que les différends, « par l’action de l’Esprit-Saint, seront surmontés grâce à la purification des cœurs, au regret des torts historiques ainsi qu’à une volonté efficace de parvenir à une intelligence et une expression commune de la foi apostolique et de ses exigences. » Le pape et le patriarche orthodoxe expriment leur « sincère volonté réciproque de réconciliation et comme une invitation à poursuivre, dans un esprit de confiance, d’estime et de charité mutuelles, le dialogue. » Depuis, les papes successifs sont allés à la rencontre des Églises que l’on appelle aujourd’hui « Églises sœurs ». Ensemble ces Églises ont pu œuvrer sur le terrain pour un avenir meilleur des populations fragiles.

Comment continuer ? Nous constatons que chaque génération doit se saisir de ce désir de respect, d’amour et de communion. L’Esprit a continué à nourrir chaque baptisé de ses grâces puisque Jésus est venu « pour que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4). Mais ce dialogue est fragilisé par les conflits, comme la guerre dramatique en Ukraine qui sépare les Églises orthodoxes entre elles et qui durcit la position de l’Église orthodoxe russe auprès du pouvoir politique. En France, il semble que cet élan œcuménique ait perdu un peu de sa force. Pourtant des parcours comme Alpha, conçu à Londres par le pasteur anglican Nicky Gumbel, permettent de s’associer entre chrétiens de diverses confessions pour annoncer ensemble le Christ. Le dialogue pour qu’il soit fécond nécessite une véritable conversion du cœur, un désir de rencontre et de partage, le souhait de prier ensemble à l’écoute du Saint Esprit. Il demande de sortir de soi, de regarder au-delà de nos chapelles et de nos habitudes. Il est un appel de Dieu, un nécessité pour témoigner par l’unité dans la foi voulue par Jésus qui prie le Père « Père, que leur unité soit parfaite, qu’ils soient un comme toi et moi sommes un » (cf. Jn 17). Il met à l’épreuve notre capacité à nous aimer les uns les autres dans nos différences, sans nier ce que nous sommes et ce que nous avons reçu, comme pour nous catholiques les sacrements qui sont si chers à notre vie ecclésiale, ou encore la place éminente de la Vierge Marie. La source de notre partage entre chrétiens est la méditation de la Parole, des évangiles surtout. L’Esprit Saint veut nous rapprocher dans une écoute commune des saintes Écritures. Cette lecture dans l’Esprit ne sera jamais achevée puisque la Parole est vivante et que l’Esprit fait toutes choses nouvelles. Assurément nos formes de célébrations, nos pratiques cultuelles, nos assemblées resteront spécifiques à nos églises, mais l’enrichissement mutuel peut être réel, telles ces prières fraternelles pour entourer ceux et celles qui souffrent. Certains refuseront le dialogue ouvert par l’Église tant du côté des évangéliques que des orthodoxes, ou encore des catholiques, trop sûrs que leur tradition est l’unique qui honore Dieu. Que savons-nous du cœur infiniment miséricordieux de Dieu ? Comment comprendre le désir de Dieu de recoudre la tunique déchirée de Jésus par le péché de division des chrétiens ? Si nous ne sommes pas responsables des fractures anciennes et historiques, que chacun s’interroge en priant l’Esprit de l’éclairer sur le pas qu’il peut faire en vue de l’unité, sur ce qu’il pourrait abandonner de ses certitudes crispées pour entrer dans la souplesse de l’amour divin et se faire plus frère des autres chrétiens.

Pour vivre cette communion entre chrétiens, reconnaissons aussi la place du martyre. Des chrétiens, catholiques, évangéliques, orthodoxes sont morts assassinés depuis des siècles à cause de leur foi au Christ. Ceux qui les mettaient à mort le faisaient en haine de Jésus. Cette assemblée des saints et des saintes martyrs est unie définitivement par le don de leur vie et leur sang versé. À la suite de Jésus, « ils ont lavé et blanchi leur robe dans le sang de l’agneau » (Ap 7,14) recevant la robe nuptiale pour participer aux noces éternelles. Qui pourrait nier cette communion ? Qui pourrait refuser aux autres la promesse du Ciel quand ils ont tout donné par fidélité jusqu’à verser leur sang ? Nous qui ignorons si nous devrons un jour rendre compte de notre foi jusqu’à la perte de notre vie, contemplons leur courage et imitons-les par notre fidélité quotidienne à la prière et au service des frères et sœurs.

Alors que nous vivons une nouvelle année, ce martyre continue. Un prêtre du Niger, le père Isaac Achi, vient d’être assassiné ce dimanche 15 janvier, brûlé vif dans sa maison, et cinq fidèles qui se préparaient pour aller à la messe ont été enlevés, deux autres prêtres ont été blessés. Les fidèles, laïcs et consacrés, qui offrent leur vie en sacrifice par fidélité au Christ lui sont unis dans la mort et la résurrection. Dieu le Père leur demandera-t-il de quelle confession ils sont quand il les accueillera dans sa demeure éternelle ? C’est leur sacrifice qui témoigne de leur foi et qui réalise ce que Tertullien (mort vers 220) disait « le sang des martyrs est la semence de chrétiens ».

Pour conclure et revenir sur ce temps ordinaire qui s’ouvre à nous en cette année 2023, je nous engage à persévérer dans l’esprit du synode qui s’est ouvert voici un an et demi et qui continue pour l’Église catholique jusqu’en 2025. Dimanche dernier, à Montligeon, nous étions réunis pour approfondir notre union à Jésus-Christ et développer la vocation de couples-missionnaires. Beaucoup de joies suscitées par la louange, l’invocation du Saint Esprit, la prière les uns pour les autres, l’adoration et les confessions, les enseignements, les messes, les partages ont empli nos cœurs. Nous étions ensemble en chemin, chacun participant selon ses talents. Une personne en nous quittant me dit « là était vraiment l’esprit du synode ». Je me suis réjoui de sa remarque, nous ne nous connaissions pas tous, nous sommes repartis frères et sœurs, heureux dirent certains de la diversité de l’Église qui est en Eure & Loir, chacun souhaitant être missionnaire là où il vit. N’est-ce pas heureux de vivre cela ? N’est-ce pas le signe que l’église locale, souvent faible par le nombre de ses membres, est capable de faire briller la lumière dans nos villages ? Unissons-nous pour écouter le Seigneur nous appeler à chanter un chant nouveau, à proposer des voies nouvelles pour écouter, rejoindre et accueillir ceux qui sont indifférents au Christ. Ce trésor que nous avons découvert en nous, le partagerons-nous ?

Il est temps de prier ensemble un bref moment pour nous unir les uns aux autres, et porter les souffrances et les peines de certains parmi nous.

Notre Dame de Chartres, tu veilles sur ce diocèse depuis de nombreux siècles.
Tant de chrétiens ont marché sur les chemins qui mènent à notre cathédrale pour te remettre leur vie et déposer à tes pieds leurs justes demandes.
Vierge Marie, nous t’en prions, présente à ton Fils Jésus qui vit dans la Gloire auprès du Père du Ciel notre besoin de paix pour ce monde, notre espérance de vocations consacrées et sacerdotales pour notre église en Eure et Loir, notre désir de communion entre tous les chrétiens que tu as reçus au pied de la Croix comme tes fils et tes filles.
Marie, n’oublie pas tes enfants qui se tournent vers toi en te priant humblement dans leur lit de douleur dans les hôpitaux, le chapelet à la main.
En ces jours, Marie, nous te confions les enfants et les jeunes qui n’ont pas la chance d’être conduits vers ton fils Jésus. Guide-les et soutiens notre travail missionnaire pour que nous les accueillions et leur parlions de l’Évangile.

Je vous salue Marie, pleine de grâce ;
Le Seigneur est avec vous.
Vous êtes bénie entre toutes les femmes
Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
Priez pour nous, pauvres pécheurs,
Maintenant, et à l’heure de notre mort.
Amen.

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