Homélie du père Jean-Eudes Coulomb, vicaire de la paroisse Saint-Etienne en Drouais
« Frères et sœurs,
Je ne vais pas aujourd’hui faire d’homélie au sens habituel du mot, je vais me risquer à un commentaire de l’actualité. Non pas pour vous donner mon opinion ou mes idées, pour cela, il y a la conversation privée. Ici, je parle pour donner la Parole divine, et non la mienne. Ainsi donc, je voudrais entendre avec vous comment Dieu nous parle de la situation actuelle de l’Église, c’est à dire de l’Église qui se découvre, une fois de plus, salie du mal qui se fait en son sein, coupable des choses faites par ses représentants.
Car c’est un scandale ! Les plus petits, les plus fragiles, les enfants, défendus à temps et à contretemps par l’Église à cause de leur fragilité sont dans le même temps la proie de ceux-là même qui disent les défendre. Je voudrais à nouveau faire entendre à vos oreilles cette belle parole du Seigneur : « laissez les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi (Mt 19,14). » Voilà que justement, comme le jour où Jésus a prononcé cette parole, une violence immense est commise par ceux qui empêchent radicalement l’amour de Dieu pour ces enfants. Les enfants viennent avec confiance se réfugier dans les bras du Seigneur, et des disciples les en empêchent en leur offrant une caricature abominable d’amour. Ne les empêchez pas de venir au Christ ! C’est cependant ce qui a été fait, ce qui se fait. Et l’Évangile nous rapporte qu’à cet instant que Jésus se fâche, que Jésus trouve cela particulièrement grave. Jésus se fâche contre ceux-là, Il le montre par ailleurs !
Car il y a encore une parole plus forte prononcée par Notre Seigneur sur ce sujet, rapportée par Sts Marc, Matthieu et Luc (je la prends chez saint Matthieu) : « Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou un de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer. Malheureux le monde à cause des scandales ! Il est inévitable qu’arrivent des scandales ; malheureux celui par qui le scandale arrive (Mt 18, 6-7). » Ce n’est pas si souvent que Jésus se montre aussi ferme et menaçant. C’est d’ailleurs pour cela que l’Église affirme sans cesse la défense des petits. Et pourtant, en son sein, arrive le scandale, la chute des petits. Il nous faut donc à nouveau et très humblement entendre et proclamer ces paroles fortes qui sont aussi l’Evangile !
Pour les personnes qui ont été écrabouillés par ces actes, je voudrais que nous entendions la parole de Saint Paul : « Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance (1Co 12, 25). Voilà une parole qui ouvre la réponse chrétienne que nous devons apporter à ces personnes abîmées par la malice d’hommes d’Église. Nous souffrons avec eux, parce que Jésus souffre avec eux. Jésus, dépouillé de ses vêtements, innocent torturé et bafoué, Jésus que nous avons sous les yeux dans ce crucifix, c’est ce que les hommes lui ont fait, ce que les hommes lui font, ce que les hommes ont fait et font encore à des enfants et à d’autres petits que Dieu connaît. En regardant le crucifix, nous pouvons voir l’horreur du mal, la violence du mal, et nous n’oublions pas que tant de personnes souffrent ce même mal, si près de nous, au milieu de notre communauté, du fait de coupables si près de nous, au milieu de nous, et même couverts par nous. « Ceci est mon corps », par ces mots Jésus donne sa personne en don d’amour parfait. Et le corps sacré de Jésus exposé sur la croix, livré sans défense dans le pain consacré, est encore profané dans les corps des faibles et des sans défenses, et ce dans son Temple même qui est son Corps mystique, l’Église.
Mais écoutons encore, frères et sœurs, écoutons Jésus qui parle de ce grand mal : « lorsque vous verrez l’abomination de la désolation dans le saint lieu, que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes, que celui qui sera sur la terrasse ne descendent pas dans sa maison pour prendre ses affaires […] il y aura une grande tribulation […] Et si ces jours-là n’avaient été abrégés, nul n’aurait eu la vie sauve ; mais à cause des élus, ils seront abrégés, ces jours-là (Mt 24, 15-22). »
Les textes apocalyptiques sont écrits pour les temps de crise, pour les temps d’épreuve, et chaque époque peut y trouver ses propres épreuves. Comment ne pas voir aujourd’hui dans ces hommes de Dieu, des prêtres du Seigneur qui corrompent des enfants, l’abomination de la désolation répandue dans le lieu saint ? Abomination à cause des faits, désolation à cause des ravages, dans le lieu saint à cause des auteurs, des hommes d’Église et des victimes, des enfants innocents. Jésus nous prévient sans cesse, et cela se révèle essentiel aujourd’hui : il va y avoir des tribulations, des épreuves, des persécutions, et nous y sommes, parce que l’abomination de la désolation a pris place dans le lieu saint. Mais Jésus dévoile aussi une parole d’espérance : ces jours ne dureront pas toujours.