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Homélie de l’ordination de Clément Pierson

Dimanche 3 juillet  2022 – Chartres

Le 3 juillet, l’apôtre saint Thomas est honoré. J’entends parfois des personnes, cela m’est arrivé mercredi dernier, me dire : « je suis comme saint Thomas ! », et vous fidèles vous connaissez la suite de ce que ces gens disent, n’est-ce pas ? Dans ce cas, j’ajoute aussitôt « soyez comme saint Thomas, mettez-vous à genoux et dites à Jésus : « Mon Seigneur et mon Dieu ». » Merveilleux Thomas, un peu va-t-en guerre quand il dit « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! ». Un peu vite dit, puisqu’il renie le Christ avec les autres. Mais plus tard, n’est-ce pas lui qui ira jusqu’au Kerala, dans le sud de l’Inde, annoncer la résurrection de Jésus-Christ ? Sans sécurité, démuni de tout, ni bourse, ni sac, ni sandales, il est parti parler d’un nouveau royaume, celui où l’amour est glorifié, celui où les pauvres ont la première place, celui pour lequel un certain Jésus est mort et ressuscité, ce royaume où nous est préparée une place pour l’éternité. Seul son amour pouvait toucher les cœurs car le message qu’il apportait devait être bien confus pour ses auditeurs, folie pour les nations païennes dira l’apôtre Paul.

Aujourd’hui, les lectures de ce dimanche, alors que nous sommes les premiers témoins de l’ordination de Clément Pierson, parlent d’une réalité importante : le royaume de Dieu ou le règne de Dieu. « Le règne de Dieu s’est approché de vous. » Jésus disait : « Cherchez d’abord le Royaume et tout le reste vous sera donné en plus ou par surcroît. » Ce royaume, est-ce un espace ? Une terre paradisiaque ? Une communauté de vie entre élus ? Est-ce l’ensemble des saints ? Chercher le Royaume est donc une invitation énigmatique. Où le chercher ? Qu’en dit la Parole ?

Jésus répond partiellement à cette interrogation quand il dit : « le Royaume de Dieu est comparable à… ». Peut-on le comparer, le peser, l’évaluer par rapport à quelque réalité connue ? Peut-on le figurer, le représenter ? L’imager ?

Jésus explique :

« Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches. » »

On voit que le Royaume de Dieu est une réalité changeante, en croissance, ouverte à l’accueil de tous, lieu de repos et de protection. Ce qui est petit, comme une graine de moutarde, peut grandir et devenir un abri pour un grand nombre de fidèles. Le Royaume est là, parmi vous, ajoute Jésus. Il est dans l’espace physique et déjà dans l’invisible et l’éternel. Il est Jésus-Christ lui-même accueillant et protégeant ceux et celles qui viennent à lui, avec leur fragilité et leurs bons désirs.

Le Royaume est merveilleux et cependant il reste insaisissable puisque sa réalité dépasse tout ce que nous en comprenons. Il n’est pas l’Eden ou le paradis idéalisé, jardin habité par des lions et des biches, des serpents et des lapins jouant ensemble. Il est plus que tout ceci, il est d’une autre nature.

Voici que Jésus choisit 72 disciples et les envoie deux par deux annoncer le royaume de Dieu. Il les encourage mais leur propose la voie de la pauvreté par des paroles déconcertantes : ne prenez rien, ni sandales, ni bâton, ni argent ni deux vêtements. Dites seulement : « le Royaume s’est approché de vous. » N’est-ce pas le cœur de la vocation qu’embrassa saint François d’Assise, l’alter-christus ?

Quel mystère dans cet appel, dans notre appel ? Quel mystère confié au disciple devenu messager ? Par quels mots pourra-t-il dire la bonne nouvelle qu’il doit annoncer ?

Or le royaume ne peut se décrire par des mots humains. Il est vie dans l’Esprit Saint. Vous le savez Clément, et votre vie toute entière tend vers cela. Jésus impose les mains sur ses disciples : « recevez l’Esprit Saint ». Dès qu’ils furent saisis par le Saint-Esprit, les apôtres reçurent la tâche immense de remettre leurs péchés à tout homme qui en ferait la demande avec une réelle contrition et le souhait de changer sa vie. Jésus n’avait-t-il pas dit à Pierre : « je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les yeux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » N’est-ce pas merveilleux de prendre conscience que Dieu offre son pardon par la médiation des apôtres pour nous libérer des souffrances dues au péché ?

Clément, vous aborderez ce beau sacrement de la réconciliation avec humilité, dans l’écoute discrète des pénitents, avec la délicatesse la plus grande car l’expérience nous apprend que nous ne connaissons jamais l’autre, son histoire et ses épreuves. Ô combien ce beau sacrement demande de discrétion, à peine devrions-nous oser un conseil. Offrons l’absolution par laquelle le pardon est donné car c’est bien pour cela que la personne vient nous rencontrer. La grâce fera alors son chemin dans la vie de cette personne.

Clément en recevant l’imposition des mains et l’onction sainte, vous deviendrez un prêtre selon le cœur de Jésus, en tant que collaborateur de l’évêque, aujourd’hui moi-même, demain mon successeur. Si vos talents sont nombreux et pourront servir à animer la communauté chrétienne, votre charge principale sera celle de la miséricorde. « Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux » nous demande Jésus. Offrir le pardon de Dieu aux pécheurs, quelle grâce ! Exprimer la consolation de Dieu aux attristés, quelle grâce ! Manifester la tendresse de Dieu aux affligés, quelle grâce ! Apporter le Seigneur Jésus eucharistie aux souffrants, quelle grâce ! Veiller les mourants, difficile mais ici aussi quelle grâce ! Vous disant cela, je pense au père Michel Picard, un de nos anciens qui
rejoindra bien vite le Père du Ciel.

Assurément, le royaume de Dieu est un royaume de miséricorde. L’Amour divin se donne de manière absolue, sans compter, à qui demande miséricorde tel le bon larron qui reconnaît l’innocence de Jésus et lui demande juste de ne pas l’oublier quand il sera dans son royaume, lui le truand condamné à mort. Dieu se donne toujours entièrement. Et ce don consiste à vivre en sa présence, à être en son royaume d’amour et de paix.

Ce ministère de sollicitude et de compassion ne peut faire abstraction du nom de Jésus. En effet, être proche des petits est une demande du Christ. Leurs besoins sont immenses et souvent notre réponse reste limitée faute de moyens humains et matériels. Mais toute personne a un droit imprescriptible, celui de connaître par notre parole la source de notre espérance, le Christ, Jésus le Fils de Marie. Saint Paul fut un apôtre infatigable, annonçant l’Évangile pour lequel il n’hésita pas à prendre la route souvent dans des conditions périlleuses afin de rejoindre les communautés chrétiennes naissantes et leur annoncer les merveilles faites par le Seigneur. Il le fit car il avait rencontré Jésus au pied des murs de Damas, car il vivait en sa présence en tout moment.

Clément, votre vie sera missionnaire dans la lumière du Saint-Esprit, qui vous conduira telle l’étoile du Berger. Suivez toujours le Christ et cherchez son royaume. Souvent, mettez-vous en présence de Jésus pour lui dire à la suite de saint Thomas : « mon Seigneur et mon Dieu ». Faites-le en élevant le précieux corps de Jésus quand vous poserez l’acte le plus beau de notre vie sacerdotale, la consécration du pain et du vin à l’autel du Seigneur, pour qu’ils deviennent son corps et son sang, sacrifice qui nous sauve de la mort et nous ouvre le Ciel. « Mon Seigneur et mon Dieu. »
Mon Seigneur et mon Dieu », de toi dépend toute ma vie, prend-la, bénis-la, et fais de moi un saint prêtre. Amen. 

Mgr Philippe Christory

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