Mgr Emile Manuel, prélat d’honneur, chanoine du Chapitre Cathédrale, vient de s’endormir dans le Seigneur ce 14 février 2016 à la maison de retraite de St Chéron.
Avec le regret qu’il nous laisse de ne pas avoir eu la patience d’attendre son centième anniversaire pour le fêter au mois de septembre…
Prêtre en 1943 ; vicaire de Brou puis curé de Marcheville, il fut nommé à la Cathédrale en 1948 où il exerça son sacerdoce jusqu’à sa retraite…
Une énorme aventure pour le XXe siècle
Mot d’introduction du père Dominique Aubert, recteur de la cathédrale, aux obsèques de Mgr Emile Manuel le 17 février à la cathédrale de Chartres.
Dans son testament monseigneur Manuel m’a désigné pour dire ces quelques mots en prélude à la célébration de ses obsèques. Beaucoup parmi vous l’ont mieux connu que moi, je le fais donc en toute humilité devant vous.
Depuis le jour du 22 septembre 1916 où il naquit au Juck dans ce petit village de Cornouille, jusqu’au jour du 19 février 2016, jour où il y retournera pour y être inhumé dans la caveau familial, presqu’un siècle a passé. Succession de jours pour la plupart heureux. Le Chanoine Legaux, qui m’a prié de l’excuser ce matin, a qualifié toutes ces années de Sacerdoce « d’énorme aventure pour le XX° siècle ». Son père était boulanger, sa mère, morte trop jeune à 41 ans alors qu’il n’avait que 4 ans, a donné naissance à 11 enfants. Il était le dernier survivant de cette fratrie.
Êtes-vous musicien ?
Très vite attiré – selon ses dires – par la beauté de la liturgie, il fut dirigé à 18 ans vers le diocèse de Chartres par un Père Jésuite. Il était loin d’imaginer ce long, très long chemin à l’ombre de Notre Dame de Chartres. Il y fit son séminaire, pris la soutane en 1939 et fut ordonné prêtre le 19 juin 1943 par Monseigneur Harscouët dans une cathédrale sans vitraux du fait de la guerre.
Celui-ci lui confia plusieurs ministères : à Brou comme vicaire, puis à Thimers et Marcheville. Il fit un court séjour à Dreux. Mais voilà en arrivant son curé lui demande « Etes-vous musicien ? Chantez-vous ? C’est de cela dont j’ai besoin »… Emile Manuel répondit que non, il n’avait aucun talent en ce domaine.
Nous sommes en 1948, Monseigneur Harscouët l’appelle : il a un peu peur car il pense qu’il va se faire sermonner. « Sans doute se dit-il, quelqu’un m’a dénoncé pour être entré dans la salle du bal afin de saluer quelques personnes… » (Les temps ont bien changé, ne trouvez-vous pas ?) Mais non, il est accueilli chaleureusement et Monseigneur Harscouët va le nommer 5ème vicaire à la cathédrale en lui disant qu’à Chartres, il n’y a pas besoin de musiciens, la cathédrale en est déjà pourvue ! L’abbé Manuel demande à réfléchir et se fait répondre par Monseigneur « Vous n’avez pas besoin de réfléchir ; c’est moi l’évêque et c’est moi qui décide… » Dés lors son nom restera indissociable de la cathédrale.
Comme un gardien de phare, avec le confessionnal pour vigie
Il va passer 66 ans dans cette cathédrale de laquelle il disait « c’est ma maison, je ne pourrai plus m’en séparer ». C’est manifestement, d’après Gille Fresson, meilleur connaisseur de la cathédrale, la fonction la plus longue de l’histoire accomplie dans cette cathédrale. Là il va donner tout le meilleur de lui-même avec fidélité, délicatesse, piété, simplicité et une grande humilité. Parmi ses nombreuses tâches deux ministères vont le combler :
Tout d’abord sa présence quasi quotidienne au bureau d’accueil après avoir confessé pendant des années dans un confessionnal et dans le froid, l’hiver, avec ses confrères. Le père Legaux lui a dit, le jour du Jubilé de ses 50 ans d’ordination, « Chaque jour, avec la régularité d’un gardien de phare, breton bien sûr, vous êtes venu pour être serviteur. Votre vigie fut votre confessionnal. Beaucoup, par votre ministère, ont retrouvé la paix de l’âme. » De ce bureau d’accueil il disait que c’était merveilleux car là on pouvait prendre le temps d’écouter. Aujourd’hui, devant l’évolution du monde, les gens ont plus besoin que jamais de se confier et de dialogue, disait-il. Le simple confessionnal ne lui suffisait plus. « Ces rencontres, ont fait ma force, ma richesse, et ma joie, confiait-il » Il a sans doute confessé, nous avons essayé de l’évaluer, autour de 250 OOO personnes, soit 3 stades de France remplis ! Il a été le témoin de bien des miracles de conversion du cœur, la plupart du temps, disait-il, auprès de Notre dame du Pilier et souvent chez des gens loin de l’Église. Et puis il faut noter toutes ces messes célébrées à la cathédrale … environ 25000….
Et puis il y a eu sa responsabilité de cérémoniaire pontifical. « Pour reprendre une parole de Jean Paul II, disait-il, celui qui exerce cette charge est en quelque sorte le gardien fidèle des rites sacrés » « Belle et noble mission que d’être cérémoniaire pontifical ! » Combien de centaines d’heures n’a-t-il pas passées debout au trône à côté des évêques. Il s’amusait en entendant un jour une américaine extasiée murmurer au passage de la procession, après la vêture de l’Evêque dans la chapelle du Grand Christ, « Que beau ballet ! »
Il a reçu dans la cathédrale beaucoup d’humbles fidèles mais aussi les grands de ce monde : les présidents René Cottty, Charles de Gaulle, Pompidou. Le roi de Norvège et son épouse, l’impératrice Zita de Habsbourg et le chancelier Adénauer dont il entendra dire à côté du Voile de la Vierge « c’est ici que commence l’Europe ! » et bien d’autres encore…Il a vu passer 7 évêques et 6 curés – recteurs …
Mgr Manuel, un « passeur » entre deux époques
Monseigneur Manuel aura été un « passeur » entre deux époques. Il avait un grand sens de l’histoire, savait d’où on venait mais il n’avait pas peur d’aborder le monde d’aujourd’hui et sa modernité. Alors qu’il confessait quelqu’un un jour et que le téléphone du pénitent n’était pas éteint, il lui dit « mais vous savez, malgré mon âge je sais ce que c’est qu’un téléphone portable ! » Oui, Monseigneur Manuel savait écouter, entendre, pardonner et bien conseiller lorsque c’était nécessaire.
En septembre 2009, Monseigneur Pansard frappe au bureau d’accueil et lui présente le rescrit du pape Benoît XVI le nommant prélat de Sa Sainteté. Dans sa grande humilité ce fut pour lui une très grande joie et un immense honneur. Sans doute un prêtre n’a pas besoin en soi de tels honneurs mais, disait-il, ça fait du bien quand même….
En Dieu, mon coeur
Depuis janvier 2013 il s’était retiré avec ses confrères de Saint Cheron, accompagné par la communauté priante, vigilante et attentionnée des Sœurs de Saint Paul. « Oui j’ai vécu un demi-siècle de bonheur« , disait-il, j’ai été un prêtre heureux grâce à mes évêques qui m’ont aidé et dont le souvenir ne me quitte pas ». Sur l’image souvenir que vous recevrez à la fin de cette célébration est inscrite la devise, qu’il aimait tant et qui était celle de sa famille bretonne : « En Dieu, mon cœur »
Merci Monseigneur Manuel pour tout ce que vous avez été pour chacun de nous et pour ce diocèse de chartres. Merci d’avoir été un roc. Priez pour nous et tout particulièrement pour qu’il y ait de saint prêtres à votre image dans notre diocèse et dans le monde.