Depuis deux jours, c’est le printemps et la nature se prépare à nous réjouir de ses couleurs et de ses lumières. Le colza commence sa floraison dans les champs offrant à nos regards son jaune lumineux. S’il est cependant un printemps que nous espérons, n’est-ce pas celui des vocations ? C’est souvent à cette époque de l’année que l’appel se fait plus pressant et que des jeunes adultes confirment leur désir et leur assentiment pour répondre positivement à une vocation consacrée. Pour les uns le sacerdoce, pour d’autres la vie religieuse, pour d’autres encore une vie comme consacré dans le célibat au cœur de la société. Ceux-ci irriguent par leur présence et leur foi leur milieu de travail et de vie. En effet, pourquoi prendre un nouveau chemin ? Pourquoi ne pas laisser parler cette voix intérieure et douce qui appelle à considérer le don total de sa propre vie comme un cadeau à présenter à Dieu le Père, à la suite de Jésus ? La vie consacrée peut sembler en décalage du monde, mais c’est tout le contraire, et ils sont nombreux ces jeunes gens qui ne souhaitent plus consommer, qui veulent une vie qui ait du sens, qui osent se donner pour des causes humanitaires. Aussi se donner au Christ pour l’amour de ses frères, dans une disposition joyeuse à la volonté de Dieu, ne serait-ce pas la belle nouveauté qui pourrait redevenir enviable ?
Jésus lui-même est passé par l’offrande totale de sa vie. Dans trois jours, nous célébrerons la fête des rameaux. Il s’agit de son arrivée et de son entrée à Jérusalem. Il monte et il entre dans la ville sainte pour la dernière fois avant sa passion et sa résurrection. Dans un premier temps, c’est une entrée glorieuse que l’évangile rapporte. C’est la foule des petites gens si heureux de l’accueillir et qui le presse, disposant leurs manteaux sur le sol tel un tapis. Ils cueillent des rameaux pour acclamer celui qui vient. Si souvent, ils l’ont suivi par les chemins de la Galilée ou de la Judée, ils ont écouté son enseignement, ils l’ont vu prier son Père au Ciel, ils ont été témoins de guérisons merveilleuses. Son arrivée est l’occasion d’acclamations et de bénédictions.
Au IVe siècle, à Jérusalem, on célébrait l’entrée triomphale de Jésus dans la Ville sainte en refaisant le parcours effectué par Jésus et ses disciples avant sa passion. Tout le peuple se retrouvait sur le Mont des Oliviers autour de l’évêque, dans la basilique de l’Eleona qui est aujourd’hui l’église du Pater en face des murs orientaux de Jérusalem. Le récit évangélique était lu, puis la foule des fidèles entrait avant le soir dans la Ville pour aller à l’Anastasie, c’est-à-dire l’actuel saint Sépulcre où se trouve le lieu de la crucifixion et le tombeau de Jésus. Là avait lieu le lucernaire, c’est-à-dire l’allumage des lampes.
À Rome en occident, au VIe siècle, le Pape lisait le récit de la passion et en faisait un commentaire. C’est assez tard, vers le VIIIe siècle, que la procession vécue à Jérusalem fut reprise à Rome. Ainsi se formait le contenu de ce sixième dimanche de carême, incluant les rameaux présentés par les fidèles et une procession festive, puis la célébration de la passion dont l’évangile était lu et commenté. On chantait le gloria Laus, hymne du Xe siècle composé par un bénédictin, Théodulf d’Orléans. Les paroles du refrain disent « Gloria, laus et honor tibi sit, Rex Christe, Redemptor, cui puerile decus prompsit Hosanna pium » ce qui se traduit par « Gloire, louange et honneur à Toi, Christ Roi Sauveur. Pour toi le cortège des enfants chante Hosanna ! » En occident, ce n’est qu’en 1955 que les fidèles furent invités à la procession hors de l’église, et la réforme liturgique du Concile Vatican II a confirmé ce bel usage. Cependant parfois, selon les conditions politiques des pays, on donne rendez-vous sur le seuil de l’église paroissiale pour entrer dès la bénédiction faite. Il serait bon toutefois, si cela est possible, de faire une véritable procession dans le village ou les rues. Les personnes sont si heureuses de recevoir un rameau de buis béni pour le garder précieusement dans leur maison.
Ce dimanche, nous vivons une liturgie difficile avec le passage de l’entrée heureuse de Jésus puis la lecture de la passion. Il s’opère une totale déréliction de Jésus marquée par la lâcheté et l’abandon de ses disciples les plus proches, par la violence des opposants, par la démission de Pilate devant la vocifération des foules orchestrée par le sanhédrin des juifs. Nous passons de la joie à la peine, des acclamations aux cris violents, de la douceur à la violence des coups, de la vie donnée à la vie volée, de l’espoir au désespoir, de la lumière au néant du tombeau. Nos émotions se mélangent, nous nous sentons solidaires de Jésus et simultanément nous comprenons que par sa mort Jésus prend sur lui tout le péché du monde, donc nos propres péchés, pour qu’avec lui nous mourions pour renaître à la vie éternelle.
Jésus est entouré et cependant il est déjà totalement seul, abandonné de tous, devant faire face à son destin, assumant sa mission dans la volonté du Père, pour offrir sa vie pour le salut du monde. Cette foule a vu les signes qu’il accomplissait, elle a goûté la nourriture multipliée miraculeusement, elle l’a entendu parler avec autorité et bonté. Elle aimait le voir et l’entendre, elle voulait le toucher pour être guéri, mais jusqu’où l’aime-t-elle en réalité en ces instants terribles ? À ceux-ci, Jésus pourrait reprendre la question qu’il posera bientôt à Pierre au bord du lac de Tibériade « m’aimes-tu ? » Quant à nous, sommes-nous de ceux qui sont réjouis de la présence de Jésus ? Sommes-nous prêts à nous engager à sa suite ? Jusqu’où l’aimons-nous et sommes-nous prêts à lui offrir notre vie ? Avons-nous conscience du don si précieux que Jésus nous fait en assumant notre propre mort dans sa chair afin que nous ressuscitions avec lui ?
Lors de son arrivée, Jésus envoie les disciples faire les préparatifs pour le repas pascal. Nous devrons préparer la sainte cène qui sera célébrée le jeudi saint. C’est ce jour-là que les fidèles fêtent le sacerdoce des prêtres que Jésus institue par ses paroles et ses gestes lors du lavement des pieds et la consécration du pain azyme et du vin qu’il offre comme étant dorénavant son corps et son sang, donné et versé pour le salut du monde et le rachat des péchés. Son sacrifice sanglant du calvaire se prolonge sans fin en chaque eucharistie quand le célébrant reprend les mêmes mots au nom de Jésus « faites ceci en mémoire de moi. »
J’ai largement parlé de l’itinéraire des catéchumènes qui s’est passé par les trois scrutins et qui continue en ces jours précédant la grande vigile pascale. Ce dimanche, ils vivront l’étape de la redditio du Notre-Père et du Credo. L’assemblée leur a confié ces paroles comme le trésor par lequel s’exprime la foi de l’Église. Maintenant, c’est à eux de redire ces textes pour exprimer leur assentiment à cette tradition qui est le socle de la foi et de la vie de notre Église. Pour avoir dans le cœur ces prières il importe de les connaître par cœur, ce que doivent vérifier les pasteurs et les accompagnateurs du catéchuménat.
Voici venu le temps de prier ensemble, avec saint Charles de Foucauld
Mon Père,
Je m’abandonne à toi,
fais de moi ce qu’il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi,
je te remercie.
Je suis prêt à tout, j’accepte tout.
Pourvu que ta volonté
se fasse en moi, en toutes tes créatures,
je ne désire rien d’autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu,
avec tout l’amour de mon cœur,
parce que je t’aime,
et que ce m’est un besoin d’amour
de me donner,
de me remettre entre tes mains, sans mesure,
avec une infinie confiance,car tu es mon Père.