2024 sera une année consacrée à la prière, personnelle et communautaire, ainsi le souhaite le pape François, afin que toute l’Église se prépare au grand Jubilé romain de 2025. Bien entendu, à la cathédrale Notre-Dame de Chartres, nous aurons dès le 7 septembre 2024 l’entrée dans le jubilé des 1 000 ans de la crypte où les pèlerins viennent depuis des siècles prier la Vierge Marie sous le vocable Notre-Dame sous Terre. Ainsi, irons-nous de fêtes en fêtes pour approfondir notre foi.
La prière est un don de Dieu auquel le fidèle répond par sa présence et son amour. Le pape nous présente cette année de prière par ces mots : « la prière est la force douce et sainte qui s’oppose à la force diabolique de la haine, du terrorisme et de la guerre ». Le Saint Père nous rappelle donc que la prière nous permet de répondre aux défis du monde, à la violence croissante qui gangrène nos sociétés et qu’elle est le centre de toute vie spirituelle chrétienne. Si le Royaume de Dieu est comparée par Jésus à un arbre qui grandit pour abriter les oiseaux du ciel, la prière est alors comme la sève de l’arbre, nécessaire à sa croissance. Jésus affirme devant un enfant très malade « seule la prière et le jeûne peuvent faire sortir cette sorte de démon » (Mt 17, 21). Aujourd’hui nous devons prier intensément pour que sortent les démons qui entraînent les hommes à faire la guerre si cruellement, à commercer de drogue et d’armes, à s’invectiver sur les réseaux sociaux. En février 2022, le pape François affirmait déjà : « en ce temps de préparation, je me réjouis dès à présent de penser que l’année précédant l’événement jubilaire, 2024, pourra être consacrée à une grande “symphonie” de prière. (…) Une année intense de prière au cours de laquelle les cœurs s’ouvriront pour recevoir l’abondance de la grâce, faisant du “Notre Père” la prière que Jésus nous a enseignée, le programme de vie pour chacun de ses disciples ». Il nous invite à créer des écoles de prière. À Chartres, nous faisons cette proposition aux enfants et adolescents surtout l’été mais aussi lors des petites vacances scolaires et nous constatons l’engouement pour ces journées spirituelles. Comme les apôtres, beaucoup disent « je ne sais pas prier » et encore « apprends-nous à prier ».
Il est possible de répondre au sein de nos paroisses. Les fidèles sont à la fois touchés par la prière, qu’ils goûtent comme on savoure un bon met, et parfois embarrassés, ne sachant « comment faire ». La prière est une nécessité. Pour Bernanos, « la prière est la respiration de l’âme. Sans la prière, notre âme, notre foi, meurt d’asphyxie. » Tous nos papes ont pris le temps de développer le thème de la prière, François a donné 38 catéchèses sur la prière. La prière demande notre persévérance, notre courage, notre approfondissement. C’est pour être fidèle à notre maître Jésus que nous prions. Lui aussi, bien que Fils de Dieu, priait souvent son Père en se mettant à l’écart. Il quittait ses disciples surtout la nuit pour converser avec Lui. Le chapitre 17 de l’évangile selon saint Jean relate en détail cette relation priante.
Le pape saint Jean-Paul II écrivait à l’aube du nouveau millénaire en 2001 qu’il nous « faut un christianisme qui se distingue par l’art de la prière » (Novo millennio ineunte, n°32). Il insistait sur la difficulté d’une authentique prière chrétienne, qui est une relation avec Jésus-Christ dans l’Esprit pour aller vers Dieu Père. Voici pourquoi cet art chrétien s’apprend. Jean-Paul II précisait : « apprendre cette logique trinitaire de la prière chrétienne, en la vivant pleinement avant tout dans la liturgie, sommet et source de la vie ecclésiale, mais aussi dans l’expérience personnelle, tel est le secret d’un christianisme vraiment vital, qui n’a pas de motif de craindre l’avenir, parce qu’il revient continuellement aux sources et qu’il s’y régénère. » Notre prière ne consiste pas en la récitation de textes, ni en la poursuite de moyens physiques de relaxation pour sortir du réel afin d’atteindre un certain état de sérénité. Elle n’est pas une recherche de soi en usant de méditation orientale, mais elle est une conversation intérieure, faite d’écoute et de silence, de contemplation et d’intercession. Elle est une rencontre avec Dieu qui se rend présent, dont l’Esprit Saint nous permet de saisir des mots intérieurs qui remontent de notre mémoire où il va puiser ce que nous avons accueilli de la Parole divine. En effet, la prière chrétienne est nourrie par la méditation des textes bibliques par lesquels Dieu nous parle de manière vivante. La prière est une relation dans laquelle le priant écoute plus qu’il ne parle. Le silence est l’espace de la parole de Dieu. Quand cette attention à la Parole devient une disposition du cœur chez le priant, elle permet l’expérience d’une réponse de Dieu qui vient nous dire l’amour qu’il nous porte, la consolation qu’il réserve à celui qui souffre, l’encouragement à celui qui est abattu.
Cette prière profonde n’est pas réservée aux personnes consacrées et religieuses, mais elle doit devenir le centre de la vie spirituelle pour tout baptisé. Dans une paroisse, la prière doit être le centre du projet pastoral. Pour chaque fidèle, elle est la respiration de son âme, elle creuse en lui le désir de Dieu, elle l’entraîne à agir au nom de Dieu pour le bien de son prochain. Si la foi nous est transmise par notre baptême, sa vitalité est soutenue par la prière et, si celle-ci venait à manquer, notre relation avec le Christ se dessécherait. À ce stade, nous devons nous interroger sur l’état de notre prière, voir comment nous prenons ce rendez-vous quotidien, en quel lieu, à quel moment. Le temps peut parfois nous manquer, surtout quand, dès le lever, il faut prendre soin des enfants, partir tôt au travail, faire cent choses par jour pour assurer la vie d’autrui. Pourtant, il n’est pas exclu d’introduire de brefs moments de prière pour vivre une louange ou une action de grâce, pour nous arrêter et intercéder pour un ami, pour confier une démarche ou un projet à faire, pour bénir le Seigneur simplement parce que nous sommes vivants. Un jour chômé de la semaine, le week-end pour beaucoup, pourra être consacré à un temps de prière, ou d’adoration, plus long. Rappelons qu’il ne s’agit pas de réussir sa prière par nos efforts même si nous choisissons d’y consacrer notre temps. La prière est aussi un laisser-faire. La grâce peut davantage et c’est elle qui agit quand nous faisons silence un moment. Alors Dieu voit notre bonne disposition et il vient faire sa demeure en nous et se poser sur notre âme doucement. Probablement, nous ne sentirons pas grand-chose, nous n’entendrons pas de voix. Mais nous serons reliés à Lui qui est là présent, surtout si nous prions avec d’autres personnes. Jésus n’a-t-il pas promis « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20) ? Elle est vraie cette parole et nous pouvons choisir de prier à chaque rencontre, surtout en paroisse, un certain temps, pas seulement pour « dire une prière » mais pour entrer ensemble en prière et nous présenter au Seigneur en priant les uns pour les autres afin que ceux qui portent certaines douleurs les confient et expérimentent combien il est bon d’être frères. Parfois nous peinerons dans la prière, nous aurons le sentiment, tels les apôtres au petit matin, de rentrer les filets vides sans aucune prise. Pourtant l’œuvre de Dieu aura fait son chemin en nos âmes.
Cette relation priante converge vers l’amour et c’est l’amour qui la motive. Elle appelle un choix volontaire de l’être, se mettre en prière sera sans cesse à recommencer même chez les fidèles expérimentés. Elle est notre priorité, notre souffle et notre vie. Durant cette nouvelle année 2024, je vous propose de persévérer dans une prière confiante pour demander au Seigneur que des jeunes répondent à un appel à tout lui consacrer dans la vie religieuse et sacerdotale. Ne doutons pas du bonheur qu’il y a à vivre dans ce don total de soi qui porte en lui une force et une grâce, pour témoigner de l’amour divin et apporter cet amour dans toutes les relations humaines souvent dégradées aujourd’hui. Pour se donner pleinement, ces jeunes ont besoin d’expérimenter la rencontre de Jésus et cela passe par une vie spirituelle portée par une ardente prière. Si personne ne peut décider pour eux, toute communauté catholique, en commençant par les paroisses, cherchera comment proposer le plus souvent possible des lieux, des moments, des pèlerinages et des retraites spirituelles pour que l’Esprit puisse s’approcher et parler au cœur de ces jeunes. Certains prêtres proposent de monter à Montmartre et d’y dormir pour adorer la nuit, voilà une proposition simple à mettre en œuvre tant avec des enfants qu’avec des adultes. Les prêtres, les diacres et les équipes pastorales portent ici une grande responsabilité. Il faut se souvenir que beaucoup de personnes consacrées ont reçu leur appel durant leur enfance, aussi ne doutons pas de l’urgence de faire ces propositions aux enfants qui sont « capables de Dieu » et expriment aisément leur attirance pour Jésus.
Vous qui lisez mes lignes, si votre prière est déjà quotidienne, continuez sans vous lasser, sans vous décourager, en sachant que votre prière soutient toute l’humanité. Si vous vous considérez comme un débutant, c’est merveilleux car vous allez voir votre vie se transformer en mettant en place une prière régulière. Si la prière est un art, elle peut aussi être comparée à un sport. Elle demande patience et entraînement. Comme pour une course à pied, on commence doucement, mais on se fixe un certain but et on s’y tient. Il nous faut imiter l’élan de l’Apôtre Paul : « Je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus » (Ph 3,13-14). Comme en sport, être membre d’une équipe est un plus pour partager les paroles reçues, les motions entendues intérieurement, et surtout pour reprendre nos bonnes résolutions quand notre vigueur fléchit. Faisons dès maintenant de cette année 2024 une année de prière et osons débuter, pas moins de dix minutes par jour pour le moment. Belle prière !
Puisque Jésus-Christ enseigne ses apôtres à prier en leur donnant le Notre-Père, je vous propose que nous le disions ensemble.
Notre Père
qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui
notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi
à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation,
mais délivre-nous du Mal.
Amen.