Quelle est notre attitude à notre lever matinal ? Un psaume dit « Seigneur, rassasie-moi de ton amour au matin » (Ps 89,14). Quelle belle demande pour éclairer une nouvelle journée. Le verbe rassasier dit la complétude, la satisfaction de celui qui est comblé, qui a reçu autant que nécessaire. Cet amour coule abondamment du Cœur de Jésus et il touche nos facultés, la mémoire pour nous rappeler les bienfaits de Dieu et être dans l’action de grâce, la volonté pour orienter nos activités, notre sensibilité afin d’entrer en relation avec autrui. Même si nous pouvons travailler nos aptitudes à bien vivre, à développer nos talents, à analyser nos désirs, seul un amour divin peut unir notre être et le satisfaire pleinement. Il est bon de faire cette demande et de prier dès le matin, car la vie commence avec la lumière de l’aube qui illuminera le chemin que nous ferons tout le jour, par le travail, les loisirs, dans nos joies comme dans nos peines. Sainte Thérèse disait que Dieu ne peut inspirer des désirs irréalisables aussi osons-nous cette demande « rassasie-moi de ton amour au matin » en nous levant !
Ce 8 août, nous fêtons saint Dominique. Il fut chanoine et le pape Innocent III l’envoya prêcher dans la région de Toulouse face aux cathares. Nous étions au XIIe siècle. Comment s’y prit-il ? Il choisit la pauvreté en se faisant mendiant et la prédication pour toucher les cœurs et convertir les intelligences. Des compagnons se joignirent à lui et ainsi naquit cette communauté dont les membres furent appelés les Dominicains. C’est, avec les Franciscains, les Pères servites de Marie et d’autres encore, l’avènement des ordres mendiants qui annonce une floraison de vocations et la fondation de nombreux monastères en ce bas Moyen-âge. Pour prêcher, il fallait étudier, méditer les Saintes Écritures, affronter des convictions opposées. Aujourd’hui, les Dominicains et les Dominicaines voient arriver des jeunes gens aimant Dieu et avides de transmettre la foi. Cet élan est magnifique et rejoint les attentes de nombreuses personnes, particulièrement des jeunes. Comme il serait beau et bien de voir jaillir de nombreuses vocations pour ces ordres mendiants !
Nous sommes au cœur de l’été. La nuit, le ciel est sublime si nous sommes loin des lieux de pollution lumineuse, il est rempli d’étoiles. Certains proposent des moments d’observation des constellations et des planètes. Je me souviens avoir fait cette expérience en Mayenne, durant une nuit particulièrement noire avec une voûte céleste magnifique. Je m’étais allongé sur le dos pour contempler les quelques vingt mille étoiles visibles à l’œil nu, et soudain m’est venue l’idée suivante : puisque Dieu a voulu cette création pour que nous y voyons son œuvre, création folle par son ampleur, pourquoi réduisons-nous la religion à des détails infimes qui concernent la nourriture ou la liturgie ? Ce ne peut être ainsi que nous plairons à Dieu, mais plutôt en entrant dans son projet de salut par notre conversion et notre louange. Dieu nous donne les sacrements comme moyens de salut mais aucun d’eux n’a sa fin pour lui-même. Les sacrements passeront quand nous serons au Ciel. Seule la charité restera dit saint Paul. Nos us et nos coutumes spirituelles peuvent nous donner un meilleur cadre de vie pour vivre de notre foi, mais ils n’ont pas la valeur d’un seul acte d’amour ou d’une seule prière de louange en remerciement de la vie reçue. C’est la beauté du christianisme que de nous conduire à aimer par la possibilité d’une relation cœur à cœur avec notre Seigneur puisqu’il s’est approché de nous par l’incarnation du Verbe divin en vue de cette relation et de notre salut. Sainte Teresa de Calcutta m’a dit à Rome « Philippe, all for Jesus » – tout pour Jésus – et nous ajoutons « tout par amour ». La vie du chrétien est là, tout pour Jésus, tout par amour.
La louange est encore due au Seigneur pour l’œuvre de vie qu’il opère en nous. Même dans la douleur, nous pouvons essayer de louer le Seigneur. Chacun d’entre nous a reçu la vie de Dieu : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré. » (Je 1,5) Avant notre naissance, le Seigneur nous a consacrés pour lui, cela veut dire que notre vie est sacrée dès son origine et personne ne peut nous ôter notre dignité de fils et de fille de Dieu. Les pauvres se tournent plus naturellement vers le Seigneur, tandis que les riches s’en détournent attirés par la richesse et la facilité matérielle. Mais ce n’est qu’illusion. Aussi, même lorsque nos conditions de vie sont dures, quand la souffrance est là, le chemin passe par la louange et apporte la paix. Entrer dans cette prière en reprenant les mots des psaumes qui n’écartent pas l’expérience de la peine permet de regarder le Seigneur avec foi : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres » (Ps 33,2). Le chapelet, promu par saint Dominique, constitue aussi la prière du malade heureux d’égrainer les mystères de la vie de Jésus-Christ, il peut être prié telle une louange. Notre vie douloureuse s’associe alors à son sacrifice pour le bien de l’humanité, en vue de la vie éternelle. Liée à la sienne, notre souffrance trouve là un sens profond. Les sœurs missionnaires de la charité, ordre fondé par sainte Teresa de Calcutta, servent les plus pauvres au rythme des dizaines du chapelet priées avec la Vierge Marie.
Puisque nous mentionnons saint Dominique et les ordres mendiants nés au XIIIe siècle, comme nous parlons de la nature créée par Dieu, le cantique des créatures de saint François d’Assise que l’on nomme aussi le Cantique de frère soleil vient à point nommé pour cette journée, aussi je vous le propose pour notre prière dite maintenant ensemble.
Loué sois tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil, par qui tu nous donnes le jour, la lumière : il est beau, rayonnant d’une grande splendeur, et de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole.
Loué sois tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles : dans le ciel tu les as formées, claires, précieuses et belles.
Loué sois tu, mon Seigneur, pour frère Vent, et pour l’air et pour les nuages, pour l’azur calme et tous les temps : grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.
Loué sois tu, mon Seigneur, pour sœur Eau qui est très utile et très humble précieuse et chaste.
Loué sois tu, mon Seigneur, pour frère Feu par qui tu éclaires la nuit : il est beau et joyeux, indomptable et fort.
Loué sois tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre, qui nous porte et nous nourrit, qui produit la diversité des fruits, avec les fleurs diaprées et les herbes.
Loué sois tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent par amour pour toi ; qui supportent épreuves et maladies : Heureux s’ils conservent la paix, car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés.
Loué sois tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper.
Amen
