#317 « Comment l’Esprit du Seigneur nous offre la véritable liberté ? »

Je lis avec grand bonheur les lettres des catéchumènes. Ils détaillent le chemin parcouru et comment la foi en Jésus-Christ change leur vie et devient une source de lumière pour vivre de manière nouvelle. Pourtant ils affrontent un quotidien qui ne change pas et ils vivent parfois des souffrances. Aussi, comment mettre en œuvre la joie des béatitudes, alors que l’ambiance est morose ? Notre foi ne nous retire pas du monde et nous sommes soumis aux mêmes contraintes, aux mêmes difficultés et aux mêmes inquiétudes que les autres citoyens. Pourtant, avec le Christ, nous traversons la vie en étant accompagnés. Nous ne sommes pas seuls. Un jour à Nazareth, Jésus lut un passage du prophète Isaïe annonçant les temps messianiques, puis il dit : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4,21). Tout d’abord séduits, ses auditeurs se fâchèrent durement quand Jésus leur montra dans les Écritures qu’aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays. Furieux, ils cherchèrent à l’entraîner dehors pour le précipiter du haut d’un escarpement rocheux. Or lui, « passant au milieu d’eux, il allait son chemin ». J’aime cette expression rapportée par l’évangéliste Luc. L’Esprit ne permit pas que ces menaces de mort se réalisent et qu’il meurt. Jésus ne répondit pas en usant de supers pouvoirs, mais il montra combien il était libre même face à la violence. C’est cette liberté qui neutralisa ses adversaires. De même au quotidien, l’Esprit nous guide et nous garde. Dans sa lumière nous voyons la lumière et si nous traversons des instants de ténèbres, nous faisons l’expérience de sa grâce et de sa puissance. Personnellement, lorsque je fais face à certaines contraintes ou à des imprévus peu agréables, j’essaie d’en faire une occasion d’action de grâce et de me réjouir pour ma vie et ma santé. Il me semble que la véritable liberté se trouve là, non dans l’absence de contraintes, mais dans le fait de les traverser en conservant notre espérance et même notre joie. 

Aujourd’hui, la liberté est un bien revendiqué par chacun. On dénonce heureusement toute forme de harcèlement et d’esclavage. Selon l’adage connu, ma liberté s’arrête où commence celle des autres. Nous défendons de plus en plus notre pré-carré et notre indépendance. Mais interrogeons-nous : qu’est-ce que la liberté ? Est-ce la possibilité de faire ce que nous voulons comme et quand nous le voulons ? 

Pour répondre, regardons Jésus dans les évangiles. Jésus est l’homme parfaitement libre. Il n’a pas d’attache, il n’a pas de biens matériels qui le retiennent, il reste indifférent à la pression sociale des gens autour de lui et enseigne en vérité ce qui est bien même lorsque cela bouleverse les coutumes. Ainsi guérit-il des malades le jour du sabbat. Face à l’incompréhension qui advient durant sa vie publique, il garde le cap et dénonce les comportements iniques. Il met sa propre vie en jeu, par amour des hommes. On peut dire que son arrestation à Gethsémani, son emprisonnement, son jugement par Pilate, sa condamnation à mort et sa crucifixion, aussi dramatiques soient-ils, sont l’expression de son absolue liberté, puisqu’ainsi il devient le véritable agneau immolé et il accomplit sa mission de rédempteur de l’humanité. Ceux qui croyaient l’anéantir, à commencer par Satan, se trompent totalement. Sa mort est une victoire qui trouve son accomplissement dans sa résurrection que rien ni personne ne peut empêcher. Par sa mort, il a vaincu la mort. Il a pris sur lui le péché du monde et nous libère de la mort éternelle. Ainsi réalise-t-il la volonté de son Père. 

Sommes-nous capables d’entrevoir notre propre liberté dans ce don total de nous-mêmes ? Pour tenter de répondre, considérons tout d’abord que la liberté est de pouvoir disposer de soi-même. Cependant, en vue de quoi disposer de soi-même ? Ce ne peut pas être en vue du mal, car le mal cause la perte de notre liberté, il nous détourne de notre vocation au bien et à la sainteté, il nous dénature. La liberté ne peut exister réellement qu’en vue du bien, le bien suprême étant l’amour. Ainsi, il ne s’agit pas de choisir entre le bien et le mal, puisque le choix du mal n’est déjà plus un choix pleinement humain car il déshumanise et conduit à l’esclavage du péché. Le choix est à considérer entre divers biens possibles, jusqu’à discerner quel est le plus grand bien et à le mettre en pratique avec détermination. Notre liberté se réalise dans l’acte de volonté posé pour réaliser alors ce meilleur bien, quoiqu’il en coûte. 

Le catéchisme de l’Église catholique fait le lien entre la liberté et la responsabilité. Il précise que « la liberté rend l’homme responsable de ses actes dans la mesure où ils sont volontaires » (CEC 1734). Dans le livre de la Genèse, quand il eût croqué à son tour dans le fruit interdit, Adam refuse sa responsabilité en désignant Ève à Dieu : « c’est la femme que tu m’as donnée ». Cette attitude de refus de la responsabilité personnelle est très courante et elle pointe l’immaturité de la personne. Caïn aussi fuit sa responsabilité après avoir tué son frère Abel, en ajoutant « qu’ai-je à faire avec mon frère ? ». David ne se reconnaît pas immédiatement quand le prophète Nathan vient lui dire qu’un homme riche avait volé la brebis d’un pauvre homme pour l’offrir en repas à un visiteur (2 Sam 12). Par contre, lorsque le prophète le désigne comme le vrai coupable et qu’il comprend qu’il est responsable d’un crime, alors il se repend. 

Le catéchisme précise encore ceci : « une action peut être indirectement volontaire quand elle résulte d’une négligence à l’égard de ce qu’on aurait dû connaître ou faire, par exemple un accident provenant d’une ignorance du code de la route ». Ainsi nous connaissons tous l’existence de limitations de vitesse pour prévenir les accidents, préserver les villages du bruit, garantir une conduite apaisée. Nul n’est censé ignorer la loi. Certains conducteurs enfreignent ces limitations au nom de leur liberté. Pourtant, cette liberté est en réalité fausse, elle émane d’une présomption inacceptable et blesse la charité : notre vie est précieuse et la charité impose de ne mettre aucune vie en danger. On pourrait dire que d’autres outrepassent ces règles pour justifier de le faire aussi. Mais l’argument ne tient pas. Le mauvais comportement ne peut justifier que nous fassions de même. Jésus désire nous faire entrer dans une vie nouvelle, en vivant sous la motion du Saint Esprit qu’il a promis d’envoyer en abondance. Cependant l’Esprit ne peut agir que dans une âme pure et humble qui rejette toute forme de mal. Il descend et y dépose ses dons multiples. Jésus dit  « Je suis venu pour que vous ayez la vie en abondance » (Jn 10,10). En approfondissant notre vocation chrétienne, nous expérimentons l’effet de la grâce du baptême soutenue par les sacrements et vivons une joie intérieure sobre et heureuse même dans l’adversité. Le catéchisme précise que « la grâce du Christ ne se pose nullement en concurrente de notre liberté, quand celle-ci correspond au sens de la vérité et du bien que Dieu a placé dans le cœur de l’homme. Au contraire, comme l’expérience chrétienne en témoigne notamment dans la prière, plus nous sommes dociles aux impulsions de la grâce, plus s’accroissent notre liberté intime et notre assurance dans les épreuves, comme devant les pressions et les contraintes du monde extérieur » (CEC 1742). 

Pensons encore à l’élan missionnaire qui poussa les apôtres de Jésus à partir au loin porter la Bonne Nouvelle. Tout devait être cause de contraintes : le manque d’argent, la pauvreté des habits, les distances à parcourir, le danger des brigands, l’incompréhension de leurs frères juifs, la trahison de certains compagnons, la dureté de la justice romaine, etc. Pourtant, les apôtres vivaient une liberté extraordinaire en disant humblement : « il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu » (Act 4,20). Ils voyaient les guérisons que Dieu opérait chez les malades. Ils constataient que leur parole touchait les gens qui se faisaient disciples de ce Jésus qui leur étaient jusqu’alors inconnu. Ils ressentaient en eux une joie profonde et découvraient une liberté sans borne pour aller sur les routes et annoncer les évangiles, tel saint Paul. 

Pouvons-nous parler de notre propre expérience ? La rencontre du Christ vivant nous a-t-elle ouvert à cette liberté ? Essayons ces jours-ci de vivre dans cette belle attitude de foi au cœur des vicissitudes de la vie, souvent des petites choses qui irritent. Transformons ces contrariétés en occasions d’action de grâce en notant des raisons positives de nous réjouir. Laissons le Saint Esprit nous inspirer. Engageons notre liberté en aimant. C’est à l’amour que nous serons jugés. Ayons pleinement confiance puisque « le Seigneur, c’est l’Esprit, et l’Esprit du Seigneur, c’est la liberté » dit une antienne du bréviaire.  Notre-Père

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