#298 « La paix est-elle possible ? »

Notre monde prend feu. Jésus voulait que le feu de l’Esprit se répande partout. Or c’est en réalité le feu des armes qui jaillit. Avec Jésus, et sa mère Marie, nous osons espérer que la paix est possible et que chacun est appelé à être, là où il vit, artisan de paix. 

Cette semaine s’est ouverte par la fête de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, célébrée le 1er octobre. Thérèse fut carmélite à 15 ans et mourut à 24 ans. Sa vie fut une fulgurance dans l’histoire de la vie spirituelle, une grâce brève et lumineuse telle une comète qui traverse le ciel. Elle donna à l’Église ce que l’on nomme la « petite voie » qui se révéla être un magnifique chemin spirituel adapté à toute personne. Cette voie consiste en la remise de soi totale à l’Amour divin, dans une confiance entière qu’ose celui qui se sait infiniment aimé de Dieu. En lisant Histoire d’une âme, le récit de sa propre vie que Thérèse rédige deux ans avant son entrée au Ciel, je suis ébloui par la profondeur, la vivacité, l’acuité de ses analyses, sa foi profonde et son désir absolu du bien, son intelligence de la vie d’union avec Jésus, sa maturité tant humaine que mystique. Elle fut dès sa tendre enfance déterminée à n’appartenir qu’à Jésus. Tout en elle était pour lui. Entrée en religion au Carmel, elle restait ouverte au monde notamment par ses correspondances avec des missionnaires. Elle souhaitait embrasser toutes les vocations et elle choisit, en lisant le chapitre 13 de l’épître de saint Paul aux Corinthiens, d’être l’amour, tout simplement, parmi ses sœurs. L’Église la nomma sainte patronne des missions puis docteur de l’Église afin d’offrir son enseignement à tous. C’est pourquoi, depuis plus de cent ans, dans le monde entier, elle est devenue la sainte la plus aimée. Aujourd’hui comment la faire connaître aux enfants et aux jeunes de nos familles, de nos écoles ? Réfléchissons à cela, car elle a beaucoup à leur dire. Elle avait une relation si forte avec la Vierge Marie qui l’a guérie d’une maladie que l’on crut mortelle. Le « sourire de la Vierge » la fit revenir à la vie et en un instant elle put se lever, libérée du mal qui la liait. À 24 ans, elle achevait sa vie terrestre en écrivant au père Béllière « je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait si petit, je l’aime, car il n’est qu’amour et miséricorde ». 

J’aimerais vous parler d’un lycée de la ville de Dreux, situé dans un quartier populaire, ouvert à une grande diversité sociale, proposant des filières tant classiques que professionnelles. Nous pourrions nous demander s’il existe un lien entre sainte Thérèse et ce lycée « de Couasnon » ? 

Ce vendredi matin, dans ce lycée de Couasnon, je bénirai une statue de la Vierge Marie qui y sera installée. Cela doit réjouir Thérèse qui vit maintenant en présence des saints et des saintes. Ce lycée est un établissement accueillant près de 330 lycéens. Je m’y rends de temps en temps, j’aime les rencontres avec l’équipe pastorale composée d’une douzaine d’adultes, j’apprécie les échanges avec des jeunes lorsque, fiers de leur établissement, ils me présentent leur classe et ce qu’ils font. C’est un établissement catholique où ce que l’on appelle le caractère propre est l’éclairage essentiel qu’apporte la foi chrétienne. L’église saint Michel est située tout à côté et les sœurs de Saint-Jean vivent à proximité engagées dans des missions diverses. Beaucoup de lycéens sont musulmans, d’autres chrétiens catholiques et certains évangéliques. On peut dire que cette mixité est plutôt réussie. La présence régulière d’un prêtre et d’une religieuse suscite des débats et les jeunes demandent volontiers des conseils. Pour la majorité d’entre eux, Dieu existe, même si les diverses religions en parlent différemment. Pouvoir le prier et lui demander sa bénédiction n’est pas une chose si étrange. Face à un avenir incertain, ces jeunes puisent dans la prière espérance et courage. Aussi, c’est une joie de confier cet établissement à Notre-Dame. La Vierge est bien notre Mère au Ciel, la Mère de Jésus pour les protestants, la Mère de Dieu pour les catholiques et les orthodoxes, et les musulmans parlent de Issa, ibn Maryam, c’est-à-dire Jésus le fils de Marie. Marie est le modèle du disciple qui met toute sa foi en Jésus-Christ son propre fils. Il est entendu que ce lycée est ouvert à tous dans le respect des croyances. Chacun peut porter un signe discret de sa foi. Des propositions sont faites chaque semaine par l’aumônerie ; y adhèrent les volontaires. En se côtoyant, ces jeunes apprennent à s’apprécier, en vue d’une société de bienveillance mutuelle. Quand on a besoin d’éduquer à la fraternité, terme écrit sur le fronton des mairies, il est nécessaire d’avoir des lieux de rencontre où la fraternité se vit. C’est le cas du lycée de Couasnon, et Notre-Dame veille sur tous ses enfants par son message de paix et de douceur. 

Ce bel exemple ne doit pas faire illusion sur certaines difficultés dues à des positions idéologiques opposées à la présence chrétienne même dans des écoles catholiques. Une fausse vision de la laïcité voudrait ôter toute expression religieuse de ces espaces de vie et d’éducation. Aussi, peut-on se demander si la présence des personnes consacrées dans un établissement scolaire contredit la loi Debré et le contrat signé entre l’État et nos établissements scolaires. Ce contrat reconnaît l’existence du caractère propre, qui est pour nous la réalité évangélique et l’annonce de Jésus-Christ. Personne n’a obligation à croire à notre foi chrétienne pour être élève. Cependant, si croire est le véritable trésor dont parle saint Paul avec tant de joie, pourquoi cacher le message évangélique ? Serait-ce du prosélytisme que d’annoncer le nom de Jésus ? Ses enseignements ne contredisent pas la liberté, l’égalité et la fraternité défendues par la nation. Jésus n’a-t-il pas dit « la vérité vous rendra libre » et l’évangile enseigne la vérité ; la foi est résumée par le double commandement de l’amour « aime ton Dieu et aime ton prochain comme toi-même ». Saint Paul affirme qu’avec Jésus-Christ « il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Gl 3,28). N’est-ce pas l’expression de l’égale dignité des personnes ? Enfin il est écrit : « vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères » (Mt 23,8). Ainsi est affirmée la fraternité. La religion chrétienne est la source qui soutient la communion si nécessaire pour unir notre société. Si nous l’annonçons, c’est parce que nous croyons que là est la voie afin que chacun vive une vie de progrès, d’amitié, de développement personnel et communautaire. Nous ne faisons pas de prosélytisme si celui-ci consiste à contraindre la conscience. Mais nous témoignons du don reçu, de la joie partagée, de la communion possible entre tous les humains si différents, par la mixité sociale au sein de nos écoles, par le partage et le dialogue, par la prière pour ceux qui y prennent part. Sainte Thérèse de Lisieux a répandu la bonne odeur du Christ, tel des brassées de roses, dans le monde entier, loin de sa Normandie. Une collecte de la messe – la prière qui précède la liturgie de la Parole – dit : « Seigneur Dieu, réveille le cœur de tes fidèles, fait qu’ils ressentent davantage l’urgence de l’appel à contribuer au salut de toute créature. » Dans sa volonté à être missionnaire, Thérèse brûlait du désir d’annoncer le Royaume. Car il y a urgence, et nous sommes devenus missionnaires par notre baptême. « Je vous envoie deux par deux » dit Jésus. Ne pourrions-nous pas former ces binômes et aller voir les gens, frapper aux portes, être sur nos places avec un beau sourire pour annoncer Jésus ? 

Nous aimons la Vierge Marie. À Chartres, le jubilé des 1 000 ans de la crypte a commencé. Les pèlerins, qui viennent sur ce lieu depuis des siècles, peuvent se recueillir auprès de Notre-Dame-sous-Terre. Nous sommes entrés dans le mois du rosaire, puisque la fête de Notre-Dame du Rosaire est célébrée chaque 7 octobre. À Lourdes se déroule un des plus grands pèlerinages annuels. Des dizaines de milliers de fidèles y sont rassemblés avec beaucoup d’amis accompagnés ou malades. N’est-ce pas magnifique d’y admirer le dévouement des hospitaliers bénévoles et des animateurs ? Une joie est là, simple et forte, qui s’échange entre toutes les générations quelles que soient les fragilités des uns ou des autres. Le mois de Marie nous rappelle que Jésus passe par elle pour dispenser tant de grâces et que nous aurions tort de ne pas honorer une telle source de bienfaits. De quelle tradition vient ce mois du rosaire ? Le rosaire fait référence à une couronne de roses que l’on tresse pour honorer la Vierge. Chaque Ave Maria du chapelet est comme une rose offerte à la Vierge avec son doux parfum qui exprime la sainteté. Le jubilé des 1 000 ans de la crypte à peine ouvert, des groupes viennent déjà vivre le pèlerinage-jubilaire. L’enthousiasme des enfants de l’école d’Illiers-Combray avec leur directrice Armelle et le père Olivier, qui découvraient le lieu, était bien au rendez-vous. Aller à la rencontre de la Vierge Marie dans ce long tunnel n’est-ce pas une expérience spirituelle unique lorsque l’on comprend que nous marchons dans les pas des chrétiens qui y sont venus depuis dix siècles ? 

Je vous invite à prier ensemble. Nous avons tant d’intentions, demander la paix pour les pays en guerre, et pour que nos dirigeants aient la sagesse et l’intelligence pour gouverner le monde vers la paix. Il y a tant à gagner en bâtissant ensemble un monde respectueux de tous, et tant à perdre en prenant les armes. Prions avec Marie son Magnificat (Lc 1,47-55). Mon âme exalte le Seigneur,
 exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! 

Il s’est penché sur son humble servante ; 
désormais, tous les âges me diront bienheureuse.

 Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
 Saint est son nom ! 

Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent ;

 Déployant la force de son bras, 
il disperse les superbes. 

Il renverse les puissants de leurs trônes, 
il élève les humbles.

 Il comble de biens les affamés, 
renvoie les riches les mains vides. 

Il relève Israël, son serviteur,
 il se souvient de son amour, 

de la promesse faite à nos pères, 
en faveur d’Abraham et de sa race, à jamais.

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Je confie mon intention de prière

Votre intention sera confiée à la prière des sœurs de Saint-Paul de Chartres.