Parmi les dates importantes des fêtes mariales, celle du 8 septembre 2024 nous permet de méditer sur la nativité de la Vierge Marie dont nous parle le proto-évangile de saint Jacques, un texte apocryphe qui n’appartient pas au canon des écritures saintes mais à la tradition populaire ancienne, vers le IVe siècle. C’est le jour choisi pour ouvrir le grand jubilé des 1 000 ans de la crypte de la cathédrale de Chartres, qui se conclura le 15 août 2025, jour de l’Assomption de Marie.
La place de la Vierge Marie est centrale dans la dévotion et la prière des catholiques et de nos frères orthodoxes. Au calvaire, Jésus la donne comme mère au disciple aimé : « voici ta mère ». Le disciple représentant chaque baptisé, nous l’avons nous aussi reçue comme mère céleste. En France, nous observons un renouveau spirituel porté par une dévotion mariale en développement. Des pèlerinages plus nombreux parcourent nos régions, des paroisses reprennent des célébrations anciennes pour les fêtes mariales, avec des processions. À Pellevoisin, lieu de quinze apparitions mariales à la voyante Estelle Faguette alors qu’elle était âgée de 32 ans, en 1876, on célèbre traditionnellement la Vierge le dernier dimanche d’août. Quand Marie apparaît, Estelle est malade et le médecin exclut toute rémission. Il affirme qu’elle est perdue. Or la Vierge la guérit lui demandant de publier sa gloire. Pellevoisin sera la cinquième grande apparition de la Vierge en France au XIXe siècle, et ce lieu fut choisi comme étape centrale du « M de Marie » en 2020. Dans un contexte historique difficile, alors que, dans l’Église, la place de la prière était remise en cause au profit d’un engagement social prioritaire, la pape Paul VI écrit une encyclique Marialis Cultus (1974) sur le culte marial. Voici ce qu’il dit : « Dans le culte de la Vierge Marie, il y a une tendance naturelle à passer de l’amour de la Mère à celui du Fils, à travers lequel tout trouve son principe et son aboutissement. » (Marialis Cultus, n° 25) Ainsi, prier la Vierge Marie n’est pas une idolâtrie mais une voie excellente pour aller vers son fils, elle qui est appelée « trône de la sagesse » avec l’enfant Jésus sur ses genoux nous tendant les bras.
Dans la liturgie, le texte du mariage à Cana (Jn 2,1ss) précise que Marie et les disciples sont présents avec Jésus. Ce récit est un merveilleux texte : il s’agit d’une noce villageoise où tous sont invités. On imagine la joie de deux familles qui s’unissent. Or Marie sent la détresse des serviteurs arriver. Pour y faire face, elle anticipe l’œuvre de salut de son Fils. Cela fait trente années qu’elle attend la manifestation de la promesse de l’ange Gabriel avec une totale confiance. Entretemps, à Nazareth, elle a éduqué son fils humainement et il l’a enseignée divinement. Le miracle de la transformation de l’eau en vin manifeste l’abondance du don de Dieu. Dieu est le Dieu de l’impossible pour qui lui fait confiance. Or Marie a choisi de vivre de la Torah et des commandements avec une totale confiance depuis sa tendre enfance. Elle sait que son fils doit débuter sa vie publique.
Dans les récits de l’Ancien Testament, Dieu agit pour les simples choses de la vie en faveur de ceux qui lui sont fidèles. Les gens de cette époque le prient pour leur famille, leurs récoltes, la victoire de leurs soldats, la protection vis-à-vis des maladies, etc. Certes, si la grâce peut tout, nous honorons notre nature en prenant en main avec sérieux les tâches qui nous incombent. Pour passer un examen, prier ne peut suffire, il faut travailler. Notre éducation chrétienne montre que nous avons à agir, éclairés par le Saint Esprit, en mettant en mouvement nos talents. Cependant, Jésus a promis d’être présent. Lui-même dit dans l’Évangile de ne pas nous inquiéter de ce que nous mangerons, ni de quoi nous nous vêtirons. Ces choses le concernerait-il donc ? Effectivement, toute chose intéresse le Seigneur. Nous sommes ses enfants et nous pouvons nous appuyer sur sa promesse de prendre soin de ses enfants. Estelle Faguette à qui la Vierge apparaît est une enfant de Dieu et celui-ci va prendre soin d’elle par l’intervention de la Vierge Marie. Dans l’Église, Marie est envoyée pour être médiatrice de toutes grâces. Elle donne tout de la part de Dieu à qui lui fait confiance. Elle intercède et elle nous visite. À la cinquième apparition de Pellevoisin, elle guérit Estelle pour qu’elle publie sa gloire.
Dans le drame à Cana, ils n’ont plus de vin à servir. Ce n’est apparemment pas un sujet très important. On pourrait dire que cela n’est pas grave. Mais dans la culture orientale, manquer de vin signifie ne plus pouvoir honorer ses invités, ce qui est un déshonneur pour la famille invitante. Marie a entendu ce qui manque pour la noce. Elle a l’intuition qu’il se passe un drame en coulisse. Elle intervient comme une mère pour ceux et celles qui ont droit aux réjouissances du mariage, particulièrement les jeunes époux que le texte ne présente pas, leurs familles et les amis invités. C’est donc elle qui se penche discrètement vers Jésus et dit : « ils n’ont pas de vin ». Jésus va agir, elle l’espère vraiment. Pour elle c’est le moment. Peut-être un ange lui a-t-il parlé ? Peut-être simplement une voix en elle lui a-t-elle dit de faire pleinement confiance ?
La voix de Marie nous invite aussi à faire confiance. Si Jésus a changé l’eau en vin à Cana, que pourra-t-il ne pas faire dans nos vies ? Posons un acte de foi comme elle ! Osons demander et mettre toute notre confiance en Jésus : « tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l’avez obtenu, et cela vous sera accordé » (Mc 11,24) et « si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi » (Lc 17,6).
Marie est « médiatrice de toutes grâces », reconnaissent les saints qui lui ont dédié leur vie, comme saint Louis-Marie Grignion de Montfort et saint Maximilien-Marie Kolbe. Le Verbe divin est venu vers nous en passant par elle. Il désire que nous allions à lui par elle. Les grâces viennent de Jésus. Cependant Marie est l’aqueduc, dit saint Bernard de Clairvaux, qui apporte l’eau vive du salut. Or nous omettons parfois de demander ces grâces à Marie. Elle n’est pas la source des grâces, mais elle en est le canal.
À Pellevoisin, Marie apparaît pour conforter l’Église qui connaît alors, en France, une crise. Elle désire qu’Estelle publie sa gloire afin que les hommes et les femmes se tournent vers elle, la reçoivent comme mère et se laissent conduire à Jésus en chantant avec elle son Magnificat. Elle fait confiance à une femme mourante, Estelle. Le message n’en sera que plus fort pour tous ceux qui l’écouteront. Estelle vivra longtemps.
Que faire si ce n’est répondre à l’appel que la Vierge Marie fait à Estelle : publier sa gloire. Comment ? Aller par elle à Jésus et la prier pour nous mettre sous sa protection. Faire connaître ses interventions divines et miraculeuses. Choisir de vivre dans la confiance en sa présence. Porter le scapulaire du Sacré-Cœur avec foi, ce que le message de Pellevoisin encourage clairement. Marie tient dans ses mains les nombreuses grâces que Jésus désire nous offrir.
Marie est reine au Ciel mais elle ne dort pas. Son cœur est large pour que chacun de nous reçoive un accueil et une place. Et comme son cœur bat au rythme du Cœur de Jésus, nous y blottir nous rapproche du cœur du divin maître. Si nous lui faisons confiance, ce n’est pas pour nous blottir comme des nouveaux-nés : nous sommes adultes et devons nous comporter comme tels. À Cana, Marie donne une des paroles les plus fortes pour tout disciple quand elle dit aux serviteurs de la noce « faite tout ce que mon Fils vous dira » (Jn 2,5). L’ordre est sans discussion. Nous sommes invités à obéir à Marie qui nous demande d’écouter Jésus et de mettre en pratique sa parole soit l’Évangile. Il n’y a pas d’autres voies spirituelles. La demande est explicite. Il en va de notre vie et de celle de l’Église à laquelle sont invités tous les humains qui écouteront la proclamation de la Bonne Nouvelle du salut et seront baptisés.
En ces jours qui concluent le temps des vacances et nous introduisent dans une nouvelle année scolaire, plaçons nos projets et nos activités sous le regard de Marie. Confions-lui nos bonnes décisions. Enrichissons nos agendas par des rendez-vous spirituels de prière. Le Seigneur nous attend et la Vierge Marie nous y accompagne.
Nous prions maintenant ensemble, nous confiant mutuellement à la prière les uns des autres.
Notre-Père