La joie ! Elle éclaire nos vacances d’été et nous apporte une bonne humeur contagieuse. Elle fut au rendez-vous des jeux olympiques, sur les visages, par les sourires échangés, dans les regards brillants et émerveillés. La joie transfigure nos journées lorsque nous regardons avec bienveillance les personnes rencontrées, les aventures vécues et les découvertes faites. La joie équilibre notre mental, elle redresse nos corps fatigués, elle nous donne envie de sortir de nos enfermements passagers et de nos replis sur soi. Elle est un remède face à la tentation de « l’à-quoi-bon ».
Ce 15 août, la fête de l’Assomption fut cause de grande joie spirituelle. À Chartres, la cathédrale était pleine pour la grand-messe et pour les vêpres solennelles qui suivaient la procession en ville. L’autel, l’ambon et le brancard portant la statue de Notre-Dame étaient fleuris magnifiquement par des familles tamoules, les bannières claquaient au vent sur le parvis, beaucoup de pèlerins et de visiteurs étaient venus se recueillir auprès de la Vierge Marie. Ensemble nous avons repris les cantiques traditionnels pour honorer la Vierge qui accueillit en son sein le Verbe divin en vue de la naissance de Jésus. Ce jour de fête, l’évangile de la Visitation lu à la messe proclamait le Magnificat dit par Marie, apportant à notre liturgie une joyeuse lumière. Nous étions unis par une belle communion spirituelle dans une fraternité bien réelle dont le ciment est l’amour communiqué par le saint Esprit. La vie chrétienne est cause de joie, et l’apôtre Paul nous demande de demeurer dans la joie. La joie est un sentiment spontané, pourtant elle advient par un choix volontaire quand on est capable d’accueillir les événements de la vie de manière théologale, c’est-à-dire dans une proximité avec Dieu le Père qui nous donne la vie et nous accompagne de sa présence.
Afin de nous aider à regarder notre vie avec joie, et à puiser cette joie en Dieu quand les événements nous secouent, je reprends le début de l’encyclique Evangelii Gaudium du pape François qu’il donna à l’Église au début de son pontificat (2013) comme pour nous présenter sa vision sur ce qui adviendrait. Les premiers mots du texte sont « la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. » Cela illustre ce que nous avons vécu lors de la fête de l’Assomption. Nos cœurs étaient remplis de la joie de l’Évangile. Cependant le pape parle de « toute la vie » des personnes, et cela n’est pas l’expérience de tous. Nombreux sont ceux qui connaissent des difficultés : difficultés dans les relations sociales et professionnelles, difficultés de santé, difficultés financières et immobilières, difficultés dans les relations familiales les plus proches, difficultés politiques. Certains fortunés semblent épargnés par les problèmes de nourriture et de logement qui affectent les plus pauvres. Mais combien, riches comme pauvres, souffrent d’un vide intérieur et sont affectés par des dépressions ?
La phrase du pape parle de « ceux qui rencontrent Jésus ». Ici il nous donne une clé importante. Jésus pour les chrétiens a vécu voici deux mille ans, il a été élevé au Ciel dans la Gloire de Dieu après sa résurrection, tout en promettant aux disciples qu’il serait avec eux chaque jour, par la présence du Saint Esprit qui est Dieu. Mais cette présence annoncée reste cachée à nos yeux, puisque, comme l’affirme la Bible, personne n’a jamais vu Dieu. Dieu peut sembler échapper à nos sens. Aussi est-il bien légitime de nous demander si, comme le dit le pape François, il est possible de rencontrer Jésus. Il n’est pas présent dans son corps humain qui fut transfiguré et qui est monté au Ciel avec son âme. Par conséquent, il n’est pas facile pour des catholiques croyants et pratiquants de raconter leur rencontre avec Jésus. Comment l’avons-nous rencontré personnellement ? Est-ce une rencontre réservée à un tout petit groupe de personnes plus spirituelles ou consacrées ? Cette rencontre est-elle possible pour les laïcs parfois pris dans le tourbillon d’une vie agitée ?
Nous affirmons que oui. En effet, des chrétiens témoignent de leur rencontre avec Jésus. Certains ont été bouleversés en un lieu précis à un moment particulier. Je fais mémoire d’une femme, enseignante dans un collège en zone prioritaire où la vie scolaire était très difficile qui me dit « c’est là que j’ai rencontré Jésus, que je suis devenue croyante, alors tout a changé et j’ai reçu un amour incroyable pour ces jeunes. » Moi-même, je situe ma rencontre en plusieurs moments, mais très clairement lors d’une retraite en foyer de charité où durant six jours, tout ce que j’entendais et lisais, mes prières et mes méditations de la Parole, me révélait la présence de Jésus qui me parlait personnellement et m’appelait à le suivre dans le sacerdoce. Le signe de la véracité de cette expérience et de cette rencontre fut pour moi une joie profonde et intime, la joie d’un amour qui saisit le cœur et qui balaie les objections. Cette joie a d’ailleurs perduré avec la même intensité plusieurs semaines, signe qu’elle n’était pas une illusion passagère et factice.
Chacun peut-il expérimenter une telle rencontre et recevoir son fruit qui est la joie ? J’affirme que oui. Dieu se manifeste en des lieux divers, improbables parfois, mais aussi et peut-être surtout lorsque l’on est à l’écart, loin de l’agitation mondaine et de ses bruits, loin des réseaux qui brouillent notre tranquillité intérieure, quand on lit les évangiles sources de sagesse et révélation de la personne de Jésus et de ses enseignements. Pour être à l’écoute, la personne aura un grand bénéfice à se libérer de son péché par la confession sacramentelle qui ôte la tristesse. Cette découverte d’un Dieu qui entre en relation et qui nous parle se fait généralement au long d’un parcours, à l’instar des disciples d’Emmaüs dont l’esprit est obscurci par l’abattement et l’aveuglement mais dont le cœur se réchauffe peu à peu au long du chemin entrepris à l’écoute de Jésus qu’ils ne reconnaissent pas encore mais qui leur parle avec bienveillance des écritures saintes. La rencontre, ils la font le soir à l’auberge lorsque Jésus fractionne le pain, le bénit et leur donne. Alors ils s’avouent mutuellement combien leur cœur était brûlant de joie quand ils l’écoutaient sur la route.
« La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. » Dans cette phrase tout est presque dit de la vie spirituelle chrétienne. Croyants, nous ne recherchons pas d’abord des éléments de sagesse ou les règles d’une bonne morale, nous désirons rencontrer la personne de Jésus qui a offert sa vie pour nous et qui nous offre le salut en vue de la vie éternelle. Par cette rencontre, nous devenons aptes à entreprendre le chemin à sa suite et à lui confier toutes nos difficultés pour que nous les traversions, accompagnés par Lui, avec courage et même joie, unis les uns aux autres en Église. La communauté ecclésiale est importante afin d’apprendre à partager les bienfaits de Dieu dans nos vies, de savoir expliciter notre rencontre avec Jésus en témoignant verbalement. Tout témoignage nous permet de revivre ce don de Dieu, de le raviver, d’en prendre mieux conscience, de ne pas l’oublier. Chaque rencontre est une histoire différente et unique, mais celui qui en reçoit le récit comprend que Dieu agit intimement dans la vie de celui qui lui ouvre son cœur. C’est pour cette raison qu’il importe de redire les merveilles faites par le Seigneur. Le pape François en développe un bon argument : « ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. » Toute personne doit pouvoir entendre cette révélation et entrer en relation avec Jésus, pour son salut et pour son bonheur, en accueillant la miséricorde divine. C’est l’expérience de l’apôtre Paul qui met sa vie entière au service de l’évangélisation. La Bonne Nouvelle est cause de joie. La rencontre de Jésus est une promesse de joie. Nous sommes appelés chacun à entrer dans cet élan missionnaire. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’évangile » dit encore Paul (1Co 9,16). Cela veut dire que la joie promise s’éteint dans la vie du disciple qui se tait. Demandons-nous en vérité au nom de quoi ou de qui devrions-nous nous taire quand le message fondamental est celui de l’Amour absolu pour tous ? Mes amis, entendons encore cette affirmation du pape « la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus » afin de nous mettre en route en vue de la rentrée de nos paroisses et nos communautés. La moisson est mûre, les fruits doivent être cueillis, Jésus cherche des ouvriers pour sa moisson, zélés et aimables, en serez-vous ?
Je vous propose de prier afin que nos communautés apportent la joie de l’Évangile dans nos quartiers, pour qu’enfin resplendissent la paix et la communion entre tous. N’ayons pas peur de dire les merveilles de Dieu. Osons sortir. Notre-Père