#291 « Les religions sont-elles au service de la fraternité ou séparent-elles les peuples ? »

Les jeux olympiques se sont achevés dimanche. Ce moment fut une belle réussite, un temps de grâce, un moment de communion et une fraternité internationale. Cependant une question m’habite : pourquoi les jeux paralympiques sont-ils après et non pas pendant les jeux olympiques ? Pourquoi ces épreuves qui consacrent la persévérance et le travail d’hommes et de femmes porteurs d’handicaps ne seraient-elles pas proposées parmi celles des personnes pleinement valides ? Est-ce une simple question d’organisation ? Ne serait-ce pas l’occasion de manifester notre fraternité ? Ne serait-ce pas l’occasion de célébrer le mot inclusion ? Si vous avez quelques liens avec des membres responsables du Comité International des JO, pourquoi ne pas en faire la proposition ? La fraternité a son fondement dans notre égale dignité, et une médaille olympique a autant de valeur si le coureur a deux jambes ou une en fibre de carbone. 

Nous arrivons au dernier chapitre de l’encyclique Fratelli tutti du pape François qui a pour titre « les religions au service de la fraternité dans le monde ». Le pape ouvre ce chapitre en affirmant que « les différentes religions, par leur valorisation de chaque personne humaine comme créature appelée à être fils et fille de Dieu, offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société. » (FT 271) Mais est-ce qu’une telle affirmation correspond au point de vue de nos contemporains ? Les religions favorisent-elles la fraternité et si oui, comment ? Certains diront que les religions favorisent les guerres de… religions, ce qui est contraire à l’idée de fraternité universelle. Des hommes, moins souvent des femmes, ont guerroyé au nom de Dieu. Ce fut vrai dans le passé, cela demeure aujourd’hui. Mais est-ce vraiment pour défendre Dieu, ou leur dieu qu’ils font la guerre ? N’est-ce pas généralement pour des motifs politiques et économiques, pour avoir le pouvoir et tirer profit des richesses ? N’est-ce pas par la volonté de dominer d’autres groupes ethniques que ces guerres ont lieu ? À ces motivations humaines, certains ajoutent des slogans religieux capables de rassembler et d’inciter les gens à prendre les armes. Aujourd’hui, les hommes qui vivent sincèrement leur foi se rencontrent régulièrement et cherchent à se mettre à l’écoute les uns des autres. Le pape affirme que « la vérité, c’est que la violence ne trouve pas de fondement dans les convictions religieuses fondamentales, mais dans leurs déformations » (FT 282). Aussi, donne-t-il souvent rendez-vous, à la suite de ses prédécesseurs, pour des rencontres inter-religieuses afin de susciter des liens de fraternité voire d’amitié. Si une adhésion religieuse superficielle peut contribuer à un engagement violent, une adhésion religieuse profonde, portée par une vie de prière et de méditation, contribue à un plus grand respect en vue d’une réelle fraternité humaine. En lisant ce chapitre, voyons ce que dit le pape François. 

François cite un passage de l’encyclique Centesimus annus du pape saint Jean-Paul II qui mérite d’être citée in extenso : « S’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres. Si la vérité transcendante n’est pas reconnue, la force du pouvoir triomphe, et chacun tend à utiliser jusqu’au bout les moyens dont il dispose pour faire prévaloir ses intérêts ou ses opinions, sans considération pour les droits des autres. […] Il faut donc situer la racine du totalitarisme moderne dans la négation de la dignité transcendante de la personne humaine, image visible du Dieu invisible et, précisément pour cela, de par sa nature même, sujet de droits que personne ne peut violer, ni l’individu, ni le groupe, ni la classe, ni la nation, ni l’État. La majorité d’un corps social ne peut pas non plus le faire, en se dressant contre la minorité » (CA 44). Jean-Paul II a connu le nazisme et le communisme en Pologne. Il a vu les graves sévices infligés à son pays par ces fanatismes. Ce qu’il dit, il l’a vu. Certes des hommes et des femmes non croyants sont capables d’un engagement altruiste et égalitaire. Mais les systèmes politiques ne tiennent pas sans une grande force d’âme et le respect dû à toute vie humaine face à la puissance financière qui pervertit les rapports sociaux, alors « l’homme s’égare lui-même, sa dignité est piétinée, ses droits violés ». C’est pourquoi « chercher Dieu d’un cœur sincère, à condition de ne pas l’utiliser à nos intérêts idéologiques ou d’ordre pratique, nous aide à nous reconnaître comme des compagnons de route, vraiment frères. » dit le pape François (FT 274). Pour cela, le pape demande que l’Église s’implique dans la société civile par ses membres laïcs, qu’elle promeuve une formation incluant les textes de sagesse religieux, qu’elle déploie la doctrine sociale si pertinente pour l’époque contemporaine. Le pape conclut en disant « nous voulons être une Église qui sert, qui sort de chez elle, qui sort de ses temples, qui sort de ses sacristies, pour accompagner la vie, soutenir l’espérance, être signe d’unité […] pour établir des ponts, abattre les murs, semer la réconciliation » (FT 276).

L’Évangile est la source fondamentale de notre communion et il structure nos relations à autrui. Notre identité chrétienne en reçoit sagesse et force pour que nous agissions dans le respect de toute personne, quelle que soit sa religion. Cependant, l’Église elle-même a le besoin de creuser sa vocation à la communion en Jésus-Christ par qui nous recevons la vie nouvelle lors de notre baptême, un seul et même baptême qui nous fait enfants de Dieu, catholiques, protestants, orthodoxes. Il y a toujours urgence à approfondir notre connaissance de l’Évangile et des écritures saintes, dans le but d’une rencontre personnelle avec le ressuscité, sans laquelle notre vie chrétienne devient une morale, une norme voire une idéologie avec tous ses travers. Sans l’Évangile, les chrétiens sont incapables d’irriguer la société de l’eau vive qu’est le Saint Esprit promis pour nous enseigner toutes choses. Le pape François dit que « si la musique de l’Évangile cesse de vibrer dans nos entrailles, nous aurons perdu la joie qui jaillit de la compassion, la tendresse qui naît de la confiance, la capacité de la réconciliation qui trouve sa source dans le fait de se savoir toujours pardonnés et envoyés » (FT 277). Trop de catholiques ignorent les écritures, ne les méditent pas et ne les connaissent pas. Ils sont comme le sol pierreux au bord du chemin qui accueille la semence un instant mais ensuite qui n’a pas de terre et toute petite pousse est vite desséchée. Mais nombreux sont aussi ceux qui trouvent goût à lire la Bible et à suivre des formations bibliques dans leur diocèse ou en ligne auprès des universités catholiques. Le premier enjeu n’est pas de nourrir notre vie personnelle, mais de nourrir nos racines par l’eau spirituelle pour porter un fruit véritable en tissant des liens de communion entre tous. 

L’encyclique Fratelli Tutti du pape François s’achève en mentionnant l’engagement signé conjointement entre lui et le grand Imam Ahmad Al-Tayyeb d’Abu Dhabi, qui réaffirme que les religions sont au service de la paix et que personne ne peut tuer au nom de Dieu. Dieu se défend lui-même. J’ajoute une conviction personnelle : quiconque tue au nom de Dieu commet un blasphème car il prend la place du juge éternel et il joint l’acte à son jugement en accusant une tierce personne. Tuer est toujours un crime, quelles que soient la motivation et les circonstances, et le justifier par une obéissance à Dieu est une folie absurde. L’on peut tuer avec un couteau mais aussi avec des paroles acérées. 

Au terme de ce parcours sur la fraternité, nous prions encore pour l’unité entre les peuples. Là est le profond désir de Jésus : « que tous soient UN Père comme toi et moi sommes UN. » Les jeux olympiques ont montré la grandeur de ce projet sportif et la beauté des humains lorsqu’ils sont ensemble. Chacun lutte pour la victoire, mais la joie est partagée entre les vainqueurs et les vaincus. Si les hommes et les femmes impliqués en politique, si les citoyens pouvaient se rapprocher ainsi, la fraternité deviendrait plus effective pour le bien de tous en nos sociétés. Prions le Saint Esprit afin d’être source de fraternité avec les personnes qui vivent à nos côtés afin d’être artisans de paix là où nous vivons et travaillons.  
Notre Père.

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