#286 « Aurons-nous un cœur ouvert au monde entier ?  »

Notre société a tant besoin de fraternité ! Poursuivons la lecture de l’encyclique Fratelli tutti du pape François (2020) avec le quatrième chapitre intitulé « un cœur ouvert au monde ». Le cœur est le lieu symbolique de l’acte d’aimer. « Avoir du cœur » signifie être sensible aux besoins des autres. Puisque la tentation du repli et de l’individualisme est actuellement forte, elle n’aide pas l’homme à déployer ce qu’il est par nature, un être en relation. Pour le pape François il est essentiel que nous développions des relations nouvelles et enrichissantes, notamment envers les plus pauvres et les migrants. Il précise dans son texte que « nos efforts vis-à-vis des personnes migrantes qui arrivent peuvent se résumer en quatre verbes : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer » afin « d’accomplir ensemble un chemin à travers ces quatre actions. » Le mot « ensemble » est précieux, car aucune voie ne s’ouvrira durablement sans bâtir un projet qui associe l’humanité tout entière. Des hommes et des femmes, notamment des associations chrétiennes réalisent cet accueil et apportent un soutien, cherchant à intégrer les migrants. Le pape apporte une remarque peu commune : « il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités. » (FT 131) En effet, nommer un groupe de personnes par un terme propre à leur groupe les situe d’emblée à part. Ce terme les englobe et les enferme ailleurs, hors de la vie de la collectivité. Cette mise à l’écart suscite un sentiment d’exclusion pour les gens de ce groupe et une attitude de rejet envers eux par les autres.

Lorsque nous ouvrons notre cœur au monde, nous découvrons avec émerveillement la vie des autres peuples et cultures. Les voyages à la rencontre des populations lointaines favorisent la connaissance et donc l’amour mutuels. En découvrant de manière authentique les personnes, chacun comprend comment il peut aider via les associations et les ONG implantées sur place. Le pape François reprend l’idée « d’aider effectivement l’intégration des migrants dans les pays d’accueil, et en même temps favoriser le développement des pays de provenance par des politiques solidaires » (FT 132). Un migrant quitte son pays parce qu’il ne peut y vivre décemment ou sans risque pour sa vie, malgré l’attachement qu’il porte à sa terre natale et à ses coutumes. Quitter son pays est le plus souvent une véritable épreuve, qui comprend des risques, dont celui de l’isolement, lot commun de la migration.

Les migrations existent depuis toujours. Nous sommes aussi les enfants de migrants. Le pape dit que « lorsqu’on accueille l’autre de tout cœur, on lui permet d’être lui-même tout en lui offrant la possibilité d’un nouveau développement » (FT 134). Aucune barrière ne peut arrêter celui qui recherche un avenir pour sa famille. C’est en amont que doit être opérée l’action internationale de promotion de la paix et du développement. Voici encore un propos du saint Père pour nous éclairer : « Il faut développer cette conscience qu’aujourd’hui ou bien nous nous sauvons tous ou bien personne ne se sauve. La pauvreté, la décadence, les souffrances, où que ce soit dans le monde, sont un terreau silencieux pour les problèmes qui finiront par affecter toute la planète. Si la disparition de certaines espèces nous préoccupe, nous devrions nous inquiéter du fait qu’il y a partout des personnes et des peuples qui n’exploitent pas leur potentiel ni leur beauté, à cause de la pauvreté ou d’autres limites structurelles, car cela finit par nous appauvrir tous » (FT 137). Cela revient donc à reconnaître que tous nous tirerons des bénéfices à ce que ces peuples aujourd’hui en difficulté soient soutenus. « Cela profitera finalement à la planète entière parce que l’aide au développement des pays pauvres entraîne la création de richesse pour tous » (FT 138).

Le texte continue en mentionnant une gratuité qui accueille pour mieux se recevoir l’un de l’autre. Citons encore ce passage : « celui qui ne vit pas la gratuité fraternelle fait de son existence un commerce anxieux ; il est toujours en train de mesurer ce qu’il donne et ce qu’il reçoit en échange » (FT 140). Le pape ajoute « Nous avons reçu la vie gratuitement, nous n’avons pas payé pour l’avoir. Alors nous pouvons tous donner sans rien attendre en retour, faire du bien sans exiger autant de cette personne qu’on aide. C’est ce que Jésus disait à ses disciples : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8) (FT 140). « Seule une culture sociale et politique, qui prend en compte l’accueil gratuit, pourra avoir de l’avenir » (FT 141). Nous retrouvons cette belle notion déjà dans l’encyclique Caritas in Veritate du pape Benoît XVI qui affirme que « la gratuité existe et se manifeste à travers la solidarité et les formes de collaboration, de bénévolat et d’engagement citoyen. L’être humain est fait pour le don, qui exprime et réalise sa dimension de transcendance » (DC 34). La gratuité est délicate, car les rapports humains, même solidaires, sont le plus souvent régis par des intérêts. Celui qui demande asile ou de l’aide est soumis au bon vouloir de celui qui peut répondre à sa demande. Si ce dernier se met réellement au service du nécessiteux, qu’il n’oublie pas la mise en garde de saint Vincent-de-Paul : « la main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit ».

Mais comment accueillir en restant fidèles à notre culture et à notre histoire ? Dans ce chapitre « un cœur ouvert au monde », le pape précise que « la solution ne réside pas dans une ouverture qui renonce à son trésor propre. » En effet, dit-il « le bien de l’univers exige également que chacun protège et aime sa propre terre » (FT 143). Pour cela « il est nécessaire d’enfoncer ses racines dans la terre fertile et dans l’histoire de son propre lieu, qui est un don de Dieu » (FT 145). On peut dire que la maison qui accueille les visiteurs doit avoir de bonnes fondations pour ne pas être emportée par le vent et risquer la vie de ceux-ci. Le vrai accueil est un échange de dons. « En réalité, une ouverture saine ne porte jamais atteinte à l’identité. Car en s’enrichissant avec des éléments venus d’ailleurs, une culture vivante ne copie pas ou ne reçoit pas simplement mais intègre les nouveautés “à sa façon”. Cela donne naissance à une nouvelle synthèse qui profite finalement à tous, parce que la culture d’où proviennent ces apports finit par être alimentée en retour » (FT 148).

Sommes-nous ouverts pour recevoir les dons des arrivants ? Ne sommes-nous pas trop riches en France pour attendre de ceux qui viennent vers nous quelques biens qui viendraient nous enrichir ? C’est l’ignorance de l’histoire des autres peuples et de leurs cultures lointaines qui limite notre ouverture intellectuelle. C’est donc une œuvre de communion et d’échange qui construira la fraternité entre nous tous, entre les pays non pas destinés à se situer les uns à côté des autres, mais ensemble en communion. Le pape parle ici d’un « réseau de communion universelle qui trouve là sa beauté. » C’est donc aussi par l’éducation et la rencontre que ce processus positif se développe au profit de tous, surtout d’une paix durable, en s’appuyant sur une authentique justice que tout État digne doit promouvoir. Ensuite, pour qu’une fraternité croisse, l’amour doit jaillir mais il dépend de chacun de nous, car l’amour ne se décrète pas par la loi.

Demandons au Seigneur « un cœur ouvert au monde » sans lequel craignons qu’il n’y ait pas d’avenir pour nos sociétés sauf celui des oppositions qui aboutissent possiblement aux guerres.

Notre-Père.

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