#263 « Comment se mettre en présence de Jésus ? »

La prière est une relation entre une personne croyante et Dieu. Beaucoup de gens cherchent à méditer pour se détendre, se recentrer sur soi, faire une pause et trouver un moment de paix. Cette forme de méditation calme l’esprit souvent pris dans le tourbillon des pensées et des soucis. On cherche « à faire le vide », entendons-nous dire. Or la prière chrétienne n’est pas cela. Elle désire créer un lien, une communion, entre soi et Dieu. À l’époque de l’Ancien Testament, Dieu tout-puissant et créateur était craint par les hommes. Les manifestations naturelles tels le vent ou la tempête étaient considérés comme une expression de l’action divine. La prière voulait satisfaire la divinité, la concilier afin que son courroux s’apaise. Or depuis l’incarnation et la révélation de Jésus comme Fils de Dieu, l’homme priant découvre la proximité de Dieu qui ouvre un chemin de cœur à cœur, qui permet un échange fait d’amour dans une confiance réciproque. Certes Dieu est Dieu et l’homme est une simple créature mais, en découvrant la miséricorde divine, le priant s’incline doucement pour se mettre en sa présence. Croire est une rencontre. Le pape François introduit son exhortation apostolique La joie de l’Évangile par ces mots : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus » (EG 1). Il nous rappelle que le chemin de la foi est un pèlerinage en présence de Dieu que l’on rencontre dans notre vie quotidienne, par l’amitié et l’amour conjugal, par la méditation de la Parole divine, dans les sacrements. Le pape ajoute : « j’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. » (EG 3) Cette prise de décision en vue de rencontrer Jésus implique de faire un pas qui engage notre liberté. Comme l’aveugle Bartimée, l’homme doit se lever et aller vers Jésus. 

C’est pourquoi, j’aimerais aborder aujourd’hui le thème de l’invitation à se mettre en présence de Dieu. Le catholicisme est une religion de la présence et il est utile de rappeler que l’eucharistie est le sacrement de la présence réelle de Jésus. Mon dernier entretien traitait de la louange. Je souhaite vous parler aujourd’hui de la prière et de la présence de Dieu. Nous ne cherchons pas à faire le vide en nous, mais à rencontrer celui qui vient faire sa demeure en nous, qui se fait proche et qui nous fait découvrir que nous ne sommes jamais seuls. 

Une femme catéchumène m’écrit : « malgré les difficultés, je savais que le Seigneur était là, avec moi, et j’ai continué à prier, chaque soir, à échanger avec lui, à ressentir sa présence. Il m’a toujours accompagnée, et, tel un guide, il m’a montré le chemin, il a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. » Voici l’expérience telle qu’elle la vit et telle que chacun de nous peut la vivre. Le pape Benoît XVI écrivait « à l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Deus Caritas est, 1). C’est précisément ce que cette femme a expérimenté. Elle a rencontré une personne dans laquelle elle a reconnu le Seigneur, ce même Seigneur que celui qui a partagé sa vie avec les douze disciples. Il est merveilleux de voir comment la vie de cette catéchumène est bouleversée. Elle ajoute « je suis enthousiaste à chaque rencontre avec le Seigneur. Depuis que j’ai entrepris ce chemin, j’ai l’impression d’être enfin moi-même. »

Le pape François propose que l’année 2024 soit une année pour la prière et il nous demande « d’intensifier votre prière pour nous préparer à bien vivre cet événement de grâce et à expérimenter la force de l’espérance de Dieu » (Angelus du 22 janvier 2024). Le verbe intensifier exprime que chacun est responsable de son élan et de son ardeur à se mettre en prière pour recevoir la grâce divine. Prier est un acte d’abandon dans la présence de Jésus et simultanément la prière appelle un engagement pour nous mettre en prière, pour prendre la bonne attitude physique, trouver le bon moment et le lieu adéquat. 

Entrer en présence de Jésus est une étape importante et nécessaire pour prier. Jésus l’affirme : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,20) et encore « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). Il ne s’agit pas d’une présence symbolique : Jésus demeure bien en nous et avec nous. Il est toujours présent même si nous ne le voyons pas de nos yeux. 

J’insiste sur cette action qui consiste à entrer en présence de Jésus. Un merveilleux maître de la prière se nomme saint François de Sales. Dans son Introduction à la vie dévote il donne de précieux conseils, convaincu que l’oraison n’est pas réservée aux consacrés, aux prêtres ou aux moines mais qu’elle est pour tous les fidèles. Il affirme que chaque personne, quelle que soit son éducation, est capable de faire oraison. Comment entrer en oraison ? Une fois les conditions de lieu et de temps posées, toute prière chrétienne commence par le signe de la Croix. En effet, la Croix que nous traçons depuis notre front jusqu’au nombril, puis sur chaque épaule, était un supplice atroce réservé aux esclaves et elle est devenue le signe de l’amour le plus parfait qu’un homme innocent a offert en victime pour sauver les hommes de leur péché et de la mort. La Croix va de la terre au Ciel dans sa verticalité, unissant symboliquement les hommes et Dieu, et elle va de la droite à la gauche, comme pour embrasser tous les humains et les rassembler en Jésus-Christ. Au centre de ces deux lignes se trouve le cœur de Jésus qui brille d’un feu ardent pour nous communiquer un amour infini et purifiant. En traçant la Croix très doucement sur lui, le priant se met en présence de Jésus vivant depuis sa résurrection et présent par son Esprit. En son esprit, le priant exprime « Dieu, je te reçois en traçant la Croix, toi qui es Père, Fils et Saint Esprit. » 

Puis saint François de Sales recommande que nous ayons une oraison mentale, faite de mots adressés à Jésus pour demeurer consciemment en sa présence. Certes, les distractions vont nous éloigner parfois mais nous y revenons alors, le bénissant pour sa présence, le remerciant pour les grâces reçues, lui confiant ce que nous vivons. Nous lui parlons comme à un ami qui serait en face de nous, en nous aidant des évangiles par lesquelles nous pouvons nous imaginer à son époque au bord du lac ou dans le désert. Nous pouvons nous représenter ces lieux et ces rencontres avec des personnes venues l’écouter. Nous l’écoutons nous redire les mêmes mots. Le pape François écrit : « cette présence ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée. Dieu ne se cache pas à ceux qui le cherchent d’un cœur sincère, bien qu’ils le fassent à tâtons, de manière imprécise et diffuse (EG 71) ». Dans la prière nous entrons dans l’écoute, en évitant de revenir aux soucis du monde, en restant unis à Jésus par des paroles d’union et de bénédiction que nous lui adressons. En étant attentif, le priant reçoit des motions par lesquelles Jésus s’exprime. Aussi peut-on s’interroger : quelle parole surgit des tréfonds de notre mémoire ? Y a-t-il un verset biblique dont je me souviens ? Ai-je des pensées spirituelles qui se manifestent avec clarté ? Il ne faut pas trop s’attacher aux sentiments et aux émotions, mais chercher à entendre et à retenir ces mots qui émergent. Il serait bien de les noter sur un carnet de prière. On comprend pourquoi le silence est précieux pour écouter, comme la bonne disposition intérieure afin d’être disponible pour cet échange intime. Et quand nous quittons ce temps d’oraison, nous ne quittons pas Jésus, car là où nous allons il demeure en nous. 

Une autre considération importe. Jésus s’est toujours fait proche des petits et des pauvres, de ceux qui ne s’imposaient pas à lui par leur rang social ou par d’autres considérations. Il a loué Marie de Béthanie qui s’est mise à ses pieds pour l’écouter avec attention. Il désire nous parler de manière spéciale et personnelle. Mais cela implique que nous soyions dans une attitude ouverte et humble, que nous désirions nous laisser guider. 

Il y a une dimension missionnaire dans cet art d’être en présence de Jésus et de lui permettre d’éclairer notre vie. En découvrant la présence de Dieu dans les Écritures inspirées, dans le cœur de nos frères et sœurs, en étant vigilant pour nous tenir en sa présence, nous sommes transformés par le Christ vivant et nous le portons alors vers les autres. La foi est contagieuse lorsque le chrétien porte sur son visage la clarté de Dieu. L’Esprit le tient en joie et cette joie devient un signe pour le monde séculier qui pense pouvoir se passer de Dieu. Peut alors jaillir un questionnement : « quel est ce Dieu en qui tu crois ? » La vie transfigurée par la présence de Dieu atteint celui que nous rencontrons et l’attire. 

En ce jour, nous célébrons la présentation de Jésus au temple de Jérusalem. C’est là qu’il rencontre le vieillard Siméon et la prophétesse Anne qui espéraient voir le Messie de Dieu avant de s’en aller en paix vers le Ciel. Il est dit qu’ils passaient leur vie en louant Dieu dans son Temple. Aujourd’hui, nous prions particulièrement pour les personnes consacrées dans un célibat pour le Royaume comme le fut Jésus. Oui, nous pouvons prier avec la Vierge Marie en reprenant la consécration à Jésus par Marie composée par saint Louis-Marie Grignion de Montfort : 

Je Vous choisis aujourd’hui, ô Marie, en présence de toute la Cour Céleste, pour ma Mère et ma Reine. Je Vous livre et consacre, en toute soumission et amour, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, Vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m’appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, à la plus grande Gloire de Dieu, dans le temps et l’éternité.

Amen.

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Je confie mon intention de prière

Votre intention sera confiée à la prière des sœurs de Saint-Paul de Chartres.