Message de Monseigneur Christory

Chers amis,

Mon oncle, Emmanuel Duprez, est mort ce mardi 10 juin au Burkina Faso. Il était frère chez les Pères Blancs d’Afrique, ayant discerné durant son noviciat qu’il n’était pas appelé à la prêtrise. Dès sa première mission, il est nommé à Nouna à l’Ouest du pays. Il a fait le choix tout de suite de vivre proche des burkinabés qu’il appelait ses frères. En 1994, il écrivit son premier livre sous le titre « Frère parmi mes frères ». Il disait : « Oui, à cette époque le Burkina Faso paraissait être un des plus beaux pays du monde, malgré sa pauvreté et ses difficultés dans son développement, mais partout régnait une joie de vivre qui se traduisait aussi bien dans les moments de détente que dans les moments de travail, dans les relations en famille comme dans la société civile. »

Il vivait simplement, visitant volontiers les maisons pour des temps amicaux. Il s’est fait de nombreux amis durant la soixantaine d’années qu’il vécut là, juste entrecoupées par une pause quand il fut appelé à Paris pour la gestion des biens des missionnaires.

Le 15 mai dernier, il écrivit à la famille alors que Mgr Guy Sanon était ordonné comme nouvel évêque :

« Pour moi, c’est le quatrième évêque avec qui je vais collaborer. D’abord Mgr Jean Lesourd, Missionnaire d’Afrique, de 1966, année de mon arrivée à Nouna à 1973, puis Mgr Zéphyrin Toé de 1973 à 2000, enfin Mgr Joseph Sama de 2000 à 2025. Comme j’ai eu à le dire lors de la messe, c’est vraiment une continuité dans la charge pastorale. Bien que retraité, courant vers mes 84 ans, je me réjouis pour cette nouvelle collaboration, tant que le Seigneur me donnera vie. »

Il ajoutait :

« Quant à moi, vous le savez déjà, je reste un retraité heureux qui a la liberté de travailler ou de rendre des services. La grande salle polyvalente est achevée, mais les chantiers se poursuivent avec un bâtiment pour les médecins et l’ethnographie au Centre Médical Notre Dame de l’Espérance et surtout l’église pour la paroisse Saint Joseph. Donc si vous voulez m’aider, ou plutôt aider le diocèse, n’hésitez pas, vos dons sont plus qu’appréciés et ce sont de bons placements, « des placements auprès de Dieu ». Faites vos dons via les Missionnaires d’Afrique, 5 rue Roger Verlomme, 75003 PARIS, chèque à l’ordre de « SMA Pères Blancs » pour les œuvres du Frère Emmanuel Duprez.

La chaleur n’est pas excessive, vers 13h-14h elle tourne sur les 42 degrés, mais le fond de l’air est vraiment humide, mais lorsque l’on est heureux et joyeux on la supporte, et maintenant avec en plus la joie de la présence de notre nouvel évêque qui va donner un nouvel élan et dynamisme au diocèse, notre joie est encore plus profonde. »

Il a beaucoup fait pour ce pays devenu le sien lorsque le président l’a honoré en lui proposant de devenir un fils du pays et en lui offrant la naturalisation. C’était sa fierté que d’être ainsi membre de la famille. Ayant pris sa retraite à Nouna, il a toujours affirmé qu’il désirait reposer à Nouna et c’est là que son corps sera inhumé dès son rapatriement de la capitale Ouagadougou.

Je ne peux me remémorer tous les chantiers qu’il conduisit. Il a bâti un grand atelier voitures à la mission catholique pour l’entretien et la formation des mécaniciens, une pharmacie qui fut connue dans tout l’Ouest du pays grâce à des envois de médicaments depuis l’Europe, un Centre spirituel avec des bâtiments de logements et de rencontre, surtout « sa » basilique à Moundasso qu’il comparait volontiers à celle de Yamoussoukro avec un sourire joyeux, un Carmel pour des carmélites venues d’Espagne, il a fait creuser de nombreux puits. Ses bonnes compétences de gestion et de comptabilité l’ont conduit à être économe de la Conférence épiscopale du Burkina Faso et à aider la conférence épiscopale de plusieurs pays alentour.

S’il était en retraite, il ne s’est jamais arrêté d’aider et de monter des projets, actuellement la nouvelle église Saint-Joseph à Nouna. Avec un ami musulman, sculpteur et peintre, ils ont réalisé un chemin de croix proche de la cathédrale sous forme de fresques en relief très colorées et en grandeur nature. Le soir, il aimait tant avoir de nombreux amis autour de lui pour boire une bière, pas seulement des chrétiens, mais des personnes de tous horizons. Sa porte n’était jamais fermée malgré l’insécurité.

En décembre 2023, il précisait son choix de demeurer sur place :

« J’ai déjà eu à expliquer ce qu’est un frère chez les Missionnaires d’Afrique : un laïc, engagé à vie, qui n’évangélise pas directement, qui ne baptise pas, qui ne prêche pas, qui ne célèbre pas la messe, mais qui met ses compétences professionnelles au service d’une église locale, d’une communauté. Je suis au milieu de cette communauté de Nouna, partageant tout avec mes frères ici, malgré les multiples difficultés. Devrais-je quitter à cause de cette situation latente d’insécurité comme m’y ont invité l’ambassade de France ou divers responsables ? Je ne recherche pas le martyre, d’autant que la vie est une trop bonne chose. Ici à Nouna, tout le personnel religieux est toujours en place : l’évêque et ses prêtres, les trois communautés de sœurs : Sœurs de l’Annonciation, Filles de la Charité et Sœurs de Sainte Thérèse d’Avesnes, les Frères des Ecoles Chrétiennes et bien des personnes consacrées et la question ne se pose pas pour le moment. Et c’est ainsi que j’ai choisi de continuer à donner mon témoignage de frère parmi mes frères, malgré les difficultés actuelles, les souffrances de ce que nous vivons et partageons ensemble, un témoignage missionnaire qui est peut-être propre à ma personne, mais témoignage que je fais dans la joie et le partage avec tous. »

A Nouna, Mgr Joseph Sama, évêque émérite, m’a dit l’émotion qui s’est emparée de toute la ville. Je me souviens que mon oncle me disait lors de mon déplacement pour les 75 ans de la cathédrale (il l’avait fait repeindre pour l’occasion), qu’il était le seul blanc à 100 kms à la ronde. Mais dans sa tête, je crois qu’il se voyait comme un frère noir tellement il aimait chacun.

Mon oncle est parti vers le Père. Qu’il repose en paix.

A la cathédrale de Chartres, nous célébrerons la messe du mercredi 18 juin à 18h15 à son intention. J’invite ceux et celles qui le peuvent à se joindre à cette messe de requiem. A l’issue, vous serez tous invités pour boire l’apéritif dans la cour du rectorat, car mon oncle était un bon vivant qui savait honorer le don de la joie avec ses amis. En son nom, nous trinquerons !

Merci pour chaque prière que vous offrirez pour son salut, je ne doute pas que Jésus-Christ lui ouvrira vite la porte du Ciel.

Mgr Philippe Christory, + Evêque de Chartres