#96 « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! »

Je commence par vous partager la joie profonde que j’ai eue voici quelques jours en instituant lecteur et acolyte un séminariste du diocèse de Chartres, Clément Pierson, avec six autres jeunes gens, en vue du sacerdoce. Célébrée en huit clos, cette liturgie était chantée par le chœur du séminaire des Carmes. Permettez-moi de vous redonner un extrait de l’homélie de cette messe qui parlait de l’amour dans le cœur du bon pasteur : « Ne craignez donc pas votre petitesse. Ne craignez pas vos limites. Ne craignez pas vos fragilités car c’est par ces fissures du cœur que passe la lumière. Nous sommes aimés, soyons en sûr. Cette expérience de l’amour est nécessaire car l’amour est le cœur du message que vous aurez à annoncer. Vous savez combien le témoignage des actes que nous posons, des paroles que nous prononçons, de l’écoute que nous offrons, de l’attention à tous et particulièrement aux pauvres disent quelque chose de l’amour qui habite dans le cœur du pasteur. Nous ne pouvons pas tromper les autres. Le peuple a un sensus fidei affiné et il reconnaît l’amour dans le cœur du pasteur. Il vous faudra cet amour profond et vrai pour inviter les fidèles à vivre dans l’amour. Avoir cet amour est plus important que d’être fort et apte. Aimer Dieu et aimer son prochain forment un même commandement. Cependant ce commandement se dit par l’offrande de la vie, pas par des postures ou des discours, comme Jésus s’offre totalement dans le silence face à Pilate pour nous et pour le salut de l’humanité. Votre vie révèlera l’amour que vous recevez de l’Esprit, cet amour que vous offrirez alors aux autres. »

C’était ce jour-là l’anniversaire du décès de mon père, mort en 2016, qui a tant fait pour soutenir des séminaristes durant plus de quinze ans, apportant toujours un message d’espérance aux centaines de bienfaiteurs qu’il visitait chaque année. Il eut été heureux d’y être mais possiblement il fut présent du haut du Ciel.

Maintenant continuons notre lecture de l’encyclique Fratelli tutti. Dans le chapitre 7, le pape parle « des parcours pour se retrouver ». Cela signifie que la fraternité n’est pas tant un but ou un point final à atteindre qu’une marche à faire ensemble, une route que chaque génération devra emprunter à nouveaux frais. Pour croître dans la fraternité, regardons la réalité en face et ne rêvons pas d’une époque ancienne qui aurait été meilleure. Cela implique que nous soyons dans la vérité. La vérité, « compagne indissociable de la justice et de la miséricorde » (n°227) nous « conduira à la réconciliation et au pardon. » Pour être pleinement frères, nous devons vivre un dialogue dans la vérité : il implique la possibilité d’exprimer les désaccords, les différends, le mal subi, la souffrance, afin que chacun prenne conscience des violences qui ont blessé les relations humaines. La vérité peut et doit même nous conduire à ne pas nous voiler la face, à ne pas nier des histoires douloureuses, parfois enfouies, comme les abus sexuels commis par des clercs dans l’Église, le harcèlement dans le travail, les formes d’esclavage imposées à des personnes en situation de fragilité ou encore le rejet motivé par les différences sociales, etc. L’écoute des personnes en souffrance est un travail exigeant et patient. La béatitude prononcée par Jésus « heureux les artisans de paix » (Mt 5,9), exprime – c’est le sens du mot artisan – q devient le lieu de la guérison. La parabole des talents nous rappelle que chacun reçoit de Dieu des talents selon ses capacités eu’il faut apprendre et persévérer par un travail persévérant pour construire une paix authentique. C’est ensemble, au service des autres, dans l’élaboration d’une culture de la paix et du partage que peu à peu se met en place une fraternité ouverte à tous quit qu’en réalité tout se reçoit de Dieu. Il n’y a aucune raison de nous comparer sur ce point, mais il importe de nous aider mutuellement à développer les dons que Dieu nous a faits. Les talents du cœur sont au cœur de la fraternité.

Le pape parle dans ce chapitre du pardon, souvent difficile lorsque les blessures sont profondes. Comment pardonner la personne qui a fait tant de mal ? Pardonner ne signifie pas cesser de lutter contre les injustices, contre ce qui conduit au mal. Pour préserver la dignité de chacun, ce combat est nécessaire pour que le mal ne recommence pas son œuvre de souffrance, c’est même une exigence. Le texte donne des pistes de réflexion pour ce combat. L’une d’entre elle est de faire œuvre de bonté : telle une force, la bonté permet de refuser la vengeance qui ne peut pas assouvir la soif de justice d’une victime. Une autre est de cultiver les vertus pour promouvoir la réconciliation, la solidarité et la paix. Une autre encore est de faire mémoire et ne pas oublier les maux imposés dans l’histoire, les persécutions, les guerres, le trafic d’esclaves. L’oubli ferait des hommes des êtres anesthésiés et manipulables par des personnes qui recommenceraient le cycle infernal des guerres, de la violence et du mal. Car la guerre est toujours injuste, elle sème la souffrance, elle laisse le monde pire que l’état d’avant. « Jamais plus la guerre, jamais plus » avait crié le pape saint Paul VI devant l’hémicycle de l’ONU le 4 octobre 1965.
Ce chapitre du texte du pape François s’achève sur la prophétie d’Isaïe « ils briseront leurs épées pour en faire des socs de charrue. » (Is 2,4) L’énergie qui monte en nous face aux injustices et aux souffrances peut-elle être orientée vers des œuvres de miséricorde, pour nous entraider et dialoguer, pour construire cette fraternité effective entre tous ? Jésus-Christ annonce un monde nouveau, qui se fera par sa grâce avec les talents de chacun de nous. Puisons dans l’adoration les forces spirituelles pour ne pas faillir, pour repartir lorsque nous sommes affligés. Chacun de nous a une place dans le grand projet divin.
En ces jours de confinement, nous aimerions nous ressourcer spirituellement ensemble. Nous sommes sensibles aux expressions du besoin de nos contemporains, besoin de relations sociales, besoin de sport et de détente, besoin de nature, besoin de travailler en équipe, besoin de culture, enfin besoin d’amitié et de fraternité. Beaucoup de personnes vivent une profonde souffrance due à la solitude et aux conditions de vie confinée qui isolent même au sein des familles. L’homme est un être de relations et le manque est tel que les consultations en psychologie ont doublé. Heureusement nous voyons parmi les croyants un élan de prière nouveau et des actes de charité vers les proches. Pour certains, en leur maison devenue église domestique, c’est la première expérience d’une vie spirituelle dense et quotidienne.

Reste à ce jour l’interdit des rassemblements. La messe nous manque, mais n’est-ce pas le cas pour des millions de catholiques âgés ou malades qui ne peuvent plus sortir depuis longtemps ? Qui leur porte la communion ? Eux en sont privés car une fois reclus chez eux, la communauté paroissiale les oublie. Ouvrons les yeux, reprenons nos listes de noms, allons visiter, manifestons notre fraternité, apportons Jésus eucharistie. Simultanément nous sommes solidaires avec les malades et les soignants.

Faut-il manifester comme certains ont choisi de le faire ? Manifester est un droit absolu pour tout citoyen français. Mais ne faudrait-il pas le faire plutôt devant la préfecture qui incarne l’État puisque la loi cause ce mécontentement ? La prière et la messe s’adressent à Dieu, elles ne peuvent être un moyen de manifester vers le gouvernement. Nous avons nos armes spirituelles pour ce combat, notre prière, le jeûne et la charité, à utiliser sans limites. Nous pourrions aussi inventer des pèlerinages seul ou en famille, dans le respect des gestes-barrières, vers une église puisque la distance ni la durée ne sont plus comptées pour nous y rendre (toujours mettre « motif familial impérieux »).

Surtout, si nous voulons tant la messe, il serait nécessaire de prier plus encore pour que nos fils soient les prêtres de demain.

Maintenant je vous bénis au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Prions Notre-Dame du Sacerdoce dans nos foyers et demandons des vocations sacerdotales.

Vierge Marie,
Mère du Christ Prêtre,
Mère des prêtres du monde entier,
Vous aimez tout particulièrement les prêtres,
Parce qu’ils sont les images vivantes de votre Fils unique.
Vous avez aidé Jésus par toute votre vie terrestre,
Et vous l’aidez encore dans le ciel.
Nous vous en supplions, priez pour les prêtres,
Priez le père des cieux pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson.
Priez pour que nous ayons toujours des prêtres,
Qui nous donnent les sacrements,
Nous expliquent l’Évangile du Christ,
Et nous enseignent à devenir de vrais enfants de Dieu.
Vierge Marie, demandez vous-même à Dieu le Père,
Les prêtres dont nous avons tant besoin,
Et puisque votre cœur à tout pouvoir sur lui,
Obtenez-nous, ô Marie,
Des prêtres qui soient des saints.
Amen.