#94 « À notre tour d’être saint ! »

Après Nice, la folie a frappé à Vienne. Pourquoi l’amour disparaît-il dans le cœur d’un homme au point de vouloir tuer et encore tuer ? Un frère et ami, le père Hermann Glettler, est devenu évêque d’Innsbruck en Autriche et j’ai eu la joie de le visiter dans ce beau Tyrol et aussi à Vienne et à Graz. Ce merveilleux pays, avec ses montagnes, ses chalets fleuris, ses lacs et ses chants nous fait rêver, comme en écho au film « la mélodie du bonheur » avec la touchante famille Von Trapp. Face aux attentats qui voudraient briser le rêve, nous pourrions être saisis par la peur. Or pourquoi craindre ? Jésus nous enseigne : « Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ? » (Mt 6,27) Notre vie est précieuse. Cependant elle reste un passage, une sorte de pèlerinage vers l’au-delà. Aussi Jésus nous enseigne-t-il : « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » (Jn 12,25). Saint Paul vivait dans un monde cruel où la mort était omniprésente à cause des maladies, de la guerre et des violences des romains. Dans ce contexte-là, chaque journée était vécue comme une bénédiction. Saint Paul dit aux habitants de la ville de Philippes qu’il remet joyeusement sa vie entre les mains de Dieu : « si je dois verser mon sang pour l’ajouter au sacrifice que vous offrez à Dieu par votre foi, je m’en réjouis et je partage votre joie à tous. Et vous, de même, réjouissez-vous et partagez ma joie. » (Ph 2, 17-18) Saint Paul est prêt à donner sa vie à cause de l’Évangile pour le salut du monde.

Beaucoup de saints et de martyrs ont accepté cela. Que vaut ma vie personnelle si je la compare au salut éternel de tous les hommes ? Au cours des guerres, des soldats se sacrifiaient pour leurs camarades, comme dans la bataille de Diên Biên Phu au Vietnam. Mais qui perdra sa propre vie pour les autres afin qu’ils aient la vie éternelle ? Aujourd’hui, ce n’est pas (encore) cela qui nous est demandé par le Seigneur mais notre fidélité. Pour cela nous avons les armes spirituelles que l’Écriture nous enseigne : la prière, la vérité, la Parole, le zèle à annoncer l’Évangile, auxquelles nous ajoutons le jeûne que Jésus affirme nécessaire pour vaincre les plus puissants démons. Jeûner n’est guère naturel, ni facile. Il y a tant de ces petites choses bien bonnes à se mettre sous la dent : entre le sucré et le salé chacun y trouve son compte ! Mais le jeûne est l’arme de la victoire que nous devrions utiliser. Pourquoi ne pas choisir une journée par semaine et nous contenter de peu tout en nourrissant notre âme de la prière et de la lectio divina ? Comment faire tomber les murs de l’injustice et de l’incohérence lorsque nous sommes interdits de rassemblements et donc de culte communautaire ? Notre projet de résistance passe par la prière et le jeûne. Écrire, interpeler, nous le faisons mais le Christ demande notre prière : « vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. » (Mt 6,9-11). Inlassablement prions pour recevoir le Pain des anges, le Pain de vie.

Notre espérance ne fléchit pas. Elle est fondée dans le Christ. Elle nous est donnée lors de notre baptême comme participation à la vie divine. Charles Péguy écrit en 1912 Le Porche du mystère de la deuxième vertu et donne cette belle méditation sur l’Espérance qu’il compare aux deux autres vertus théologales la foi et la charité :
« Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance. Et je n’en reviens pas.
Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout. Cette petite fille espérance. Immortelle. […]
L’Espérance est une petite fille de rien du tout.
Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière. […]
C’est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.
Cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus. […]
Mais l’espérance ne va pas de soi. L’espérance ne va pas toute seule.
Pour espérer, mon enfant, il faut être bien heureux, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce.
L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera.
Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera dans le futur du temps et de l’éternité. »
Pour nous, l’espérance se cultive par des actes d’espérance au cœur des réalités de la vie. Elle est forte face à nos craintes quand nous buvons à sa source, le cœur de Jésus. Nous sommes vivants. Alors vivons en puisant l’espérance face aux troubles de la société. Le pape espère « que nos luttes et notre préoccupation pour cette planète ne nous enlèvent pas la joie de l’espérance. » (Laudato Si n°244)
Nous sommes encore dans l’octave de la Toussaint, appelés à la sainteté à l’écoute de l’Esprit Saint. La sainteté est là au cœur de l’Église, encore plus aujourd’hui qu’hier. Combien de saints et de saintes connus nous ont précédés depuis 2 000 ans, partout dans le monde et si nombreux en France. Notre pays fut imprégné de leur amour transformé en actes et en projets pour le bien des autres : hôpitaux, écoles, universités, paroisses, monastères et abbayes, associations d’entraide. La France ne serait pas ce qu’elle est sans eux. La sainteté est pour aujourd’hui. Par exemple, laissez-moi vous présenter la bienheureuse Isabel. Isabel Cristina Campos est morte à l’âge de vingt ans en 1982. Cette femme laïque brésilienne fut tuée « en haine de la foi » par un homme qui l’agressait et auquel elle a résisté. Il a tenté de la violer. L’agresseur a attaché Isabel avec une corde et l’a poignardé à une dizaine de reprises. Elle a résisté, « mourant vierge, pure et chaste. » Dans sa biographie, on dit qu’elle menait « une vie simple, intense et belle qui est devenue un fragment vivant de l’Évangile ». Isabel Cristina souhaitait devenir médecin pédiatre en Afrique. Comme est belle cette expression « devenir un fragment vivant de l’Évangile » ! Si chacun de nous était cela, nous serions telles les pièces de verre coloré qui constituent les vitraux de notre cathédrale, nous formerions une œuvre d’art spirituelle !
Quelle était la motivation de ces saints ? Quel était le ressort interne de leur vie si pleine d’élan pour Jésus-Christ ? En réalité, ils avaient rencontré son visage, au fond de leur cœur, dans sa Parole, par une guérison ou un pardon, lors d’un témoignage de vie, par la service des pauvres… N’est-ce pas extraordinaire de prendre profondément conscience de l’amour infini de Dieu pour soi ? Nous sommes chacun aimés. Et cet amour nous communique la sainteté. La sainteté c’est d’accepter d’être aimé par Dieu. C’est se laisser envahir par son amour. C’est laisser notre âme être illuminée par sa sainteté divine. C’est nous mettre à la disposition de cet amour pour être lumineux de lui dans ce monde, par notre attachement à la Parole dit saint Paul. Saint Jean précise : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. » (1Jn3,1) Ces dons sont merveilleux et l’Esprit vient au secours de notre faiblesse pour nous rendre saints. C’est le Saint Esprit qui fait de nous des saints quand nous lui ouvrons grand le cœur.
Ce chemin de sainteté est ouvert à la fraternité. Ce mot m’apparaît de plus en plus prophétique. Les tensions au sein même des peuples exigent une nouvelle fraternité, aux États-Unis d’Amérique, en Europe, entre humains de religions différentes, entre personnes de cultures diverses. Dans son encyclique Fratelli Tutti, au chapitre cinq, le pape François parle du besoin d’une « charité sociale et politique » en mettant au centre la dignité humaine, en incluant les pauvres qui doivent prendre leur part dans l’édification de nouveaux chemins. Le Saint Père n’hésite pas à parler de la politique comme « une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun. » (n° 180) L’amour est civil et politique et peut imprégner toutes les relations sociales pour un monde meilleur. Croyons-nous à l’amour social comme principe universel des relations politiques ? Qui se lèvera parmi les jeunes générations pour construire cette politique enthousiasmante fondée sur la fraternité et l’amour des autres ? Je voudrais vous encourager à lire ces jours-ci les nos176 à 197 de cette encyclique pour que vous espériez dans la politique. Le saint Père affirme que « la bonne politique unit l’amour, l’espérance, la confiance dans les réserves de bien qui se trouvent dans le cœur du peuple, en dépit de tout. » (n°196) Et le pape remarque que « cela ressemble à une utopie naïve » à laquelle il ne faut pas renoncer. C’est un peu fou, mais l’Évangile est un peu fou et les apôtres saisis par le Saint Esprit laissaient penser qu’ils étaient plein de vin doux ! Alors allons de l’avant, avec enthousiasme, vers la fraternité.
Maintenant je vous bénis au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
Dorénavant, je vous propose la prière pour les vocations à Notre-Dame du Sacerdoce

Vierge Marie, Mère du Christ Prêtre,
Mère des prêtres du monde entier,
Vous aimez tout particulièrement les prêtres,
Parce qu’ils sont les images vivantes de votre Fils unique.
Vous avez aidé Jésus par toute votre vie terrestre,
Et vous l’aidez encore dans le ciel.
Nous vous en supplions, priez pour les prêtres,
Priez le père des cieux pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson.
Priez pour que nous ayons toujours des prêtres,
Qui nous donnent les sacrements,
Nous expliquent l’Évangile du Christ,
Et nous enseignent à devenir de vrais enfants de Dieu.
Vierge Marie, demandez vous-même à Dieu le Père,
Les prêtres dont nous avons tant besoin,
Et puisque votre cœur à tout pouvoir sur lui,
Obtenez-nous, ô Marie,
Des prêtres qui soient des saints.
Amen.