#154 « Nos vœux de vie heureuse pour 2022 mais toujours la violence au Burkina Faso !»
Ce soir, nouvelle année 2022. En beaucoup de maisons, nous serons quelques-uns réunis pour partager un repas ou boire un verre, mais il n’y aura ni feux d’artifice ni grandes fêtes populaires. Comment vivre librement ce passage vers une nouvelle année que tous, comme chaque année, espérons meilleure ? Sommes-nous moins libres soudainement ? Le philosophe Alain Finkelkraut écrivait que la liberté existe toujours si l’on en croit les contestations hebdomadaires des français qui manifestent contre la précarité (gilets jaunes) ou contre le passe sanitaire. Si cela est réel, nous ressentons néanmoins les règles sanitaires comme une contrainte entravant notre liberté personnelle. Mais qu’est-ce que la liberté ? Jésus affirmait : « si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jn 8,31-32) Mais pour comprendre ce propos, ne faut-il pas vivre en vérité de la Parole et devenir authentiquement disciple ? Beaucoup n’ont pas fait ce choix. Nous chrétiens, pour être libres, nous cherchons à nous aimer, à aimer aussi ceux qui ne nous aiment pas, et à le manifester par des mots et des gestes. « Aimons-nous les uns les autres », c’est cela le cœur de la vie chrétienne. L’amour libère, osons le vivre par un élan renouvelé en cette année nouvelle.
Aussi, en cette veille du 1er janvier, je tiens à vous adresser mes meilleurs vœux pour l’année qui vient. Certes elle débute à nouveau sous le sceau de la pandémie. Mais nous sommes vivants ! Je vous souhaite de vivre intensément, même si votre santé est précaire, même si votre âge est déjà avancé, même si vous êtes dans la souffrance ou la détresse. Vivez en priant et en louant le Seigneur unis à tous les catholiques de notre Église qui espèrent au-delà de ce que nous voyons, car nous ne sommes pas seuls, un enfant nous est né, un fils nous est donné, on le nomme « prince de la paix » (cf. Is 91-6)). Ces vœux sont pour vous, vos proches, vos amis et vos collègues de travail. J’aurais aimé écrire un mot personnel à chacun mais comment serait-ce possible ? Quand nous aimons, nous ensemençons la société de biens qui fleuriront. Chaque prière, chaque pensée positive, chaque désir juste, chaque acte d’amour contribuent à féconder nos relations et à susciter la fraternité. Avec Dieu, c’est du zéro déchet. Rien de ce que nous offrons et donnons ne se perd. Tout ce que nous offrons et donnons porte du fruit. Ne succombons pas à l’acédie, cette maladie de l’âme qui ressemble à la mélancolie face aux soucis du monde, mais contemplons l’étoile du matin qui nous guide vers l’enfant nouveau-né, Dieu fait homme par le sein maternel de la Vierge Marie pour nous sauver de la mort. Que cette année 2022 soit l’occasion d’un renouveau missionnaire de nos paroisses, porté par le partage que nous sommes appelés à vivre dans le cadre du synode sur la synodalité pour écouter la Parole divine, éclairés par le Saint Esprit afin d’entendre ses motions. Chaque baptisé est consacré et appelé à la sainteté, pour devenir une pierre vivante de l’édifice qu’est l’Église. Chacun, dans son état de vie propre, est prophète par son baptême et peut se mettre à l’écoute du Seigneur pour entendre son appel : faire de nos communautés des espaces de louange et d’accueil à la gloire de Dieu, pour la joie et la conversion de chaque personne. La vocation première des prêtres est de rendre présent Jésus-Christ par les sacrements pour sanctifier le peuple en l’enseignant et en le conduisant à Dieu. La vocation des laïcs est de sanctifier l’espace et le temps par leur charité active et leur foi contagieuse. Aussi continuons ensemble durant cette année nouvelle à demander au Seigneur des vocations sacerdotales au sein de nos familles, en priant intensément avec un grand désir.
Ce saint désir exprime notre foi en Jésus-Christ. Par la foi, nous gardons notre espérance en la présence de Dieu qui ouvre le Ciel. Aussi, je vous fais relire ces lignes de Charles Péguy dont le nom marque une route vers la cathédrale de Chartres.
« La foi, ça ne m’étonne pas, ça n’est pas étonnant. J’éclate tellement dans ma création.
Mais l’espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne. Ça c’est étonnant, que ces pauvres enfants voient comment tout ça se passe et qu’ils croient que demain ça ira mieux, qu’ils voient comment ça se passe aujourd’hui et qu’ils croient que ça ira mieux demain matin.
Ça c’est étonnant et c’est bien la plus grande merveille de notre grâce. Et j’en suis étonné moi-même.
Il faut, en effet, que ma grâce soit d’une force incroyable, et qu’elle coule d’une source et comme un fleuve inépuisable.
La petite espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs, et on ne prend seulement pas garde à elle. Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs, la petite espérance s’avance. C’est elle, cette petite, qui entraîne tout. Car la foi ne voit que ce qui est. Et elle, elle voit ce qui sera.
La charité n’aime que ce qui est, Et elle, elle voit ce qui sera.
La foi voit ce qui est dans le temps et l’éternité.
L’espérance voit ce qui sera dans le temps et l’éternité. Pour ainsi dire dans le futur de l’éternité même. »
Face à la pandémie, face à l’immense défi fait à l’Église qui est en France, l’espérance est une source merveilleuse. Elle nous dit que face aux difficultés de tous ordres, notre art de vivre commence par la louange à rendre à Dieu, puis se prolonge par le sourire face aux épreuves en nous appuyant les uns sur les autres pour prier et trouver des solutions innovantes. Nous ne sommes pas seuls, c’est la force du chrétien.
Mais il faut reconnaitre que si la situation française n’empêche pas de vivre librement notre foi en ces jours de Noël et ce début d’année, une fois de plus des chrétiens sont menacés et attaqués dans divers lieux de la planète par des fous qui n’ont comme seul but que l’assassinat. Ce fut à nouveau le cas au Burkina Faso ce 25 décembre avec 42 morts et de nombreux blessés. Ce pays, petit et enclavé à l’est du Mali est soumis aux coups de boutoir des islamistes venus terroriser et massacrer des populations innocentes. La prière qui conclut ce message provient du frère Emmanuel des Pères blancs d’Afrique, qui vit à Nouna au Burkina Faso, pays attachant dont nous avons le bonheur d’accueillir actuellement trois prêtres, le père Pierre Sanou qui prépare son doctorat, le père Jean-Pierre Keita se perfectionnant auprès de l’équipe de Radio Grand Ciel, et le père Joseph Koeta présent au Coudray pour une expérience pastorale de trois années.
Le frère Emmanuel écrivait il y a quelques jours :
« Autant la Covid s’abat sur les villes, autant l’insécurité s’abat sur la brousse, car il n’y a que peu de forces de l’ordre et, pour les terroristes, il leur est facile d’attaquer des postes de sécurité où il n’y a guère plus de cinq à dix membres. Heureusement ils ne s’en prennent pas trop aux personnes civiles, s’attaquant principalement à tout ce qui représente l’état burkinabé. Bien des mairies, préfectures, postes de police ou de gendarmerie sont aujourd’hui abandonnés et ainsi les terroristes deviennent maîtres des lieux. Ils s’en prennent aussi aux écoles, surtout primaires, brûlant certaines, demandant aux maîtres d’enseigner l’arabe ou de fermer, pillant les cantines scolaires afin de se ravitailler eux-mêmes en vivres, car le commerce dans les villages de brousse ne fonctionne plus, et même comme dans des centres comme Nouna, on ne peut plus acheter des vivres en grosse quantité sans raisons, ni même du carburant à mettre dans des bidons. »
« Mais le problème le plus crucial est celui de l’enseignement des jeunes. Je ne connais pas le nombre exact d’écoles primaires fermées et même de certains collèges, mais on parle de plus de 4 700 établissements. Si vous comptez une moyenne de 360 élèves par école, cela nous donne 1 692 000 enfants qui n’ont plus droit à l’école. Cela fait peur, cela fait mal. Certes des enfants ont pu être amenés à quitter le village et à venir dans des centres comme Nouna ou Dédougou où les classes sont déjà surpeuplées. La qualité de l’enseignement risque fort de baisser. Et que seront ces enfants, demain, sur le marché du travail ? »
La prière qui suit est une aide pour nous associer à leur détresse et reconnaitre leur courage. Vivre ainsi est terriblement difficile : comment apercevoir la fin des malheurs et envisager le retour d’une vie heureuse ? Aussi prions pour eux. Ne les oublions pas lorsque nous aurons la joie de nous retrouver entre amis ce soir pour notre réveillon de la saint Sylvestre.
Viens, Seigneur, la Terre a tant besoin d’être sauvée !
Viens, Seigneur, les hommes ont autant besoin d’être libérés !
Viens, Seigneur, sinon la nuit nous engloutira dans ses tumultueux flots de ténèbres !
Viens, Seigneur protéger les humbles toujours écartés du bonheur par l’égoïsme des puissants !
Viens, Seigneur, redresser dans leur fierté les pauvres et les malheureux tellement habitués à se courber sous le fardeau de la misère !
Viens, Seigneur, ôter des mains humides les armes chargées de guerre et de mort !
Viens, Seigneur, poser la réconciliation dans les cœurs !
Viens, Seigneur, mettre la terre égarée sur le chemin de la bonté !
Viens, ô Sauveur, viens et soit notre Prince de la Paix.