#148 « Toute personne devient un frère ou une sœur lorsque le regard se fait amour ! »
L’histoire de l’Église et de ses saints est incroyable. Chaque matin, dans les feuillets du jour du livret Parole et Prière que je vous conseille de lire, est présenté un personnage bienheureux ou canonisé qui a imité le mieux possible Jésus-Christ. Je m’émerveille de ces biographies inconnues de belles personnes qui mirent leur foi au service de la charité. Leur vie apportait un surcroît d’humanité localement et parfois par-delà les frontières. Tous, par leur sainteté ont élevé l’Église et la société dans laquelle ils vivaient, souvent proches en particulier des marginaux et des laissés-pour-compte. La Parole de Dieu était leur lumière, leur certitude et leur source. Car la Parole est vivante et elle trace son sillon dans le cœur des croyants, fécondant notre intelligence pour entendre la vérité et discerner le chemin. Alors ces croyants expérimentent la force libératrice du christianisme. À l’instar du peuple hébreu sortant de l’Égypte nous sommes libérés de la peur. Protégés par la main de Dieu, nous contemplons les prodiges merveilleux opérés par Dieu et nous lui chantons nos louanges. En lisant ces mots, peut-être penserez-vous que j’ignore la souffrance de beaucoup ? Non ! La souffrance est bien réelle. Mais ne voit-on pas dans la vie des personnes qui font le choix radical de vivre dans la lumière de l’Esprit un renouveau parfois incroyable de leur vie ? Nous ne pouvons pas échapper au choix : ou nous restons sur le quai ou nous osons monter à bord d’un voyage inconnu avec l’Église. Point de tiédeur, mais une vie donnée et convertie pour être « ces lumières dans la nuit des hommes » pour reprendre les mots de saint Paul.
Prier et agir, voici la vie chrétienne, Jésus invitant à prier sans cesse et à prendre soin les uns des autres. Mais par quoi commencer ? Si notre priorité est la prière, n’allons-nous pas perdre un temps précieux pour l’action ? Si nous agissons, ce qui est naturellement plus facile, n’allons-nous pas être à court de temps pour prier ? Est-ce que prier et agir seraient les deux faces opposées de la vie chrétienne qui n’arrivent pas à trouver un juste point d’équilibre ? Après la guerre, les sociétés occidentales ont acquis un niveau de vie extraordinaire. L’homme était convaincu que son salut viendrait de la science et de ses œuvres. Pourquoi prendre et perdre du temps dans la prière ? Au sein de l’Église, la promotion de l’action souvent appelée « action catholique » allait conduire beaucoup à quitter une Église dont les rites jugés vieillissant ne convenaient plus à leur sensibilité. Des chrétiens, pourtant généreux pour les autres, oublièrent la prière : ils devinrent athées. La foi disparaît si elle n’est pas enracinée dans une relation personnelle et intime avec Jésus-Christ. Ne plus méditer l’Évangile ni éclairer la journée par la Parole éloigne l’homme de Dieu. C’est la leçon que nous pouvons et devons tirer. La véritable fécondité de nos actes repose sur la prière. Par elle, l’Esprit nous inspire. Dans la prière, nous découvrons la compassion de Jésus pour l’humanité, cet amour si grand qu’il l’a conduit à donner sa vie pour nous sauver du péché et de la mort. Émerveillés par ce don absolu, nous sommes mus vers les personnes souffrantes ou abandonnées, dépossédées de Dieu ou non catéchisées, qui ressentent le vide intérieur de ne pas connaître l’Amour divin et la mission s’impose à nous. Toute personne devient un frère ou une sœur lorsque le regard se fait amour.
Le chemin synodal lancé dans l’Église concerne chaque chrétien pratiquant, ceux qui viennent à la messe et les baptisés qui pour des raisons diverses ne pratiquent pas. Chacun sera invité à rejoindre un lieu ou un groupe. Méditant la Parole de Dieu, invoquant l’Esprit Saint, ces personnes se laisseront surprendre, je l’espère, par les inspirations du Saint Esprit qui veut conduire l’Église du Christ sur des chemins nouveaux pour aller annoncer le Christ vivant. Certes la situation du monde occidental nous trouble. Beaucoup de personnes imaginent le pire, un conflit civil à venir, des tensions entre nations, voire la guerre. On construit des murs de barbelés, on laisse tant de pauvres dans une détresse épouvantable. La cinquième vague du Covid arrivera peut-être. Nous espérons que l’Église portera haut et fort le message des béatitudes, particulièrement « heureux les artisans de paix ». L’union à Dieu par la prière permet un cœur à cœur quotidien et j’aimerais vous supplier de prier et d’écouter le Seigneur vous parler, vous susurrer quelques idées, vous montrer un chemin d’action pour offrir à la jeunesse une espérance et un avenir. La paix est nécessaire pour réaliser les résolutions de la Cop26 afin que notre planète ne soit pas ruinée par les méfaits des régimes politiques destructeurs et des puissances économiques pour qui le profit financier est premier.
C’est pourquoi le chemin synodal commence dans nos paroisses car là nous pourrons faire quelques pas constructifs. Pourra-t-il y avoir un « comité synode » dans chacune d’elles ? Les fidèles laïcs se rassembleront-ils et organiseront-ils des temps de rencontre et d’échange, inclusifs pour tous ? Imagineront-ils ensemble de nouveaux modes de gouvernance ? Une relecture de tout ce qui est juste et fécond sera un bon point de départ, car déjà les fidèles s’unissent dans la mission. Par exemple, ne faudrait-il pas un renouvellement plus fréquent des responsables en anticipant ces passages de témoins ? De nouveaux talents attendent leur tour mais ne se font pas connaître car la place est rarement libérée. Pourquoi ne pas envisager que chaque fonction d’animation et de service soit remise au pot commun tous les cinq ans ? Cela nécessitera une « culture de la transmission » qui inclut une formation biblique et théologique, un accompagnement des bénévoles, une relecture des bonnes pratiques et un partage communautaire. Je vous invite à piocher sur le site du diocèse les explications données en vue de la mise en route du synode sur la synodalité.
Dimanche prochain sera fêté Jésus-Christ sous le titre Christ-Roi. Ce roi fit tant peur à Hérode que ce dernier envoya ses sbires massacrer les enfants de Bethléem. Jésus est venu grâce à l’amour du Père et à l’amour qui unissait Joseph et Marie. Sa vie fut cachée dans une maison troglodyte de Nazareth où il apprit le métier de son père putatif, charpentier. Adulte, il marcha sur les routes de Judée et de Galilée, là il enseignait sans fortune ni escorte, entouré d’une foule de gens simples qui reconnaissaient en lui le Messie attendu.
À notre tour, par le sacrement du baptême, nous devenons prêtre, prophète et roi. Prêtre pour offrir avec Jésus nos vies en sacrifice pour le salut des hommes, prophète pour être la voix qui dit aujourd’hui ce que le Verbe divin enseigne, roi pour servir comme disciple Jésus qui s’est abaissé et que nous rencontrons en nos frères souffrants. « Ma royauté n’est pas de ce monde », dit-il. Nous ne cherchons pas à établir un régime politique chrétien mais nous nous impliquons dans la société pour que l’Évangile nourrisse et enseigne les responsables politiques sur l’authentique sagesse, condition vers la justice et la paix. En effet, l’Église annonce le salut en accompagnant la vie concrète des personnes. La première phrase de la Constitution pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican II est toujours d’actualité : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » (n°1) Lors de la marche synodale, si la compassion nous déplace un peu et que nos communautés innovent, le bien commun en sortira grandi. Prions cette semaine pour que cela advienne dans la confiance que Jésus, notre roi, veille sur nous.
Prière de John Henry Newman :
« Guide-moi, douce lumière, dans l’obscurité qui m’entoure,
Guide-moi pour aller de l’avant !
La nuit est profonde et je suis loin de ma demeure ;
Guide-moi pour aller de l’avant.
veille sur mes pas ;
je ne demande pas à voir l’horizon lointain ;
un seul pas à la fois me suffit. »