#145 « L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force »
Il arrive de voir dans la nature des faits qui inspirent une réflexion. Ce fut le cas dans le jardin de l’évêché de Chartres. En effet, depuis trois ans, je prends soin d’un figuier. Dans la bible d’ailleurs il y a aussi un figuier qui ne donne pas de fruit, que Jésus demande de couper, mais heureusement un bon jardinier propose de mettre du fumier et d’attendre une année. Le nôtre est beau et a porté l’an passé de nombreuses belles figues noires. Or en ces jours, voici qu’il y a encore plus d’une centaine de fruits petits et verts qui n’ont pas mûri car la chaleur n’était pas au rendez-vous cet été. Ces fruits n’arriveront pas à maturité et ne réjouiront pas nos papilles. Il a manqué de soleil. Cette histoire de figuier est une belle métaphore de l’Église qui est parfois à l’ombre du péché et ne porte pas de fruits comestibles. Dans l’histoire du peuple hébreu, les prophètes ont transmis de merveilleuses promesses de récoltes. Or le péché du peuple qui se tournait vers les idoles oblitérait cette fécondité, les fruits étaient amers ou pourris, le mauvais temps détruisait les récoltes et la maladie décimait les bestiaux. Aujourd’hui, et depuis des décennies, le péché grave de tous les crimes sexuels n’a-t-il pas été la cause d’une absence de fécondité ? Comment comprendre que l’annonce de l’Évangile, merveilleux message d’amour, n’ait pas donné plus de fruit et que la pratique de la foi ait tant reflué ? L’histoire du peuple juif montre que Dieu ne permet pas la croissance si le péché demeure. Aussi, ce temps crucifiant pour beaucoup de chrétiens doit être l’occasion d’une conversion, d’un changement de vie, du choix réel d’être chrétien. Les philosophes se rappelleront de la formule de Friedrich Nietzsche « deviens ce que tu es ! » Cela veut dire « prends conscience de ce que tu es ». Dans une vision catholique, on peut alors lire « chrétien, deviens et sois chrétien en vérité ». Ensuite le Seigneur bénira et fera fleurir le figuier, alors les fruits seront chauffés au feu de la charité, la fécondité sera grande et nous verrons des vocations surgir, conjugales, missionnaires, consacrées et sacerdotales.
Dans l’histoire de l’Église, cette fécondité que nous espérons a aussi été portée par le martyre de chrétiens qui ont préféré la mort que l’abjuration de leur foi. « Sang des martyrs, semence de chrétiens » pouvait ainsi dire Tertullien, un auteur chrétien du IIIe siècle. Le 9 août 2021, le père Olivier Maire mourrait assassiné, à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée) par la main d’un homme étranger et malade. Si on a beaucoup glosé sur les conditions d’accueil faites à cet homme qui avait mis le feu à la cathédrale de Nantes, l’accueil inconditionnel du pauvre appartient aux gènes des pères Montfortains et le père Olivier Maire avait ouvert sa porte tout naturellement à un homme perdu. Sa mort a choqué tant de personnes, même si les catholiques de Vendée se sont bien peu déplacés pour ses funérailles à Saint-Laurent sur Sèvres, suscitant une certaine déception. Le père carme François-Marie Léthel, professeur à l’université Teresianum, à Rome, avait travaillé avec le père Olivier Maire. Il témoigne : « je le vois comme un martyr de la charité, avec cet accueil qu’il a vécu au péril de sa vie, cette mort a touché le monde entier. Je pense qu’il faut voir cette mort dans la lumière de Dieu. »
Continuons à vivre de l’Évangile, pour rechercher l’influence du Saint Esprit qui guide les pas des chrétiens au sein d’une société dont les codes sont bouleversés et troublants. La vie de l’Église ne peut pas s’arrêter au passé, à ses ombres comme à ses gloires, car le temps de la mission est devant nous. Ceux qui rêvent du retour d’un âge d’or historique sont à l’image de ceux qui ont mis la main à la charrue et qui regardent en arrière dit Jésus. Cela ne se peut pas. Le GPS qui guide aujourd’hui les gros tracteurs, c’est la puissance du Saint Esprit, et l’Esprit nous enseignera toute chose a promis Jésus. Le sillon est devant nous, prêt à accueillir la semence pour que pousse une moisson nouvelle et féconde. Le prophète Baruch – qui écrit pour les juifs esclaves à Babylone, mais peut-être aussi pour d’autres juifs dispersés aux quatre coins cardinaux de l’empire romain, car le livre de Baruch est rédigé en réalité vers le IIIe siècle avant J.C. – dit : « courage, mes enfants, criez vers Dieu ! Celui qui vous a infligé l’épreuve se souviendra de vous. Votre pensée vous a égarés loin de Dieu ; une fois ouverte, mettez dix fois plus d’ardeur à le chercher. » (Ba 4, 27-28) Lu ce dimanche passé, l’Évangile de Barthimée, aveugle et mendiant à la porte de Jéricho, nous montre que son cri fut entendu par Jésus « Fils de David, aie pitié de moi ! » À la demande de Jésus « que veux-tu que je fasse pour toi ? » Barthimée répondit « que je vois ! ». Oui, n’est-ce pas ce que nous pouvons demander à Jésus dans notre prière, voir sa Gloire, discerner le chemin à prendre, envisager l’avenir comme un espace ouvert à l’œuvre de la Providence divine ?
Alors que je vous écris ces lignes, je pars en pèlerinage avec une trentaine de catéchistes de notre diocèse. La direction est celle de la Haute Provence, terre bénie par le créateur, pleine de ce soleil doré de l’automne qui brille sur les feuilles argentées des chênes-liège, de la vigne, avec cette nature qui embaume le thym, le romarin et la lavande. Nous ferons halte à Cotignac pour prier la Vierge à l’église Notre-Dame-de-Grâces puis pèleriner vers le monastère Saint-Joseph du Bessillon, ce haut lieu de la piété provençale qui commémore l’apparition de saint Joseph, le 7 juin 1660. Nous nous rendrons à la Sainte-Baume où sainte Marie-Madeleine vécut à la fin de sa vie. Enfin, nous remonterons sur Ars, le village de saint Jean-Marie Vianney où nous serons quand vous recevrez ce message. À l’école des saints, dans la grande Tradition de l’Église, nous confions les enfants catéchisés et leurs parents, nos écoles et leurs enseignants, nos paroisses avec leurs prêtres et leurs fidèles ainsi que la population d’Eure et Loir afin qu’elle découvre le Christ au travers de l’amour que nous manifestons et par les missions que nous organisons. Comme le dit saint Paul, seule la charité porte un fruit missionnaire, car « si je n’ai pas l’amour, tout ce que je fais n’est rien. » (Cf. 1Co 13)
Permettez-moi d’achever ce message en remerciant ceux qui m’adressent, par écrit ou par oral, des commentaires enrichissants qui m’encouragent. Je souhaite que ces textes vous aident à vous attacher au Christ, à vous donner envie de lire la Parole de Dieu, à mettre la prière chaque jour dans votre agenda, à aimer le Seigneur et le prochain. Vous me dites qu’ils sont un lien qui nous unit dans le diocèse. C’est pour moi une révélation et je prends mieux conscience que l’Église témoignera efficacement par la fraternité qu’elle suscite au sein de nos paroisses et mouvements. Les abus de pouvoir ne peuvent plus être justifiés car ils contredisent la fraternité et l’appel du Christ à nous servir mutuellement. Si nos responsabilités diffèrent, si nos engagements varient, chacun est digne du même respect car le Seigneur regarde le cœur. La voie de la synodalité est devant nous et chaque catholique analysera en priant l’Esprit comment il contribue par son service à la fraternité ouverte à tous. Si nous laissons le Christ vivre en nous, rien ne peut nous séparer, ni la culture, ni l’éducation, ni l’origine, ni la couleur, ni l’âge ou le sexe. Frères et sœurs de Jésus, allons témoigner à la suite des saints de la victoire du ressuscité.
Cette semaine, je vous encourage encore à prier Notre-Dame, nous sommes toujours en ce mois du rosaire. Elle nous accompagne.
Maintenant je vous bénis au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Et nous nous confions à la prière de la Vierge Marie, avec l’Angelus :
V. L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie
R/ Et elle conçut du Saint-Esprit.
Je vous salue Marie, ….
V. Voici la Servante du Seigneur
R/ Qu’il me soit fait selon votre parole.
Je vous salue Marie…
V. Et le Verbe s’est fait chair
R/ Et il a habité parmi nous.
Je vous salue Marie…
V. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu
R/ Afin que nous soyons rendus dignes des promesses du Christ.
Prions :
Que ta grâce, Seigneur, se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’Incarnation de ton Fils bien aimé, conduis-nous, par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par le Christ, notre Seigneur.
R/ Amen.