#101 « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 1-14)
Ce matin c’est Noël. Noël ! que le mot est doux ! Il vient du latin Nativitas qui veut dire naissance. La Vierge Marie donne naissance à Jésus, l’enveloppe de langes et le dépose dans une mangeoire. Joseph veille sur sa petite famille. Nos prières vont être teintées d’émerveillement. À genoux, nous pouvons nous retrouver et bénir Dieu pour sa venue. Dieu est là et il a promis de demeurer tous les jours avec nous. Dans la confiance nous lui présentons nos proches, ceux qui espéraient nous voir en cette fête et que nous ne verrons pas par prudence, ceux à qui nous disons combien nous les aimons.
Je vous ai écrit l’expression « à genoux ». Elle appartient en effet à la tradition catholique. Il est intéressant de réfléchir à cette position. N’avons-nous pas vu souvent nos papes à genoux face à une icône de la Vierge ? Je me remémore saint Jean-Paul II au pied de Notre-Dame de Fatima un an après l’attentat de 1981. À genoux. C’est l’une des positions associées à la prière. Combien de peintres ont saisi cet instant de recueillement, comme Rembrandt dans le fils prodigue à genoux devant son Père qui le serre dans ses bras. À Lourdes, sainte Bernadette s’agenouillait dans la grotte de Massabielle face à l’apparition de Notre-Dame. Notre prière peut utiliser de nombreuses positions physiques, comme l’orant debout qui lève les bras vers le Ciel. La liturgie invite à se mettre à genoux durant la consécration eucharistique. En effet la consécration rend présent Dieu dans le corps du Christ, pain consacré par le prêtre. C’est en réalité Jésus-Christ lui-même qui s’offre à Dieu le Père quand le prêtre élève le saint sacrement vers l’assemblée pour ce moment d’intense adoration. Être à genoux n’est pas humiliant : c’est être ajusté à la grandeur de Dieu qui nous donne tout, sa miséricorde et sa vie en vue de l’éternité bienheureuse. Dans nos crèches, Joseph est souvent représenté debout tel celui qui veille sur sa famille. Marie est à genoux, comme une maman aime faire à côté du berceau de son bébé. Elle le contemple.
Ce jour de Noël, nous entrons dans l’octave de la nativité. Ce mot n’est pas familier à tous. Octave signifie huit, soit huit jours de fête pour prolonger Noël. Les offices de la liturgie des heures reprendront les mêmes psaumes très joyeux. Les hymnes rappelleront la venue du messie. Les textes bibliques nourriront notre compréhension du sens de cette fête. Plusieurs grandes fêtes seront célébrées : le 26 la saint Étienne, premier martyr pour Jésus ; le dimanche 27 la fête de la sainte Famille ; le 28 les saints innocents, ces enfants massacrés par le roi Hérode qui pensait ainsi faire périr Jésus ; le 29 saint Thomas Becket homme moins connu mais qui mérite un grand respect pour sa défense de l’Église face au roi d’Angleterre qui le fit assassiner ; enfin le 1er janvier un jour pour honorer la Vierge « Marie Mère de Dieu ». Ce sera un beau parcours de foi et de prière, dans l’action de grâce, pour refuser la morosité et l’angoisse face à la pandémie et au confinement.
Dans mon dernier message, nous parlions du rôle central de l’Esprit Saint dans l’efficacité des sacrements et je désire continuer sur ce thème. Le sacrement est un rite, mais c’est l’Esprit qui agit, promis par Jésus-Christ avant son ascension auprès de Dieu. Cependant l’Esprit agit avec puissance quand il rencontre un cœur pur et ouvert à son action. Alors il se pose sur ce cœur et vient l’envelopper d’amour et de tendresse. Quand ce cœur l’accueille en vérité, la grâce divine fait ce pour quoi elle est donnée. C’est un peu comme un bel objet qui, exposé à la lumière du soleil, devient pleinement lumineux.
Le premier des sept sacrements institués par Jésus-Christ est le baptême. Notez que l’institution des sacrements par Jésus vient du fait que toute grâce a sa source en lui, et qu’il a dit et réalisé durant sa vie publique les paroles et les gestes qui fondent nos sacrements, même si c’est au cours des siècles suivants que la forme des sacrements s’est explicitée. Nous avons tous le beau souvenir du baptême d’un petit enfant. L’eau est versée sur le front, l’enfant pleure parfois, les parents, le parrain, la marraine sourient d’émerveillement. On lui passe la robe blanche. L’onction d’huile est faite sur le front et un cierge est allumé au Cierge Pascal, qui représente Jésus vraie lumière. Ce rite baptismal des enfants est aussi celui des adultes, nombreux à venir vers l’Église pour demander le baptême. Lors de la Vigile pascale, alors que l’Église célèbre la résurrection de Jésus, ces catéchumènes expérimentent le bouleversement de leur vie humaine et spirituelle. L’expérience spirituelle est proportionnelle à leur désir souvent bien grand.
Mais n’y avait-il pas déjà un baptême avant la venue de Jésus, celui que Jean le Baptiste proposait ? En effet, Jean baptisait dans le Jourdain pour inviter à la conversion des péchés. À son époque comme aujourd’hui, l’homme est tenté par le mal. Pourquoi sommes-nous si faibles devant le mal ? Car nous sommes des êtres capables du bien mais blessés donc fragiles. Le péché est séduisant et nous nous laissons séduire. Ce que nous révèle la Parole de Dieu dans le livre de la Genèse est un projet divin de pleine communion entre les êtres humains et Dieu comme entre nous. Mais cette communion fut brisée par la désobéissance d’Adam et Ève appelée le péché originel. L’Esprit Saint a inspiré ce récit pour nous enseigner comment Dieu désirait dès le commencement partager sa vie aux hommes et que la liberté offerte fut perdue par le choix orgueilleux de ne pas se fier aux commandements divins. De génération en génération, nous sommes marqués par ce péché originel et par la fragilité qui en découle. Faire le bien nous est proposé et nous faisons souvent le contraire. Il nous fallait donc un renouveau, une guérison, une libération. Un tel bienfait nous est donné par le baptême dans l’Esprit annoncé par Jean le Baptiste lui-même à ses disciples en leur parlant de Jésus : « Lui vous baptisera dans l’eau et l’Esprit Saint ». Recevoir le baptême de Jésus nous offre le pardon et nous lave du péché. Nous disons alors que les nouveaux baptisés sont re-nés ! C’est une renaissance, une nouvelle naissance, ouverte à la joie. Les néophytes, c’est à dire les adultes nouvellement baptisés, témoignent que leur vie est bouleversée. Ils restent des êtres fragiles mais, désormais, ils possèdent des ressources spirituelles. En effet, tout baptisé devient membre de l’Église, « pierre vivante », et il prend sa place dans la communauté des croyants. Ses charismes et ses talents s’ajoutent à ceux de ses frères et sœurs en vue de la mission. Le baptisé reçoit d’eux la prière et à son tour s’engage dans la chaine quotidienne de prière et d’intercession. La Parole de Dieu devient en lui la source de la Sagesse. Les saints et les saintes sont ses nouveaux amis, lui inspirant comment mettre en musique l’Évangile selon son expérience de vie et ses talents.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des dons du baptême, le nouveau baptisé reçoit la promesse de la vie éternelle. Elle est donnée pour être accueillie jour après jour dans la fidélité à l’appel reçu. Parler de la vie éternelle est d’une importance majeure car la laïcité, excluant toujours plus le contenu de la foi chrétienne hors de l’espace public, laisse sans espérance tant de personnes face à la mort ou la maladie. Comment nous préparer à la mort s’il n’y a rien après elle, si c’est un trou noir ? Le baptême est justement le signe que la vie éternelle suit la mort. La mort, dans la tradition chrétienne, est le dies natalis, le jour de la naissance. Certains fuient cette certitude finale dans la consommation et les loisirs, d’autres promeuvent l’euthanasie pour en accélérer l’inéluctable échéance, d’autres encore rêvent de modifier l’homme pour le rendre immortel. Pour le chrétien, la mort du corps est le passage vers l’éternité bienheureuse où l’âme rencontre la Miséricorde divine. Au jugement dernier, il lui sera rendu un corps glorieux, pour vivre un éternel présent dans l’Amour et le face à face avec Dieu. Noël nous rappelle que notre vie est accompagnée, illuminée par Dieu. Là d’où il vient il nous emmènera un jour. Notre baptême est une espérance folle. C’est le plus beau cadeau de Noël.
Il est bon de faire mémoire de son baptême en ce temps présent de notre vie et de celle de l’Église. Quelle responsabilité en découle alors ? Comment dois-je vivre de mon baptême vingt, quarante ou soixante années plus tard ? Est-il réellement une source de vie en nous ? Réjouissons-nous en ces jours car il est grand ce Mystère et tellement heureux !
Maintenant je vous bénis au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
Prions Notre-Dame du Sacerdoce dans nos foyers et demandons des vocations sacerdotales. Prions tout particulièrement pour le père Philippe-Jacques Protot décédé le 15 décembre. Qu’il repose en paix.
Vierge Marie,
Mère du Christ Prêtre,
Mère des prêtres du monde entier,
Vous aimez tout particulièrement les prêtres,
Parce qu’ils sont les images vivantes de votre Fils unique.
Vous avez aidé Jésus par toute votre vie terrestre,
Et vous l’aidez encore dans le ciel.
Nous vous en supplions, priez pour les prêtres,
Priez le père des cieux pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson.
Priez pour que nous ayons toujours des prêtres,
Qui nous donnent les sacrements,
Nous expliquent l’Évangile du Christ,
Et nous enseignent à devenir de vrais enfants de Dieu.
Vierge Marie, demandez vous-même à Dieu le Père,
Les prêtres dont nous avons tant besoin,
Et puisque votre cœur a tout pouvoir sur lui,
Obtenez-nous, ô Marie,
Des prêtres qui soient des saints.
Amen.