Beaucoup de familles prennent grand soin de leurs anciens. Il est si doux pour eux de vieillir et de mourir entourés d’affection. Mais tous n’ont pas cette chance. L’éclatement de la famille a rompu des liens. La dispersion mondiale du travail empêche la proximité nécessaire et souvent quotidienne avec ces parents âgés. La maladie, et particulièrement Alzheimer, demande des soins adaptés et une vigilance de tout instant. L’habitat familial est inadapté à l’invalidité, ne serait-ce que pour la toilette. La pandémie a révélé en plus l’isolement des personnes même au sein des maisons d’accueil. Et il faut aussi rajouter que pour certains idéologues, les vieux ne sont pas utiles aussi les maisons spécialisées permettent de ne plus s’en préoccuper.
Pourtant, dans ces maisons, on voit de merveilleuses personnes qui prennent grand soin de chacun, donnent de l’affection, savent entendre les besoins non exprimés, comprennent les douleurs du corps et du cœur, parlent, écoutent et rient avec ces anciens. Qu’elles soient bénies, ces âmes magnifiques qui ont choisi ce travail par vocation. On se rappelle les religieuses qui ont donné leur vie pour nos anciens à l’instar de la bienheureuse Jeanne Jugan qui fonda les petites sœurs des pauvres. A Chartres, la maison Notre-Dame de Joie accueille beaucoup de ces vieilles religieuses et la chapelle permet à celles-ci de vivre des moments communautaires de prière et la sainte messe. Chez les sœurs de saint Paul de Chartres, nos prêtres très âgés sont en résidence et les sœurs sont des anges au petit soin avec eux.
Il faut cependant sortir de l’illusion. La gestion du grand âge est un business énorme, financé par les familles et la société. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre des plus de 85 ans passera dans notre pays de 1,4 million à ce jour à 5 millions en 2060. Le chiffre d’affaires se compte en dizaines de milliards d’euros. Mais comment admettre que l’on puisse « faire du fric » sur le dos des personnes âgées au prix de leur inconfort, d’un manque de personnel (il faudrait en doubler le nombre), de salaires trop bas pour considérer les aidants, de nourriture infecte, de formes diverses de maltraitance comme cette femme âgée que je découvrais dans sa chambre totalement nue attachée à son fauteuil « parce qu’il fallait la punir de son mauvais caractère » !… c’était il y a quelques années dans le Nord.
Quelle place pour nous chrétiens ? Des maisons nouvelles s’ouvrent, comme des béguinages, des habitats partagés entre jeunes familles et anciens sont imaginées… Des associations se créent pour apporter de la vie au quotidien de nos personnes âgées. Les jeunes ne sont pas en reste et sont incroyablement généreux. Le synode peut offrir un espace de prière et de réflexion pour discerner de nouveaux chemins d’accompagnement du grand âge.
C’est important, car bientôt ce sera notre tour… d’être vieux.
Mgr Philippe Christory