Clés de lecture de l’Ancien Testament
La Bible a été écrite pour enseigner à l’homme la liberté. La liberté est le cadeau fondamental que Dieu nous a fait quand il nous a créés : celui qui n’est pas libre ne peut pas aimer.
Dieu nous a créés libres pour que nous puissions l’aimer et aimer nos prochains comme soi-même. C’est le commandement de l’amour trinitaire, le commandement central de la Torah et des Évangiles. La liberté est un don de Dieu, l’idéal de notre foi.
L’unité de la Bible
L’Ancien et le Nouveau Testaments ont la même structure puisque le Nouveau accomplit l’Ancien.
L’Ancien Testament (AT) comporte trois parties :
- La Torah : Loi ou Pentateuque
- Le Nebiim : les Prophètes
- Le Ketubim : les Écrits, les Livres de Sagesse
Il y a aussi trois parties dans le Nouveau Testament (NT) :
- Les Évangiles : ce sont des équivalents scripturaires de la Torah. Jésus est l’incarnation de la Loi.
- Les Actes des Apôtres : ce sont des récits historiques comme les récits prophétiques.
- Les Lettres : ce sont des écrits des Apôtres du Christ.
L’Apocalypse est un texte hybride : une première partie de l’Apocalypse est une lettre aux sept Églises de l’Asie mineure. La dernière partie est apocalyptique mais l’apocalyptique est présente dans toute la Bible.
La Torah
La Torah comporte cinq livres. L’événement central de la Torah est l’Exode (exodos : la sortie), la sortie de l’Egypte où le peuple hébreu était esclave de Pharaon. Avec les Évangiles nous découvrons comment Jésus nous libère des péchés et de la mort.
Il y a un temps spécifique au temps de la Loi et des Évangiles. Le premier mot de la Genèse est « Au commencement… » (arché en grec). C’est aussi le premier mot des Évangiles selon saint Marc et saint Jean. Il souligne le temps des origines, un temps que nous avons reçu. C’est le temps archétypal. Le temps archétypal est un temps que nous recevons : tout ce qui se passe dans le désert, la réception de la Loi n’a laissé aucune trace. C’est aussi le cas de la Croix et de la Résurrection.
Les Livres prophétiques
En réalité, comment vivons-nous cet idéal ? Dans la Bible, nous le voyons dans les Prophètes ou dans les Actes des Apôtres. L’événement central de la Torah, c’est l’Exode (sortie de l’esclavage). L’événement central de tous les Livres prophétiques, c’est l’Exil (retour en esclavage). Le peuple élu que Dieu a libéré de l’esclavage ne fait qu’y retourner.
Tous les Livres prophétiques sont classés par rapport à l’Exil. Ils sont écrits avant, pendant ou après l’Exil. Le Livre d’Isaïe a la particularité d’avoir été rédigé avant, pendant et après l’Exil. Ces livres retracent les difficultés du peuple élu, libéré de l’esclavage, à vivre cette liberté.
L’Exode était la sortie de l’esclavage ; l’Exil est le retour en esclavage. Dieu donne la liberté à son peuple mais le peuple se précipite dans l’esclavage du péché. Deux péchés résument tous les autres : l’idolâtrie (péché contre Dieu) et l’injustice (péché contre le prochain).
Dieu est fondamentalement juste. La justice permet d’aimer de façon vraie et raisonnable. Elle est première. De la justice de Dieu découle un amour bon.
Dieu envoie des prophètes pour rappeler les commandements mais le peuple ne les écoute pas. Ce choix le conduit à la mort et à l’esclavage. Le peuple appelé à la liberté et à l’amour retourne à la mort et à l’esclavage.
Les Actes des Apôtres commencent par une mort et se termine par une mort. Ils commencent par la mort d’Étienne et se terminent par le départ de Paul à la mort. À l’intérieur, on a le récit de la construction de l’Église.
Jésus a donné un certain nombre de règles à ses Apôtres et les a envoyés déclarer au monde le Salut universel :
« Allez donc : de toutes les nations faites des disciples […] leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. » (Cf. Mt 28, 19-20). Mais à son début, l’Église n’avait pas suivi Jésus. Tel est le cas traité lors du concile de Jérusalem : les Apôtres n’ont pas voulu accueillir les païens au sein de l’Église. C’est Paul qui leur a rappelé que Jésus est venu pour tout le monde : c’est celui qui n’était pas avec Jésus qui explique sa parole à ceux qui étaient avec lui. La réalité de l’Église est loin de l’idéal de Dieu.
Le temps de la réalité est le temps de l’Histoire. Tous les livres prophétiques ont laissé des traces archéologiques (David, Salomon et les rois d’Israël). Il en est de même pour les Actes des Apôtres : il y a des traces historiques de Pierre, de Paul et des autres et nous pouvons toucher les pierres du mur de Jérusalem qui était certainement de l’époque du Christ.
La Sagesse
Le cœur des écrits dans l’AT est un livre de prière : les Psaumes. Ils sont aussi au cœur de la prière de l’Église. Cette prière est née d’une confrontation au péché et à la mort : lamentation face au péché et à la mort et louange pour avoir été sauvé du péché et de la mort.
Tous les écrits de Sagesse tournent autour de la problématique du péché et de la mort : l’homme a été libéré du péché et de la mort et se retrouve complètement enfoui sous le péché et la mort. Il doit donc réfléchir. Il se tourne vers Dieu pour essayer de comprendre.
Les lettres de Pierre, Paul, Jacques et Jean parlent aussi du péché et de la mort. Les premières communautés chrétiennes n’étaient pas parfaites. Paul dit, par exemple, aux Thessaloniciens : vous attendez la résurrection ! Mais c’est quoi la résurrection ? Que signifie être sauvé de la mort ? Que signifie je suis ressuscité avec le Christ, je suis mort avec mon corps ?
Le temps de la prière est le temps du quotidien. C’est le temps de la conversion : l’homme essaie de comprendre sa foi et de se convertir. La conversion n’est pas définitive. Elle est à faire toujours, tous les jours.
La vie de foi
Dans la Bible, la Loi nous donne l’idéal, les Prophètes nous font les récits de ce qui se passe dans la réalité et les écrits de Sagesse sont une réflexion sur pourquoi je n’arrive pas à vivre. On retrouve la même logique dans le NT et c’est aussi le cas dans notre vie. C’est ainsi que la Parole de Dieu est une parole vivante. Elle nous rend libres parce qu’elle nous aide à résoudre les problèmes. Attention toutefois, il n’y a pas de réponses toutes faites dans la Bible mais on y trouve différents chemins de la Liberté.
La Torah ou les Évangiles se terminent par la mort (de Moïse ou de Jésus) ou le départ du législateur, celui qui a apporté l’idéal. La mort est partout dans la Bible. Nous y sommes confrontés dans les Prophètes et dans les Actes des Apôtres.
Mais la foi chrétienne nous apprend qu’il faut passer par la mort pour accéder à la vie. La Bible a un langage spécifique pour parler de la vie. C’est l’Apocalypse qui est le langage de l’espérance et de la vie. On trouve des apocalypses dans les écrits, par exemple, le livre de Daniel chez les prophètes. Il y en a moins dans les Actes des Apôtres. Il y a aussi des passages apocalyptiques dans les Évangiles. C’est le cas dans l’évangile de Matthieu à la mort de Jésus (Mt 27, 50-54). Le message de Matthieu est le suivant : Jésus meurt et c’est à ce moment-là que la vie a triomphé car les morts ressuscitent. Au moment où Jésus meurt, c’est la vie qui gagne. C’est au moment où tout semble perdu que le salut est accompli. En résumé, il faut toujours passer par la mort pour gagner la vie.
Le lieu où tout est accompli est la Croix : le Christ est la reliure qui unit l’AT et le NT. La Liberté est accomplie à la mort de Jésus.
Le temps de l’Apocalypse est le temps de l’Espérance, le temps de l’Aujourd’hui : nous sommes vainqueurs de la mort aujourd’hui. Nous sommes déjà dans la fin des temps. Le salut est accompli à la mort de Jésus sur la Croix donc il est déjà là. C’est un peu difficile à voir en catéchèse et pourtant c’est très important puisque c’est la Nouvelle Alliance que Jésus a accomplie et que nous vivons déjà aujourd’hui.
En catéchèse
La vie de l’Église n’a pu se développer qu’au départ de Jésus. Si on veut être libre, il faut que Jésus monte au ciel. Il en est de même pour Moïse et pour les prophètes : ils disparaissent derrière leurs messages car ce sont les messages qui sont les plus importants.
Il en est donc de même pour les catéchistes. Il faut qu’ils s’effacent devant leurs messages car ce ne sont pas leurs paroles que les enfants doivent entendre mais la parole de Dieu. Elle est première.
En conclusion, nous pouvons lire l’AT à la lumière du NT et réciproquement. Plus encore, on ne peut pas comprendre le NT sans avoir l’AT en tête puisque l’AT y est beaucoup cité. De même, le NT vient éclairer la lecture de l’AT. C’est ce que Philippe, le diacre, fait avec l’eunuque (Ac.8, 26- 40) : il lit les Écritures à la lumière du Christ. Il donc important de faire ce va-et-vient pour soi et aussi en catéchèse.
Enfin, la Bible nous révèle la figure trinitaire de Dieu : la Torah nous révèle la figure du Père qui donne la vie et qui donne la Loi. Dans l’Evangile, c’est aussi la figure du Père qui est prégnante. Il donne le Fils et accomplit le salut à travers lui. Les Prophètes sont la figure du Fils et la Sagesse c’est l’Esprit : c’est l’Esprit qui prie en nous et qui anime la vie de l’Église.
Les quatre niveaux d’interprétation et de compréhension
La méthode ci-dessous permet de lire un texte biblique et de bien comprendre son message. Il est important de respecter l’ordre des étapes et de ne pas les sauter ou les inverser. Cet exercice est exigeant mais il porte beaucoup de fruits.
Lecture historico-critique
Il s’agit d’abord de replacer le texte dans son contexte historique et géographique, de le situer dans son sens originel. Cette lecture est de type littéraire et s’inscrit dans une lecture historico-critique qui tient compte de l’histoire de la rédaction et du contexte historique et sociologique dans lequel le texte a été écrit, si tant est que cela nous soit possible. Cela précède la lecture croyante qui se déploie sur quatre niveaux successifs, à prendre dans l’ordre.
Quelle est l’histoire de sa rédaction (y a-t-il trace de remaniements dans le texte, n’y a-t-il pas des doublets (versets répétés à l’identique), des inclusions (phrases ou mots identiques au début et à la fin du texte), les idées et les faits sont-ils cohérents, n’y a-t-il pas des contradictions ?
À qui ce texte s’adresse-t-il ?
À quelle situation historique se rapporte-t-il ?
Quel est son genre littéraire : de la prose, de la poésie, une parabole, un conte, un récit ?
Lecture croyante pour aujourd’hui
Lecture anthropologique : ce que le texte dit de l’homme
À ce stade, la foi n’intervient pas vraiment, il s’agit avant tout de se demander : Qu’est-ce que ce texte dit de l’Homme ? Qu’est-ce que ce texte dit de l’Homme qui soit valable de façon intemporelle et même universelle. La Bible est un texte écrit par des hommes pour d’autres hommes, un texte incarné dans une réalité humaine profonde, un texte qui révèle l’humanité dans tous ses aspects, les plus beaux comme les plus affreux. Cette lecture me permet de me sentir concerné par le texte, il parle de moi, il parle de qui je suis réellement. Il n’y a pas de jugement de valeur, il ne s’agit pas de juger d’un comportement en fonction de notions de bien ou de mal, il s’agit de dire l’homme.
Lecture morale : ce que le texte dit de l’homme en relation avec d’autres
À ce niveau, notre foi n’est toujours pas directement en cause, il s’agit de se demander : Qu’est-ce que ce texte dit de ma relation aux autres ? Il fait intervenir des notions de bien et de mal, de juste et d’injuste. Il fait appel à ma conscience. En quoi mon propre comportement moral est éclairé par ce texte.
Lecture théologique : ce que le texte dit de Dieu
Il s’agit maintenant de faire le saut de la foi, de se de- mander : Qu’est-ce que ce texte me dit de Dieu ? Il ne s’agit pas de calquer ses propres désirs ou images de Dieu, il s’agit en toute honnêteté de se demander : com- ment m’apparaît Dieu dans ce texte ? Cela peut être de façon négative : Dieu semble cruel et colérique, ou positive : il est pardon, amour. Si cette image de Dieu me choque, pourquoi ? En quoi cela doit-il me faire bouger dans ma foi, qu’est-ce que cela peut signifier ?
Lecture spirituelle : ce que le texte dit de l’homme dans sa relation avec Dieu
Au terme de toutes les étapes précédentes et pas avant, je peux me demander : Qu’est-ce que ce texte me dit de la relation entre Dieu et l’homme, de ma propre relation avec Dieu ? Cette lecture est dépendante de ma lecture historico-critique, de ma lecture anthropologique, de ma lecture morale et théologique, elle est source pour moi d’une parole de Dieu qui s’adresse à moi et seulement à moi, d’une Parole qui devient dialogue et prière.
Intervention du Père Damien Stampers, vicaire général de Blois et enseignant à l’Institut catholique de Paris. Propos recueillis par Rondro Tsizaza.