#340 « Quand la mort frappe à la porte, je garde confiance ! »
Ce message qui touche la vie de notre diocèse de Chartres ne commence pas par les meilleures nouvelles. En effet, alors que le soleil brille en ce mois de juillet, la mort frappe à la porte et nous bouleverse. Aussi je vous donne quelques nouvelles.
Dimanche dernier, le père Serge Roux du diocèse de Chartres est décédé à 92 ans, entouré des sœurs de Saint-Paul de Chartres. Serge Roux célébrait la sainte messe jusqu’au bout, récemment il était affaibli mais encore lucide. Nous avions parlé du Ciel ensemble il y a quelques jours, et il se savait sur le départ. Il a fermé les yeux pour voir le visage de Dieu au Ciel.
Puis c’est une femme directrice d’un établissement scolaire, le collège Sainte-Marie à Chartres, qui nous quitte après un mois dans le coma suite à une chute dans sa maison. Début mai, Laurence Tabbara était venue à Rome avec une vingtaine de collègues d’Eure & Loir pour vivre le jubilé de l’Espérance. Je me rappelle son émotion si joyeuse lorsqu’elle portait la croix du Jubilé sur la via della Conciliazione pour nous rendre à la Basilique Saint-Pierre. Avec Laurence, nous échangions régulièrement sur l’engagement dans la transmission des savoirs et l’instruction catholique dans son établissement. Cela lui tenait à cœur. Son départ ébranle bien des gens et nous la confions à l’amour miséricordieux de Dieu.
À Paris, un autre deuil marquant pour l’Église de France est celui du Cardinal André Vingt-Trois le vendredi 18 juillet. En 1987, il m’accueillit en tant qu’évêque auxiliaire quand je lui fis ma demande pour entrer au séminaire pour le diocèse de Paris, puis il m’ordonna diacre en l’église Saint-François-Xavier en 1991. Alors que j’étais curé à Paris, il fut mon archevêque apprécié pour sa parole franche, modeste mais forte. C’était un homme libre face aux médias et dans ses rencontres avec la société civile, ne cherchant pas à paraître aux yeux des hommes afin d’être toujours un simple disciple de Jésus-Christ. Son humour savait nous toucher, il était plutôt pince sans rire. Je l’ai aimé comme pasteur et apôtre.
La mort est là. Mais pour nous catholiques elle reste un mystère puisque nous espérons en la vie éternelle. La vie ne s’arrête pas avec l’arrêt des fonctions vitales du corps qui connaît la corruption, alors que notre âme retourne au Ciel en Dieu. Nous sommes destinés à voir la Gloire de Dieu, nous nous y préparons, nous accompagnons ceux qui nous quittent par des prières confiantes afin qu’ils soient accueillis dans la paix, sur le sein de Dieu.
J’ai heureusement la joie de confier ces personnes à l’amour de Dieu à Paray-le-Monial où je vis la session organisée par la Communauté de l’Emmanuel et l’Office Chrétien des Handicapés (OCH). Près de cent cinquante personnes en situation de handicap sont là. Une jeune fille disait que leur présence rendait l’amour plus concret et vrai. Ces frères et ces sœurs différents nous devancent souvent pour nous offrir un sourire, oser rire et danser, venir s’enquérir de notre humeur. Paray-le-Monial est la cité du Cœur de Jésus. Dans l’évangile selon saint Matthieu (chapitre 12), quand Jésus rencontre des scribes et des pharisiens, ceux-ci veulent qu’il leur donne un signe. Et Jésus de leur répondre qu’ils n’auront comme signe seulement le signe de Jonas. Quel est ce signe ? Jonas est un petit prophète que Dieu envoie convertir Ninive la ville très païenne par ses mœurs, dans l’actuelle Irak. Jonas refuse car il estime qu’il serait injuste de sauver Ninive vu son péché. Jonas fuit donc sa mission, part au loin sur un bateau qui est pris dans une tempête. Tous les marins prient leurs dieux et Jonas avoue n’avoir pas obéi à son Dieu, aussi demande-t-il à être jeté par-dessus bord ce qui sauve le navire et l’équipage. Jonas est avalé par un monstre marin, qui le rejette sur la grève trois jours plus tard. Alors Jonas acquiesce à l’ordre de Dieu, va à Ninive, prêche trois jours durant la conversion et tout Ninive est sauvée.
Ce séjour de Jonas dans le monstre est compris comme une préfiguration des trois jours de Jésus dans le tombeau. Jésus en sort ressuscité, après être descendu aux enfers sauver les âmes en attente du salut, et il vainc la mort définitivement ouvrant la voie de la résurrection pour chacun de nous.
À Paray-le-Monial, Jésus offre à une simple religieuse visitandine, sainte Marguerite-Marie, plusieurs apparitions lors desquelles il lui révèle son cœur présenté comme une fournaise de feu. Ce feu est en réalité l’amour divin. Le signe de Jonas s’enrichit de ce symbole merveilleux car on comprend alors mieux dans l’Église la réalité exprimée par le Sacré-Cœur qui suscitera un courant de conversion et de dévotion extraordinaire dans le monde entier. L’Église saisit que le message est celui de la miséricorde divine. L’amour divin console, pardonne, fortifie ceux et celles qui sont blessés et qui se tournent vers le Cœur sacré de Jésus. Sainte Thérèse de Lisieux dira que les pires péchés ne sont qu’une goutte d’eau devant ce brasier ardent qu’est l’amour manifesté par le Cœur de Jésus. Quelle source d’espérance !
C’est cette espérance que nous sommes invités à vivre pour nos proches défunts. Nous-mêmes, à notre tour, passerons par la mort et nous serons enfouis dans le silence et la solitude, pour ressusciter avec le Christ et passer sur les rives de la vraie vie, la vie éternelle. Nous aurons à supporter le ventre du monstre marin, pas trop longtemps nous l’espérons, selon notre vie ici-bas, avant d’être jugé sur l’amour que nous aurons offert autour de nous. Cela est une affaire des plus sérieuses puisqu’il s’agit de notre destinée éternelle.
Sainte Marguerite-Marie Alacoque qui bénéficia des apparitions de Jésus en cette petite ville au XVIIe siècle avait un père spirituel, le père Claude La Colombière (1641-1682). On voit en lui un père doux et bon, capable de faire confiance pleinement à Jésus. Je vous livre la prière qu’il priait et que nous pouvons ensemble reprendre pour vivre ces journées émouvantes marquées par la mort de ces personnes proches. Prions ensemble.
« Mon Dieu, je suis si persuadé que Vous veillez sur ceux qui espèrent en Vous, et qu’on ne peut manquer de rien quand on attend de Vous toutes choses, que j’ai résolu de vivre à l’avenir sans aucun souci, et de me décharger sur Vous de toutes mes inquiétudes : “Pour moi, mon Dieu, je dormirai et me reposerai dans la paix que je trouve en Vous ; parce que Vous m’avez, Seigneur, affermi d’une manière toute singulière dans l’espérance que j’ai en Votre divine bonté” (Ps IV, 9-10).
Les hommes peuvent me dépouiller et des biens et de l’honneur, les maladies peuvent m’ôter les forces et les moyens de Vous servir, je puis même perdre Votre grâce par le péché ; mais jamais je ne perdrai mon espérance, je la conserverai jusqu’au dernier moment de ma vie, et tous les démons de l’enfer feront à ce moment de vains efforts pour me l’arracher. Pour moi, mon Dieu, je dormirai et me reposerai dans la paix que je trouve en Vous.
Notre Père