#310 « En chemin pour une année d’espérance ! »

Encore quelques jours avant d’entrer dans une nouvelle année. Si les gouvernements se succèdent, laissant l’impression au citoyen que je suis que la politique est bien mal en point, heureusement l’Église catholique entre en Jubilé toutes les vingt-cinq années, et le pape François a choisi de placer celui-ci sous le thème : « Pèlerins de l’Espérance ». Le mot pèlerin nous met en route, il nous évite de demeurer sur place dans l’attente que quelque chose d’extérieur nous donne envie de bouger. En réalité il s’agit de prendre un paquetage léger et de partir à la rencontre des autres, d’ouvrir nos portes et de sortir dehors, de se laisser inspirer par le Saint-Esprit qui nous proposera des voies nouvelles et missionnaires. Nos Conseils Missionnaires Paroissiaux (CMP) ont pour mission dorénavant de nous stimuler en reconnaissant dans les attentes de nos contemporains des invitations pressantes. Que dit le Pape en introduction de son texte présentant ce jubilé ? En premier il écrit « Spes non confundit », ce qui se traduit par « l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5, 5). Il cite l’apôtre Paul qui écrit en prison à Rome suite à son arrestation et à sa demande d’être jugé par l’empereur lui-même puisqu’il a le statut de citoyen romain. Paul connaît la précarité de son devenir personnel. Pourtant il veut encourager ces premiers chrétiens qui vivent en petites communautés de la fraction du pain, de l’annonce de l’Évangile et d’une charité en acte auprès des nécessiteux. Pour le pape François, ce jubilé veut « ranimer l’espérance » aujourd’hui et, pour ce but, la « Parole de Dieu nous aide à en trouver les raisons ». Saint Paul confirme cela par une expression magnifique à garder dans le cœur : « l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 1-2.5). Comment mieux dire ce que l’Esprit Saint fait en nous ? Le verbe donner dit la gratuité et la générosité de ce que l’Esprit opère en nos cœurs souvent lourds car maltraités par les épreuves de la vie. L’espérance ne déçoit pas, elle est donc simultanément une grâce divine et un choix à poser afin de la recevoir et de la conserver. L’espérance est la frange d’or illuminant nos sombres nuages, dit une chanson.

Pour les nouveaux chrétiens, l’espérance est une découverte bouleversante qui change leur vie tout en étant déroutante. Le changement peut être douloureux, car il faut laisser la grâce ôter la peau du vieil homme qui résiste afin de renaître. Il y a un mystère qui relie à la mort et à la résurrection de Jésus. L’espérance vient du cœur transpercé du Christ alors qu’il est suspendu au bois de la croix au Golgotha. C’est de la mort que jaillit la vie. C’est par le transpercement de la chair de Jésus que coule le sang qui nous rachète ; le Christ devient l’agneau immolé qui remplace l’agneau pascal des juifs. Le pape François, en citant encore saint Paul, affirme que l’espérance chrétienne ne trompe ni ne déçoit parce qu’elle est fondée sur la certitude que rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu : « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? L’angoisse ? la persécution ? La faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? […] Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8, 35.37-39). Saint Paul est conscient que le parcours du chrétien passe par l’incompréhension, la lutte, voire le martyre. Il le vivra maintes fois dans sa chair jusqu’à sa décapitation. Pour lui, la mission d’évangélisation passe par cette souffrance. L’épreuve produit la persévérance, dit-il, celle-ci produit la vertu éprouvée et cette dernière produit l’espérance. Ainsi l’espérance n’est pas un rêve de bobos ou d’écolos déconnectés, mais une vertu infusée par l’Esprit chez ceux qui acceptent la lutte et la détresse par leur détermination à demeurer fidèles à leur vocation à la sainteté que notre baptême nous convainc de choisir par grâce de Dieu.

Puisque la croix du Christ nous précède, le dimanche de l’Épiphanie, soit le 5 janvier, nous entrerons en procession dans la cathédrale de Chartres avec une nouvelle croix de bois, qui marquera l’ouverture du jubilé de l’Église universelle. La croix demeurera dans la cathédrale pour signifier et rappeler cette année jubilaire à tous nos visiteurs et pèlerins. La croix sera une invitation à vivre le quotidien dans cette lumière de l’espérance, même si les guerres venaient à continuer, les conflits politiques à s’aggraver, la situation économique à se dégrader. Bien entendu, nos prières solliciteront le Seigneur en vue de la résolution de ces difficultés. Mais nos prières seront aussi, et avant tout, ce lien au Père, au Fils et au Saint-Esprit. La liturgie de l’octave de Noël nous fait vivre la joie de la nativité chaque jour. Retentissent ces paroles du prophète « exulte de joie, pousse des cris de joie ». Ici aussi, les fidèles doivent en faire le choix librement, soutenus par l’assurance que c’est Dieu qui vient parmi nous pour nous sauver et nous conduire à l’amour du Père éternel.

Le pèlerinage appartient au jubilé. Certains iront donc à Rome. Chaque communauté locale et paroissiale est appelée à donner forme au pèlerinage. Cela peut se vivre sur place, ou en venant à la cathédrale de Chartres pour faire le parcours jubilaire, ou encore par des journées de pèlerinage simples à organiser dans un lieu spirituel proche. Souvent il suffit de réserver un bus, de proposer un forfait financier peu coûteux, et d’y aller en emportant une part de nourriture que l’on se partagera. Durant le trajet, on prie le chapelet, on chante et on introduit un thème spirituel qui approfondit la grâce du jubilé. Depuis plus de trente années, tous ces pèlerinages ont été des réussites. Osez en organiser un !

Un aspect important de tout jubilé est l’expérience de la miséricorde divine, tout d’abord en lisant les évangiles. Dans ces récits authentiques, Jésus-Christ se montre proche des personnes souffrantes, pécheresses, endeuillées, abattues et ces récits nous émeuvent et nous transforment. La Parole est une lumière sur notre route. Ensuite viennent le sacrement du baptême et celui de la confirmation qui ouvrent à une vie spirituelle comme pour les apôtres de Jésus. Beaucoup de nouvelles personnes viennent demander ainsi à entrer dans l’Église en recevant le baptême dans l’eau et l’Esprit. Enfin, il y a le sacrement de la réconciliation appelée aussi la confession. Jésus demandait à ses apôtres de pardonner en son nom afin que chacun soit pardonné au Ciel. La marche du pèlerin propre au jubilé en vue d’une nouvelle année de grâces a besoin de cette force du pardon sacramentel et il sera nécessaire que les prêtres se montrent généreux en temps pour l’accueil des pénitents. La confession est une demande de pardon de ses péchés, exprimée avec une contrition sincère. Il n’est nul besoin d’expliquer longuement. Ainsi peut-on se confesser en six ou huit minutes, ce temps incluant un conseil spirituel de la part du confesseur afin de vivre plus profondément et plus véritablement sa foi.

En cette année nouvelle, vivre l’espérance nécessitera un engagement porté par des actions et des prières en faveur de la paix car la violence et la guerre ruinent l’espérance ; par un combat pour la défense de la vie finissante avec le spectre d’une loi favorable à l’euthanasie active et au suicide assisté ; par la promotion des droits des femmes partout et notamment dans les pays où ils sont bafoués par des lois islamiques inqualifiables ; par le choix d’une écologie intégrale avant que la planète n’étouffe par le CO2 rejeté dans l’atmosphère ; par une ferme volonté d’offrir à chaque enfant une éducation de qualité. La vie doit être accueillie et soutenue car une société qui n’enfante plus meurt. Bien des luttes sont devant nous et les catholiques ne sauraient parler d’espérance sans agir. Nous devons agir ensemble, en nous encourageant et en nous soutenant dans nos communautés, nos associations et mouvements, notre diaconie diocésaine. Tant de personnes attendent une présence et de l’aide : les jeunes des quartiers et de la ruralité, les migrants, les personnes à la rue, nos anciens, les personnes en situation de handicap, les pauvres en argent et en lien sociaux. Ne nous payons pas de mots, ce sera difficile certes, mais si chacun apporte sa pierre à l’édifice, des étapes sont possibles et seront porteuses d’espérance. Non elle ne déçoit pas l’espérance si nous la recevons en nous associant pour réaliser quelques rêves et rendre le monde meilleur. Une laïcité éclairée devrait associer tous les talents, sans confusion des rôles et sans exclusion. Marchons ensemble en vue de la paix et de la construction de projets audacieux. Je vous souhaite une année nouvelle pleine d’opportunités et de joies.

Prions avec la prière introductive du rituel qui ouvre l’année jubilaire universelle :

Seigneur Dieu,
espérance qui ne déçoit pas,
commencement et fin de toutes choses,
en ce temps de grâce,
bénis le début de notre pèlerinage derrière la croix glorieuse
de ton Fils ; panse les blessures des cœurs brisés,
délie les chaînes qui nous maintiennent esclaves du péché et
prisonniers de la haine
et accorde la joie de l’Esprit Saint à ton peuple
afin qu’il puisse marcher avec une espérance renouvelée vers le
désir de son cœur, le Christ, ton Fils et notre Seigneur.
Lui qui vit et règne pour les siècles des siècles.