#305 « Quand l’amour rejoint le pauvre pour ensemble nous réjouir ! »
Par ce message, j’aimerais revenir sur la magnifique journée des pauvres vécue dans l’Église catholique à la demande du pape François, particulièrement en notre cathédrale de Chartres. Le pape a proposé que le 33e dimanche de l’année liturgique soit ce dimanche des pauvres. Le concept de cette journée est de vivre avec ceux et celles qui sont pauvres et non pas de faire une journée pour les pauvres. Ainsi comprend-on l’importance des mots « avec » et « ensemble ». La pauvreté est un cri lancé vers ceux qui possèdent. « La prière du pauvre s’élève jusqu’à Dieu » (Si 21,5) était le thème choisi pour cette 8e édition, en cette année consacrée à la prière, en préparation du Jubilé de 2025.
Jésus dit « des pauvres, vous en aurez toujours avec vous ! » (Mc 14,7). En effet, malgré le montant colossal des avoirs financiers des Nations, des entreprises et des particuliers, le nombre de personnes en situation de pauvreté dépasse le milliard et la misère s’abat sur des millions de gens qui tentent de survivre de quelques maigres repas. Chaque jour, tant de personnes meurent de faim. Beaucoup, tel Barthimée, aveugle et mendiant, crient vers Jésus « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi » (Mc10,47). Qui les entend ? De nombreuses personnes sont généreuses et désirent faire un don pour le bien de celui qui vit dans la précarité. Si cela part d’un bon sentiment, il arrive que cet acte ne soit pas ajusté car il émane de nous et ne correspond pas aux besoins de la personne. Ainsi certains SDF se voient offrir des cafés par des maraudes nocturnes alors que leur seul désir est de dormir ! Il importe d’entrer en relation et d’écouter l’attente de l’autre.
À Chartres, nous rendons grâce pour la merveilleuse journée de ce « dimanche des pauvres ». Sa préparation date de plusieurs semaines, dans le cadre du jubilé des 1000 ans de la crypte. La diaconie diocésaine, service informel qui fait le lien entre les acteurs de l’action caritative catholique, a accompagné des personnes vivant à la marge afin qu’elles soient partie prenante de la liturgie de la messe : lectures, procession des offrandes, déclamation d’une poésie, réalisation de cartes de vœux. Nombreux furent les fidèles touchés par les mots d’Yves qui habituellement accueille et chante devant le portail royal, sa coquille Saint-Jacques et ses fleurs en main, qui ajouta quelques mots personnels de supplication à la prière universelle. Au déjeuner, la table ouverte accueillait plus de cent vingt personnes dans nos locaux de la Visitation, amis et paroissiens, personnes seules ou vivant à la marge de la société, autour d’un bon menu. Enfin l’après-midi, dans le chœur de la cathédrale fut proposé un magnifique concert organisé par l’ensemble Jubileo auquel étaient associés d’excellents musiciens et chanteurs venus de l’Opéra de Paris pour interpréter le Stabat Mater du compositeur tchèque Antonín Dvořák. Entre chaque morceau, des personnes vivant une réelle pauvreté lisaient des textes brefs emplis de cris et de douleurs, de joies et d’espérance, de foi et d’amour. Plus de cent personnes ont été protagonistes de ce moment intense, artistique, humain et si spirituel. Nous étions en communion de cœur, tous ensemble, réveillant au fond de nous-mêmes nos richesses intérieures et nos désirs d’amour, accueillant avec stupéfaction l’expression artistique de chacun.
Ce jour-là, la cathédrale est devenue l’écrin d’une fraternité palpable et surnaturelle, ce jour-là, nous étions unis avec nos différences sociales, heureux de former le corps du Christ et de nous rassembler en présence de Notre-Dame de Chartres qui veille sur nous. Le pape François dans son homélie dit : « on devient Église de Jésus dans la mesure où nous servons les pauvres, car ce n’est qu’ainsi que l’Église “devient” elle-même, c’est-à-dire une maison ouverte à tous, un lieu de la compassion de Dieu pour la vie de chaque homme ».
Cette journée chartraine mémorable fut construite ensemble, avec le soutien de nombreux fidèles, la générosité des artistes, l’aide du personnel du rectorat et de l’équipe de l’hôtellerie Saint-Yves. La simplicité et la confiance mutuelle ont permis de tisser des liens que nous souhaitons durables. Chacun a apporté ses talents pour un projet commun, loin de toute prétention mondaine. Il s’agissait de donner le meilleur de soi-même, d’offrir un espace de parole à ceux qui n’ont pas de voix pour dire leur vie. La possibilité de l’imperfection a permis l’accueil pour tous.
Qu’offrir de mieux qu’un esprit de famille ? L’Église est une mère pour tous, particulièrement les plus souffrants, c’est là son action quotidienne, dans la discrétion des aumôneries et des associations qui œuvrent au plus près des gens. Certes, certains membres de l’Église font parfois scandale car le baptême ne garantit pas la pureté personnelle. Jésus-Christ nous a choisis par avance pour nous confier un trésor, sa Miséricorde, dont nous essayons de témoigner dans ces moments quotidiens de nos vies engagées, comme lors de tels événements qui rassemblent la communauté. N’est-ce pas ainsi qu’est l’Église : une communauté d’amour qui célèbre le Christ dans l’eucharistie en y puisant les dons de l’Esprit en vue de notre communion fraternelle ? Nous sommes un corps, le corps du Christ, ouvert et accueillant de nouveaux membres de toutes nations et cultures.
Accueillir le pauvre est un défi. Les fidèles chrétiens vont à la messe ce qui est merveilleux. Sanctifier le jour du Seigneur n’est pas optionnel : c’est vivre un commandement divin. Mais la foi se vit aussi à travers nos œuvres dit l’apôtre Jacques. Rendre concret notre engagement envers les pauvres n’est pas tâche facile. On serait tenté de faire un don financier pour cocher la case charité. Sans les œuvres « la foi chrétienne elle-même se réduit à une dévotion inoffensive, qui ne dérange pas les puissances de ce monde et ne génère pas d’engagement concret dans la charité » affirme le pape François. Faut-il ouvrir notre porte, et préparer une place à notre table pour une personne rencontrée au hasard des rues ? Certains le prévoient, j’en suis témoin, mais c’est tout de même rare. Jésus dit que nous pourrions accueillir un ange sans nous en rendre compte. Mais toutes les personnes vivant dehors ne sont pas des anges. Ni le pauvre ni le riche n’ont le monopole du bien ou du mal. Ce qui rend l’homme pur jaillit de son cœur et de son âme. Ainsi, un couple chartrain a offert repas et couchage à deux jeunes hommes, deux nuits durant, sans imaginer que la police les recherchait, ce qui leur fut dit ensuite ! Ils étaient charmants et cependant voleurs.
Le cri de Lazare, le corps marqué d’ulcères que léchaient des chiens, nous interpelle. Le riche, dont la parabole ne dit pas le nom, l’ignore absolument. Lazare est devenu transparent à ses yeux. Or ce riche sera séparé de Dieu dans sa vie après la mort, l’Écriture l’affirme : point de paradis pour celui qui a profité des biens terrestres sans attention aucune pour le malheureux gisant à sa porte. Nous sommes enseignés par Jésus quant à notre destinée finale. Ceux à qui nous aurons fait du bien nous ouvrirons la porte du Ciel, car dit Jésus, « ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40). À la fin de notre vie, nous serons jugés sur l’amour que nous aurons eu pour nos frères et sœurs. Le Christ nous invite au don de soi pour que le Royaume de Dieu éclaire au temps présent nos relations humaines. « J’avais faim et tu m’as donné à manger » (Mt 25,35). Pourquoi ne pas inviter un malheureux à entrer dans une boulangerie afin qu’il choisisse un menu pour son déjeuner ? Pourquoi ne pas centrer nos cadeaux de Noël sur l’aide à des populations en détresse en expliquant à vos enfants ces situations dramatiques ? Les enfants ont souvent une conscience aiguë de la justice et ils seront heureux de partager.
Jésus-Christ s’est fait pauvre pour nous sauver et nous partager sa richesse divine. Élevons les yeux vers lui et découvrons-le dans le cœur et la vie des petits, parmi nos proches, dans les hôpitaux et les EHPAD. « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. » (Evangelii Gaudium §1 du pape François). Suivant l’exemple de l’ensemble musical Jubileo qui nous a offert le concert de dimanche, pourquoi ne pas chanter quelques chants de Noël à nos anciens ? Même imparfaitement interprétés, ils feront leur joie. Le vivre en famille, ne serait-ce pas une belle aventure ? Osez !
Je vous propose de prier maintenant pour ces hommes et ces femmes vivant à la marge de la société qui sont retournés à leur vie difficile. Ces personnes sont aimées de Dieu. Infiniment. Soyons par la prière, le sourire, la présence signe du Christ vivant sur leur chemin. Nous ne connaissons pas la vie des autres ni les douleurs intérieures, aussi toute attitude d’amour et de joie simple sera un cadeau pour ces personnes, montrons-nous généreux. Notre-Père